Dimanche 1er juin, Thaïlande.
Treize heures.
Ils partaient de leur escale sur l'île de Phuket, qui cachait bien son jeu.
L'aéroport modeste, les échoppes de souvenirs, les cabanons peints des agences de tourisme : tout respirait un parfum tropical et insulaire. Un modèle de destination exotique.
En réalité, Phuket était une zone les plus chaude en Thaïlande. Un haut lieu de tourisme sexuel. Wakasa savait qu'il pénétrait dans un nouveau cercle des enfers. Après la Malaisie et ses blessures en pointillés ouvertes qui saignait et le faisait douter, le Cambodge et ses plaies soudées, encore infectées - le doute sur sa réelle identité ne faisait que s'accroître, il avait oublié une période de sa vie, qu'allait-il découvrir en Thaïlande ?
Le samedi matin, quelques heures après avoir longuement discuté, il avait eu sa réponse.
- Tu sais, j'attendais avec impatience que l'on se retrouve sur notre route. Après tout cette ligne nous unit... avait murmuré le noiraud durant la nuit, allongé dans le lit en fixant le plafond assombri par la nuit.
- Pourquoi avoir voulu renouer un lien si tu as voulu partir ?
Le blanc avait des doutes. Il ne savait plus rien de sa réelle nature. Son passé se traçait en une ligne brouillonne, presque effacée. Son destin n'était qu'illusoire.
Tout ce cinéma, toute cette mise en scène avait été choisi dans un seul but.
Se retrouver.
Au bout d'un long silence, Sano s'était poussé sur le côté, pour regarder son profil. Il avait senti son regard sur son visage ; descendant de ses yeux, à l'arrêter de son son, jusqu'à ses lèvres.
- Le monde est médiocre, déclara le jeune homme, il me manquait quelque chose. J'avais une obsession pour toi. Elle m'était inconnue, mais elle me poussait irrésistiblement vers toi. Je ne savais pas d'où elle venait. Alors, je me suis mis à te chercher à nouveau...
- Dans quel but ?
- Notre langage ne s'exprime pas comme les autres, laisser des silences c'est ça notre blessure... et je suis partie sans rester...
- Tu pensais que c'était la bonne solution, chuchota Imaushi en lui faisant face.
La lumière de la lune éclairait leur visage dans la pénombre. Dans un court soupir, Wakasa déposa tendrement sa main sur la joue de son amant :
- Shin, est-ce qu'on va encore s'éloigner à nouveau ?
- Non. Il ne reste que cette étape là avant le final.
Wakasa avait soufflé, baissant la tête regardant la navette à Siem Reap s'éloigner. Alors ils avaient dû patienter un bon moment jusqu'au lendemain pour prendre un nouvel avion vers Phuket, au environ de onze heures.
C'était un autre terrain, et tout était précis :
- À Phuket, on va devoir remonter la côte vers le nod. Traverser le pont et gagner le continent, en direction de la frontière birman.
- Et qu'est-ce qu'on fera là-bas ?
- On verra une fois qu'on sera à Takua...
En conclusion, Shinichiro présentait un nouvel indice à découvrir :
- N'aies pas peur mon amour. Tout se passera bien.Le Chemin de Vie.
Les Jalons de L' Éternité.
Et maintenant, il était question de chambre de pureté.
Sano savait vers quoi se diriger. Wakasa était en ébullition : il sentait physiquement qu'il se rapprochait d'un but qui l'effrayait. Cette vérité lui faisait peur, il pénétrait dans leur royaume en ruine. Passé dans l'oubli.
À cinquante mètres de l'aéroport, abrité sous des palmiers, Wakasa repéra les agences de location de voiture. De simples kiosques en bois blanc. Il choisit un modèle basique, un genre de jeep décapotable. Il avait l'impression de vivre dans un roman. Tout se tournait autour d'une enquête policière dans laquelle drame, amour, suspense régnaient en mettre et tout ça donnait le doute.
Au bout d'un moment, il regarda Shinichiro fumait plus loin sur le trottoir -, et s'il se trompait ?Au fil de la route, il ne cessait de penser à un roman étrange. Durant ses deux derniers jours, il pensait vivre dans une fiction. Durant ces deux derniers jours, il avait la nette impression que sa vie était romancée autour d'écrit policier qui témoignait une investigation curieuse. Son voyage se résumait en énigme : se découvrir.
Ce projet le confrontait à sa propre quête sur son passé, et éprouvait le moindre doute sur sa relation d'avant avec son amant.
Wakasa se prenait à caresser des mirages moins désintéressés. Sa vie commençait à avoir un sens. Il rêvait dans la vie, les yeux grands ouverts, laissant la vérité le mener droit au but...
Shinichiro atteignit Tajua Pa à dix-sept heures. Une ville de province, plate et poussiéreuse, avec quelques réservoirs d'eau en guise de repères. Situé à l'extérieur des terres, cet ancien comptoir portugais n'avait rien à voir avec les stations touristiques qu'ils avaient croisées toute la journée. Il n'y avait pas ici un seul étranger, et il durent tourner longtemps pour trouver un hôtel.
Enfin, derrière l'unique station-service, ils découvrirent un bloc blanchâtre, décrépit, qui ressemblait à un hôpital recyclé. Le seul palace de Takua Pa. À l'intérieur, l'analogie, se renforçait encore plus : longs couloirs grisâtre, portes étroites, fenêtres à grillage. Un véritable asile.
Sano paya d'avance et accéda au quatrième étage.
La nuit tombait. Le noiraud alluma l'ampoule nue qui constituait l'unique éclairage de la chambre. Une simple cellule, sans mobilier, ni décoration. Un lieu de passage où on ne pouvait rien voler ; même pas un souvenir.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, l'avion traversait les nuages de la ville qu'il avait abandonné depuis tellement longtemps.
Wakasa alluma son téléphone portable : pas de message. Il se décida de dîner dehors. Près de la pompe à essence, il trouva quelques tables en terrasse et avala avec son amant une faible portion de nourriture.
Pour autant, il n'avait pas envie de rentrer. L'air frais de la nuit frôlait sa peau en de légers frissons qui lui faisaient du bien. Wakasa se plongeait dans une atmosphère solennelle. Les étoiles brillaient sous la lueur de la lune.
Cette fois-ci, son téléphone vibra, il reçut un message de Sanzu. Il s'assit sur le sol regarda les environs autour de lui. Il ne savait pas vers quoi se diriger. Que faisait-il réellement ? Qui était-il ?
Lorsqu'il répondit à son message, son ami l'appela. Dans un bref souffle, il répondit :
- Allô.
- WAKASA ! Tu me manques tu sais ! Dit-il follement, il devait sûrement sourire.
- Toi aussi. Comment ça va où tu es ?
- Y'a pire... mais ça va. Et toi ? Comment ça va dans ta magnifique Lune de Miel ?
- Ce n'est pas une... il se coupa, riant légèrement, et puis, rien n'est romantique dans ce qu'on fait...
- Ne me dit pas que tu profites pas un peu quand même ?
- Bof, je viens de comprendre une bonne partie de sa vie, comme la mienne qui a été effacée, il marqua une courte pause, expirant lourdement l'air de ses poumons pour s'allumer une cigarette. Tu savais que j'avais connu Shin avant ?
- Non... pas avant la semaine dernière...
- Pourquoi je ne m'en souviens pas ? questionna-t-il en soupirant se tenant le front jetant son mégot sur le sol poussiéreux.
- Je ne sais pas... on s'est connu après..
- Waka... quand est-ce que ça t'es revenu ?
- Lors de notre derrière escale. Je crois.
- Alors poursuit le voyage, ce n'est pas si mal d'apprendre à se connaître, puis... il n'y a pas d'âge. Nous on s'occupe du reste.
Imaushi resta silencieux un bon bout de temps. Ses pensées divergeaient vers tout et n'importe quoi : son coma, sa quête sur lui-même et Sano...
Il finit par raccrocher après avoir parlé de quelques futilités pour se changer les esprits. Lorsqu'il remonta dans sa chambre, il n'était que vingt heures. Shinichiro semblait se doucher à l'entente de raffut de l'eau qui coulait dans la pièce voisine. Il s'allongea dans le lit, et fixa longuement le plafond sans rien faire.
Wakasa finit son synopsis mental. Son inconscient lui jouait des tours. Cette aventure avec sa propre quête était un mystère sans nom. Il enquêtait, obtenant des résultats à force d'investigations, l'aide de toutes ses personnes lui avait appris un bon nombre de choses : lui aussi s'était perdu.
À vingt-deux heures, il se redressa, pour se changer, puis il éteignit la lumière. Sa dernière vision fut le corps à moitié nu de son amant qui le rejoignait dans le lit.
La sensation suivante fut une main qui lui saisissait l'épaule. Confusément Wakasa songea à son amant, à côté de lui qui le tirait contre lui, mais c'était trop brutal.
Il tourna la tête et vit une bougie dans la main d'un homme. La cire ruisselait sur ses doigts. Il se retourna en un seul mouvement : C'était lui.
Visage émacié, sourire livide, torse nu, le regard plongé dans le néant. Il se souriait, en murmurant :
" Souviens-toi, ou tu seras véritablement perdu."
Wakasa tomba.
Un cauchemar.
Juste un putain de cauchemar.
Il regarda l'heure sur son téléphone.
Dans un silence morbide, il se dirigea vers la salle de bain. La lumière agressait sa rétine, tandis qu'il fixait un monstre devant lui. Son visage était pâle. Il transpirait, et une étrange chaleur l'étouffait.
Pestant contre ses propres pensées, il se passa de l'eau sur le visage pour tenter d'apaiser ses esprits... jusqu'à ce qu'une vision ne vienne à lui. Une image nette. Confuse et distincte malgré tout. Du sang... un couteau... il ne parvenait même plus à ressentir une once de remords. Ses émotions étaient en pause.
Lui aussi avait goûté au sang.
Dans un souffle rapide, il attrapa son crâne entre ses mains. Il se fixa. Son reflet était hideux.
Wakasa resta un bon moment comme ça, jusqu'à ce que du bruit se manifeste derrière lui. Par instinct, il attrapa un rasoir qui traînait sur le bord du lavabo. Sa main tremblait, son corps bouillonnait dans sa torpeur.
Lorsqu'il fit face à son amant, il s'écroula à même le sol, expirant lourdement, étouffant par la même occasion un sanglot.
- Mon cœur... murmura Sano en le rejoignant. Sa main s'était posée sur sa joue, ses yeux brillaient confusément de douleur. Et pourtant, il sourit négligemment comme pour le réconforter.
- Je suis un monstre. Cracha-t-il en baissant la tête, n'osant regarder l'homme en face de lui.
- En quoi tu es un monstre ?
- J'ai tué. Putain de merde, je suis un assassin. Un monstre, et je pensais faire le bien ! Hurla-t-il cette fois, en se reculant, retirant la main de Shinichiro de son visage.
- On va partir...
- Pourquoi ? Quand ?
- Maintenant. On va au nord, pour se rendre à Jinda Tours. Puis, on prendra le bateau, pour aller sur une île. Ce sera juste un simple aller-retour, juste pour te montrer notre réalité.
- Mais ce sera pas discret de s'y rendre maintenant...
- C'est pas le but. Une seule règle : moins tu te caches, moins on te voit.
- Et qu'est-ce qu'on fera réellement sur cette île. Et quelle île d'ailleurs ?
- Koh Surin. Pour l'avant dernière étape de notre quête on verra bien ce qu'il se passera sur place.
Wakasa se leva, attrapa son sac et suivit son amant. Ils descendirent au rez-de-chaussée. Il faisait encore nuit. Le hall de l'hôtel était désert. Le gardien sommeillait dans l'ombre. Ils sortirent sans un bruit pour rejoindre leur voiture.
Ils partaient comme des voleurs.
Des voleurs de secrets qui devaient percer à jour ce qu'ils avaient oublié.Dans les rues, il n'y avait plus l'ombre d'une jeune fille, ni le moindre charme à saisir. Il ne restait plus que quelques putes sur le retour. Elles relevaient leur jupes sur leur cuisses, pour aborder de vieux pervers. Wakasa dévisagea les scènes devant ce qu'il voyait, il détourna ses yeux fatigués sur le profil de son amant.
Puis, au bout d'un certains temps, il se dirigea vers un bar qu'il avait repèré la veille. Fermés. Ou vides. Il marcha avec le noiraud. Des couples titubaient à la recherche de leur hôtlel. Des mendiants apparaissaient. Des femmes partaient faire leur marché, portant leur bébé en bandouilère, indifférentes aux façades de stucs, aux ensiegnes éteintes. Le jour révélait toute la laideur, l'imposture du décor. La peinture s'écaillait. Les murs étaient par l'humidité.
L'esprit saturé par ses souvenir, Wakasa ne voyait, dans ce délabrement son ombre, un contretemps à sa mémoir qui trainait le pas dans un tumulte de sensations graves. Il avait beau croiser maintenant de vrais monstres - il savait qu'il était un malfrat de la société. Sillon d'ombre, chemin de lumière, il accélèrait le pas dans sa torpeur.
Il était déjà venu ici, avec quelqu'un...
Il entendit des rires graves sur sa droite. Accoudés à un bar, des flics regardaient ce qu'il se passait. Plus loin, dans un retrait de rue, il en apercçut d'autre, qui tabaissaient un homme à coup de poing. Oui : on levait le décor. Les rouages ignobles apparaissaient. Ceux qui permettaient à la vitrine de fonctionner, à la coulée occidentale de venir se griser et le plein de toutes choses.
Wakasa courait presque. Il était malade. Il devait trouver son remède...
il vit encore des silhouettes malsaines. C'était lui dans un tourment se balandant sans aucune expression visible. Il avait été le vices, la corruption et la souffrance. Oui, il était venu ici. A cet instant, il fut stoppé par un spectacle qu'il n'attendait pas.
La mer.
Au détour de la rue, l'immensité était là, étincelante, paisible. Cette vision le figea. Rien de plus écrasant, de plus étranger à son vice que cette grandeur infinie, libre, indiférente. Alors, une autre présence anéantit définitivement ses velléités troubles.
- Shin... souffla-t-il, je suis un monstre.
- Pas plus que moi.
- Mais, j'ai fait du mal. Je ne t'aide en rien ici.
Sano sourit, lui attrapa la main pour le coller contre son torse. Son corps frisonnait, tandis qu'il pouvait entendre le coeur de son amant battre jusqu'à se rompre subitement.
Dans un souffle, le noiraud glissa sa main dans la tignasse blanche de Imaushi :
- Rien ne nous empêche de changer. Tu me fais du bien, et je voulais faire ce voyage avec toi.
- Toi tu te retrouves, moi... je me suis perdu.
- Waksa, chéri. Tu te cherches, tu as juste oublié des choses, comme moi.
- Dans quel but ?
- ... trouver, notre verité. Avoir ne serait-ce qu'un peu de libeté dans ce monde qui n'est plus le notre.
Wakasa resta dans le soleil abasourdi.
Complètement dégrisé.
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𝙇𝙖 𝙏𝙧𝙖𝙘𝙚 𝘿'𝙪𝙣𝙚 𝙇𝙞𝙜𝙣𝙚 |ʷᵃᵏᵃˢʰⁱⁿ|
Fanfiction//WakaShin// Et oui... encore une fanfiction sur Tokyo Revengers ! 😜 . . . Il existe, quelque part dans un endroit lointain au Sud-Est de l'Asie, entre Tropique du Cancer et la Ligne de l'Equateur, une Ligne qui trace un chemin d'effroi. Et sur cet...