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  Wakasa Imaushi sourit bêtement en relisant les dernières lignes de son article. Il ouvrit sa boite électronique, rédigea quelques lignes à l'intention de son rédacteur en chef, Hajime, puis associa le texte de son article, en document joint. Il brancha son ordinateur portable sur la première prise téléphonique qu'il trouva et envoya le message.
Observant le logo qui indiquait la diffusion des données, il réfléchit. Dire la vérité, avoir de quoi écrire...
  Le Weekly ne s'embarrassait jamais de scrupules. Pourtant Hajime allait exiger plus : son magazine, spécialisé dans les faits divers, se devait d'avoir une longueur d'avance sur les autres journaux de la ville. Wakasa avait plutôt pas mal de retard...
Il s'étira et contempla la pénombre mordorée qui l'entourait : fauteuils de cuir et cuivres astiqués. Depuis des années, le jeune homme avait fait de ce café son quartier général. Il avait choisit cet endroit situé à quelque mètres de son atelier : il adorait cette atmosphère de pub british, ou les effluves de cafés se mêlaient à la fumée de cigarette, où des stars venaient se faire interviewer en toute discrétion, et où les amants se retrouvaient pour bavarder d'amour.
Imaushi ne pouvait écrire seul. Déjà, à l'époque de l'université, et même au lycée, il rédigeait ses dissertations au fond des cafés bondés, enveloppés de brouhaha et les jets de vapeurs des machines à expressos. Cette présence lui permettait de surmonter son trac face à l'écriture. Et à lui-même. Wakasa redoutait la solitude. Il n'aimait pas se retrouvait face à lui.
- Vous prendrez autre chose ?
  Le serveur en veste blanche le toisait du regard, il en semblait presque menaçant. De son air fatigué de naissance, le jeune homme souffla, tandis que l'homme en face de lui avait posé son regard sur les documents posés sur la table.
- C'est un bar, monsieur... pas une bibliothèque.
Imaushi fouilla dans ses poches et ne trouva que quelques pièces. Le garçon ajouta d'un ton ironique :
- Un café peut-être ? Avec un verre d'eau ?
- Ce serait gentil. Merci.
  Il regarda l'homme s'éclipser. Wakasa fixa les pièces dans sa main. Son salaire de journaliste et sa modeste bourse étudiante lui témoignait qu'il manquait cruellement de revenus. L'argent luisait faiblement sous les lampes, résumant sa situation financière. Il posa les pièces sur la table et, d'une chiquenaude, la fit se tournoyer. La vrille lui fit penser à une lanterne magique, projetant le début de sa vie, et une partie futile de son devenir.
Quel titre lui donner ? Il réfléchit quelques secondes... il ne savait pas.
- Pourquoi est-il facile, d'être bienveillant envers les gens ?
  Se murmura-t-il à lui même en espérant avoir une réponse. Finalement, sa vie se voulait être l'obsession d'être un crime. Du café et du lait coulèrent de sa gorge alors qu'il se répondit : parce que les gens n'ont jamais réellement été bienveillants envers moi.

  Toute sa vie n'avait était qu'un bref enchaînement de déception. Il était quelqu'un de vaguement innocent. Ses parents ne l'avaient jamais réellement aimé. Wakasa avait été toujours un personnage dont la lassitude se lisait sur son visage. Comme s'il était fatigué de la vie. Son adolescence avait été marquée lorsqu'il avait décidé de se rebeller contre le monde et lui-même. Il avait créée un gang au tendance anarchiste, ce qui lui avait value le surnom de "panthère blanche". Son existence était pour lui une ribambelle dégringolant les étages n'étant jamais accepté par quiconque.
  Enfant, ses parents le reniaient - l'injustice de l'amour que l'on donnait en temps ordinaire, lui ne la connaissait pas. Quant à son pragmatisme imposant, il voulait juste que l'égalité et la justice soit faite. En grandissant, et jusqu'à maintenant, il se refusait tout pathos et désir romantique. Les filles ne l'avaient de part et d'autre jamais réellement intéressait.
  Benkei, son meilleur ami, à la carrure d'un rugbyman lui avait fait une réflexion un jour ; lui demandant s'il n'était pas l'un de ces garçon qui aimait les gens du même sexe. Alors il s'était posé la question un bon nombre de fois ne s'aventurant jamais dans cette quête trop futile pour lui. Peut-être était-il absent pour lui, comme trop là pour les autres.
  Rapidement, il souffla comme pour se débarrasser de ses pensées.
  Wakasa était l'une de ses personnalité dont à du mal à cerné. Il avait très peu d'amis, se contentant de ses connaissances. Toute sa vie, il avait su demander des services juste pour son profit, préférant dans son temps libre d'écrire sur un tas d'idée. En fin de compte, Imaushi voulait se battre pour l'égalité en favorisant l'écrit pour témoigner de tout ça.
  Les années filèrent. Il progressa, faisant de sa vie ce dont il avait envie. À la mort des ses parents, chose qui ne l'avait pas réellement atteint ; lui avait semblé indifférente au reste du monde.
  À son insu, un nouveau poison s'insinuait dans sa vie : la routine. Le cercle concentrique de son existence se resserrait de plus en plus au point l'étouffer. Chaque jour, il se sentait de plus en plus ankylosait. Il se levait tôt avec douleur de son lit - juste le temps de souffler, de fumer et de se concentrer sur ses motivations. Sa majorité l'avait poussé à prendre son indépendance avant l'heure. Le goût de de l'inertie le rendait inapte à trouver ce dont à quoi il était bon. Alors, il avait conclu qu'il devait faire fuir ses démons. Que la rédaction philosophique, et l'écriture lui plaisait.
  Il finit par vendre la pharmacie familiale à la mort de ses parents. Un poids lourd venait de se soulever. Mais il fut choqué par la jeune femme à laquelle il lui avait léguée - il trouva fortement belle malgré son jeune âge. Emma, était l'une de ses femmes adorable, douce et sincère qui apporte une joie dont on ne soupçonnait pas jusqu'à ce qu'on la laisse rentrer dans sa vie. Ses troubles s'étaient dissipés.
  Quand il la rencontra.
  D'abord, il ne la vit pas. Pour lui, elle n'était pas un test psychologique où l'on soumet au patient des cartes impossibles à jouer pour se dévoiler - as de pique, reine de cœur, dix de carreaux - ce n'était pas ça. Wakasa associa Emma aux paysages divers emplis de compassions et de confidences naturelles qui remarquent les différences.
  Elle était toutes ces cartes impossibles.
  Sa connaissance, n'était que dans le but de lui donner cette pharmacie. Il n'avait vu en elle qu'une potentielle acheteuse passionnée par son métier. Pourtant, ce jour là, cette jeune femme aux longs cheveux blonds, le sourire radieux et ses yeux bleus pétillants lui parla : elle était la cadette d'une famille compliquée. Elle semblait n'avoir jamais trouvé sa place, étant la seule fille. Il remarqua en elle, une brève partie de lui. De fil en aiguille, à force que celle-ci ne cessait de lui parler, le forçant à sortir, par des invitations constantes, il comprit.
  Emma correspondait à l'idéale d'une petite sœur, d'une meilleure amie et d'une confidente. Aujourd'hui encore, il ne savait toujours pas la décrire. Elle était son rayon de soleil, lui en était la lune. Parfois, il préférait la laisser s'amuser seule, préférant pour lui l'isolement dont il semblait avoir besoin. Jamais, elle ne lui avait fait de reproche et lui non plus.
  Elle était le prodige d'une mélodie sans pareille, qui peut être joué sur n'importe quel instrument de musique sans perdre une quelconque émotion.
  Wakasa aimait sa joie de vivre, son esprit vif et sa personnalité - tout chez elle était en harmonie - attitudes, remarques et décisions - tout était d'une grâce indicible. Il ne l'écoutait pas, il l'a conseillé, et comprenait chaque partie de sa vie : ils étaient l'un pour l'autre un pilier émotionnel.
  Pourtant, il semblait que toutes les bonnes choses aient une fin. Emma disparut le 18 novembre 1990. Jamais il n'oubliera cette date. Il venait de perdre sa confidente, sa sœur de cœur... la Pythie sacrée s'était évanouie dans un sommeil lent et brûlant.
Ce fut cette conversation avec elle qui le marqua, qui revint en tête quand il vit son corps inerte entourer de fleurs :
- C'est la façon dont les gens partent qui te dis tout.
- Mais, peut-être que je mérite pas de belles choses. Parce que je paie pour des péchés dont je ne me souviens pas.
  Elle avait sourit, prenant une gorgée de son café noir et amer. Son visage s'était approché du sien, il avait brièvement rougit, tandis qu'elle le regardait sévèrement d'une manière sérieuse.
- Il y a une différence que tu dois faire Waka... parfois, les excuses ne viennent jamais quand elles sont attendues. Tu me fais penser à mes frères...
  Elle expira, tout ayant posé sa tasse. Pour reprendre :
- Quelqu'un qui t'aime en te le disant, le pense vraiment. On est de ceux qu'on ne remarque pas, qu'on choisit parfois par défaut. On a du mal à s'entendre penser. Mais, on est de ceux qui possède la vérité.
  Il avait soufflé, elle avait rit en lui prenant la main.
- Ne doute pas de cette force en toi.
  Jamais, il ne lui avait demandé de lui parler de sa famille. Et elle fit de même. Le jour de son enterrement, des nausées l'avaient envahit de culpabilité. Pour la première fois de sa vie, les émotions l'avaient submergé. Il avait pleuré pendant des mois.
Wakasa ne voulait tout simplement pas faire face à ce deuil qui allait lui tomber dessus. Emma était l'une de ses personne que l'on aime. Et pourtant, il avait eu mal de ne voir presque personne le jour de l'enterrement.  Sa haine envers le monde se décupla.
  Un mois plus tard, ses idées se remirent en place. Il comprit qu'il avait tout perdu. Non seulement la belle blonde joyeuse qu'était Emma, mais aussi une partie de lui. Voilà le souvenir qui demeurait de son esprit - une femme pétillante qui voyait le monde en une douce et belle joie, avec qui la vie avait été horrible. Cette blessure de temps, cette page effacée lui manquerait pour toujours, il ne pouvait même pas faire machine arrière, il aurait du être avec elle ce jour là. Oui, les remords l'habitaient encore.
  Puis, il mesura l'étendue de sa propre métamorphose. Pour dormir, il avait besoin de somnifère - c'est pour cela qu'il se résolu à ne jamais donner son cœur. Quelque soit la forme d'amour que l'on donne à quelqu'un, une chose s'amusait à le lui prendre. Ce fut le souvenir d'un de ces meilleur ami de faculté qui ne fit qu'appuyer ce fait. Son suicide était la pire chose qu'il avait peiné à comprendre. Creusant en lui un vide. Benkei lui manquait aussi bien qu'Emma.

  Au bout d'un moment, il se redressa, se levant de son domaine - son QG. En sortant, il ne regardait pas devant lui, il prit précipitamment une cigarette, pour finalement rentrer dans quelqu'un.
Il heurta le sol en même temps que l'autre personne. Quand il leva les yeux, le jeune homme aux cheveux blancs regarda l'homme qu'il avait heurté.
  L'homme en face de lui était habillé d'un tee-shirt blanc overzise, avec une chaine autour du cou, un large pantalon noir et une paire de sandale.
- Euh... je, désolé.
  Commença Wakasa en ramassant ses affaires, tout en se faisant couper la parole. Il se redressa en tendant sa main pour aider l'autre homme en face de lui qui rétorqua :
- Enchanté, mais pour être honnête... je ne regardais pas non plus devant moi...
  Quelque chose était étrange dans son comportement. Le noiraud en face de lui semblait regarder autour de lui comme s'il était suivit. Dès qu'il attrapa la main du blanc, il le regarda. Dans un élan de surprise, cet inconnu vint l'embrasser le collant contre un mur.
Wakasa se mit à rougir violemment à la fin du baiser. Pourquoi de telle chose lui arrivait à lui et qui plus est en publique ?
  Pour autant, que ce soit un homme qui l'embrasse ne le choqua pas tant que ça. Il semblait ne pas être préparer à ça, tout simplement. Cependant, il eut un mouvement de recul, envoyant son poing sur la joue de ce noiraud. La cigarette de celui-ci s'envola sur le sol laissant les cendres rouges se teinter de gris et se consommer seule.
- J'admets l'avoir mériter, mais, sans le savoir tu viens de me sauver la vie. Alors, je t'en doit une une.
  Il avait un sourire de coin plaqué contre ses lèvres. Ses yeux noirs semblaient pétiller d'une étrange malice. Les cernes sous ses yeux semblaient s'être étrangement illuminés. Le jeune noiraud s'avança vers le blanc qui était prêt à riposter, ne se sentant pas en confiance. Wakasa ne savait pas quoi dire - ni comment réagir à cette situation. Comment pouvait-on sauver quelqu'un avec un simple baiser ?
  Il ne comprenait pas cette situation. Et pourquoi restait-il ici à lui faire la conversation ?
- Shinichiro Sano...
  Annonça-t-il en tendant sa main cette fois-ci. Imaushi fronça les sourcils. Ce comportement joueur et presque enfantin, ne le dérangeait pas - non, il le trouvait bizarre et anormal. En temps ordinaire, quelqu'un qui fuit ne s'attarde pas comme ça. Tout lui paraissait étrange. Shinichiro se mit à sourire de toutes ses dents, laissant perplexe Wakasa.
-  On se reverra, je te le promets.
- Tu ne me connais pas, ce sera impossible.
  Déclara le blanc en se reculant. Il ne comprenait rien, et voir son interlocuteur sourire encore plus ne le rendait pas serein. C'était comme s'il savait qui il était...
- Tu sais, le monde et petit.
  Suggéra le noiraud qui avait toujours ce sourire insupportable sur son visage. Il se saisit d'une seconde cigarette, s'empressant de l'allumer. Il se décala de son interlocuteur, un rictus dans le coin de ses lèvres.
Shinichiro Sano s'en alla, laissant Wakasa penaud, toujours dans l'incompréhension. La rue semblait le dévisager. Heureusement que personne n'a vu ce qu'il venait de se passer.
Le jeune homme soupira, décidant qu'il était l'heure pour lui de rentrer dans son appartement.

𝙇𝙖 𝙏𝙧𝙖𝙘𝙚 𝘿'𝙪𝙣𝙚 𝙇𝙞𝙜𝙣𝙚 |ʷᵃᵏᵃˢʰⁱⁿ|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant