𝟐𝟎 - 𝐋'𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫 𝐝'𝐮𝐧𝐞 𝐦𝐞̀𝐫𝐞

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𝐂𝐀𝐙𝐈𝐄𝐋


Orion me manque terriblement, et c'est presque insultant à quel point ce constat est devenu mon activité à plein temps depuis jeudi. Je ne fais littéralement plus rien d'autre que penser à lui. À sa façon de froncer les sourcils quand il réfléchit trop. À son regard noir qui te transperce même quand il ne dit rien. À la chaleur de ses mains. Au goût de ses lèvres. Putain... surtout à ça. Notre baiser me revient en boucle, comme une scène de film en lecture automatique dans mon crâne, sauf que je ne peux jamais appuyer sur pause. Le poids de son corps contre le mien dans mon lit, la façon dont il avait hésité une demi-seconde avant de m'embrasser vraiment, comme s'il avait peur de tout casser, et moi qui avais répondu comme si j'attendais ça depuis toujours. C'était intense, électrisant, presque irréel. Le genre de moment que ton cerveau classe directement dans la catégorie "ça ne peut pas être vrai, donc ça va sûrement tourner au drame". J'en suis complètement accro. Et le pire, c'est que ça n'a duré qu'un souffle, un instant trop court, et depuis... plus rien. Pas de message. Pas d'appel. Pas même un regard dans un couloir. Juste le vide. Un vide immense, brutal, qui a la forme exacte d'Orion.

Je ne savais pas qu'on pouvait désirer quelqu'un à ce point, au point que son absence devienne presque physique, comme un manque d'air. Il est partout dans mes pensées, même quand j'essaie de m'en débarrasser. Et j'ai beau tourner ça dans tous les sens, rien ne remplit ce trou. Pas Brielle. Pas mes potes. Pas mes conneries habituelles. Rien. Lui, c'est différent. Lui, c'est tout ce que je veux. Et évidemment, la vie ayant un sens de l'humour particulièrement sadique, c'est précisément à ce moment-là que tout a basculé dans un autre genre d'horreur.

Parce que comme si l'exclusion, la bagarre, la tension avec l'école et l'interdiction du bal ne suffisaient pas, William a décidé de lâcher la bombe nucléaire émotionnelle ultime. Il est allé au poste voir ma mère et lui a révélé que Lyra était enceinte. Enceinte. Ce mot a traversé le lycée plus vite qu'un incendie en plein été. Ici, les rumeurs roulent plus vite que la vérité elle-même, et celle-là, personne n'a pu l'arrêter. Le choc a été immédiat, presque irréel. Ma mère, après avoir compris que ce n'était pas une invention malsaine, n'a pas hésité une seconde : avec l'accord des parents d'Orion, elle a fait autoriser l'exhumation du corps pour de nouveaux examens. Et les résultats sont tombés, froids, définitifs. Lyra portait bien un enfant. Ce jour-là, j'ai senti quelque chose se briser encore un peu plus dans ma poitrine. Une fille de quinze ans. Enceinte. Assassinée. Qui peut faire ça ? Qui peut être assez monstrueux pour arracher la vie d'une gamine dans cet état-là ? Et pire encore... quel genre d'homme peut mettre une fille dans cette situation, puis rester silencieux pendant qu'elle meurt ? Ma mère est persuadée que le père est aussi le meurtrier. Logiquement, ça tient. Émotionnellement, ça me donne juste envie de vomir. Le problème, c'est que même avec ça... on piétine. Aucune preuve supplémentaire. Aucun suspect clair. Juste une vérité de plus qui n'apaise rien. Leur mort n'a pas de sens. Et ça me rend dingue.

Le vendredi s'étire comme une torture lente. Pour couronner le tout, ma mère m'a confisqué mon téléphone, mes jeux, ma console, mes écrans, et probablement mon futur aussi tant qu'on y est. Officiellement pour me "calmer". Officieusement pour m'empêcher d'écrire à Orion. Résultat : je tourne dans ma chambre comme un lion en cage avec une frustration qui monte à chaque seconde. Je me jette sur mon lit. Je me relève. Je regarde le plafond. Je parle à Bounty. Je le supplie presque de me donner une occupation digne de ce nom, mais il préfère dormir au lieu de m'aider dans ma détresse amoureuse. Traître.

Quand Suz et Riley débarquent enfin en fin d'après-midi, c'est une véritable bouffée d'oxygène. Même si je les envie jusqu'à la nausée pour leur liberté de sortir, de voir du monde, d'aller au bal, de vivre normalement pendant que je suis coincé ici comme un pensionnaire en rééducation émotionnelle. Je suis assis sur le bord de mon lit pendant que Suz monopolise le miroir, concentrée comme si sa vie en dépendait, traçant son eyeliner avec la précision d'un chirurgien. Riley, lui, est déjà en smoking, impeccable, ses cheveux blonds parfaitement coiffés, l'air d'un héros de série Netflix que je déteste cordialement à cet instant précis.

𝐌𝐈𝐃𝐍𝐈𝐆𝐇𝐓 𝐁𝐋𝐔𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant