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   Wakasa regardait la route défiler sous ses yeux. Cigarettes, bouteilles d'alcool, sucreries : il attendait d'atteindre l'aéroport. Accroché contre Sano il sentait le vent rude sa crinière blanche dans le vent, les effluves de ce parfum lui parût nouveau, le payasage de verdure laissait peu à peu place à celui de la ville, l'angoisse lui monta légèrement à la tête tandis que son cœur battait une chamade nouvelle. Il songeait à ce qu'impliquerait la liberté tout en apprenant d'avantage sur cet homme.
   Ils s'arrêtèrent au bout de quelques heures dans une station. S'étirant les membres, il bailla lourdement sous le regard souriant du noiraud. Il avait mit deux jours à interroger Kurokawa. Après, il avait fait son rapport au Black Dragon et l'effet de surprise avait été immédiat. Au final, pour que les choses commencent réellement, tout semblait se résumer sur le retour de l'ainé Haitani, tout comme le rapport des taupes qui avaient intégré le Tenjiku. Après cette conversation avec Sano l'effet de l'exaltation s'était dégrisé brutalement, prenant une mesure des véritables enjeux du voyage. Toute la nuit il avait ruminé. Parfois, il grelottait de stress et pensait à tout abandonner. La seconde suivante, des bras l'entouraient, la chaleur bienfaisante envahissait son corps - la satisfaction d'être en sécurité, écouté et de connaître autre chose que le mépris l'apaisait.
   Le choix de la première destination avait été annoncé tôt ce matin. La Malaisie. Shinichiro semblait avoir construit un chemin. Bien qu'étrange : ce n'était plus les règles du jeu qu'ils s'étaient imposés à leur première rencontre. Il s'agissait plutôt de suivre un fil de la vérité. Traçant l'histoire mais en commençant par la fin. Là où Sano avait cessé d'exister pour la société.
   Peu à peu, il remonterait jusqu'à la source de cette « ligne ».
  Épuisés par la chemin à suivre, ils s'étaient décidés à faire escale dans un motel : le vieux bâtiment ferait l'affaire le temps d'une nuit. Puis, le lendemain à dix heures, Wakasa buvait tranquillement un café tandis que Shinichiro sortait de la chambre à coucher dans son plus simple habit.
- Quand on arrivera je te demanderais de ne pas me lâcher une seule fois.
Son regard en temps ordinaire las, s'inquiétait au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de la destination.
Tout en se levant Imaushi tendit une tasse de café trop amère à son amant et sourit :
- Je ne le ferais aucune fois. Il l'embrassa, retournant à ses occupations.
Durant cette dernière journée, ils avaient visité le coin - juste pour profiter un peu. Le bar dans lequel il venait d'entrer semblait appartenir à un bikers. Tout un tas de motards et délinquants trainaient ici, pour boire, jouer aux fléchettes dans une ambiance tamisée. Oubliant un peu ce voyage, les deux jeunes hommes avaient bien ris et parlé comme s'ils ne prévoyaient pas un voyage ou qu'ils n'appartenaient pas au monde des gangs.
La soirée se terminait, Shinichiro semblait s'éclaircir sa voix qui devenait rauque. Elle fit frémir le blanc lorsqu'il prit la parole en s'approchant un peu plus de lui :
- Je pourrais en apprendre aussi sur toi ? Questionna le noiraud en souriant. Il était complètement à l'Ouest, ses yeux semblaient vitreux à cause de l'alcool.
- Et que voudrais-tu savoir sur moi ?
- Des passages... non des brides de ta vie que je devrais découvrir !
- Comme une énigme ?
- Tu es mon énigme chéri !
Ils se mirent à rire, s'échangeant un baiser.

 
   Le lendemain, la voix d'une hôtesse les ramena à la réalité. L'embarquement retentit dans la salle. Dans un plaisir immense, Wakasa trouva le logo Malaysian Air-lines - un signe qui l'appela longtemps en arrière lors de ses voyages de reporter mes aussi de découvertes. Puis un groupes d'hôtesse, dont le teint contrastait avec leur robe turquoise se mirent à ouvrir les portes. Sano ouvra la marche se blottissant dans son siège, près du hublot, une fois installé, le blanc sentit la fatigue de la veille s'abattre sur lui. La compression de ses tympans au moment du décollage ne lui permit pas d'entendre la voix du noiraud.
   L'avion n'avait même pas encore atteint son altitude de croisière qu'il dormait déjà.

   Quand il se réveilla, tout était immobile. Dans la pénombre, on ne percevait plus que le chuintement du système de pressurisation et le bruit lointain des réacteurs Wakasa lança des regards autour de lui. Les passagers, sous leur couvertures, évoqués des cocons avec des pansements sur les yeux. Wakasa se passa la main sur le visage : il sortait lui-même d'un cauchemar effrayant. En s'excusant à voix basse, il sentit le regard de Shinichiro à côté de lui. Partant au toilettes sans le moindre mots, il s'observât dans la glace puis se murmura : « Panthère », « missions », « voyage »... Depuis combien de temps n'avait-il pas fait ce rêve ?
   Il ne s'agissait pas d'un rêve, il le savait, mais d'un souvenir.
   Il retourna s'assoir et se prépara à afffonter sa propre mémoire.

   1977. Lycée de Manille.
   Wakasa venait d'intégrer une classe préparatoire, où les élèves partageaient leur temps à la lecture et à l'écoute de musique classique. Dans ce lycée traditionnel, ils ressemblaient à des objecteurs de conscience qui auraient dit « non » à une carrière dans le journalisme et à la vie des malfrats. Une autre différence les marquait : pour la plus part ils étaient du sexe féminins. Or ce lycée était réputer pour n'accepter que des jeunes hommes. Mais surtout : il n'était pas inclu.
Wakasa, seize ans, comprit qu'il allait devoir faire route seul, où il faudrait oublier toute velléité de drague et de chercher des amis - tout le monde le toisait comme un intrus, tel un clochard qui avait perdu sa route.
   Il s'en moquait il était plutôt intéressé par son monde à lui et ses priorités. C'était durant cette période qu'il s'était lié avec les éléments les plus obscurs. Keizo Arashi, plus simplement Benkei, colosse au orbites larges, un coupe courte, cancre, rugbyman, mais aussi crapule dans la rue.
Il ressemblait à un prince des ténèbres à cette époque.
Ensemble ils faisaient un tas de chose. Toutes plus stupides les unes que les autres, ce n'était que des gosses après tout. Pourtant, il faisait justice dans leur quartier. Aucune crapule n'aurait approché le gang de la Panthère.
De ce fait, il était devenu son meilleur ami, son confident. Et son gang venait de l'accueillir avec joie immense. Menant une troupe tel un leader incompris, il rendait justice comme il le voulait en restant réglo.
Jusqu'à ce jour. Wakasa rentrait d'un voyage de Taïwan commençant à rédiger des thèses et des parcelles d'articles. Ce fut dans l'aéroport qu'il avait reçut un message glauque. « Benkei nous a quitté. » Figé sur place, au niveau des portiques de l'aéroport, il avait sentit l'effroi le paralyser. Incapable de bouger il avait sentit une larme couler, jusqu'à ce qu'il ne se mettent à courir pour prendre un taxis et se rendre à l'hôpital.
Un suicide. Le corps inerte de son ami lui glaçait le sang. Il ne bougeait plus, il ne blaguerait plus jamais. Son corps était pâle, quelque tache de sang séché avait mal été nettoyées. Wakasa n'osait s'approcher pour le voir une dernière fois. Il avait murmuré une douleur en le fixant : « Enfoiré pourquoi tu ne m'as rien dit... »
   Wakasa se redressa sur son siège et commanda un whisky à l'hôtesse qui venait de passer dans l'allée. Shinichiro le regarda un moment avant de se pencher vers lui.
- Ça ne va pas ?
- Je ne sais pas... j'ai eu comme un flash... il fronça les sourcils en regardant son noiraud qui se servit un autre verre.
- Tu veux en parler ?
- Hum... et il se lança dans son récit qui le tourmentait bien plus qu'il ne laissait apparaître. Quelques larmes coulèrent le long de ses joues alors qu'il serrait son poing. Wakasa n'en avait jamais parlé, même pas à Sanzu.
Shinichiro s'approcha de lui, faisant glisser son bras par dessus ses épaules pour le coller à lui. Il resta silencieux un moment.
- Tu vois bien que ce n'est pas vrai... il est toujours là.

𝙇𝙖 𝙏𝙧𝙖𝙘𝙚 𝘿'𝙪𝙣𝙚 𝙇𝙞𝙜𝙣𝙚 |ʷᵃᵏᵃˢʰⁱⁿ|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant