29

12 3 0
                                    

Il haïssait le football.
On lance une balle à un chien, pas à un homme. Il regardait, assis sur les gradins bricolés du stade, les habitants des alentours disputaient un match pendant qu'il patientait. Wakasa était long, et il devait faire passer le temps. À dix heures du matin, alors que le soleil pesait déjà dans l'air, il se remémorait tout un tas de choses, pour n'en venir qu'à une seule conclusion : de vrais connards.
Par réaction, Shinichiro se demandait ce qu'il lui ferait de reprendre son ancienne discipline. Rien à voir avec ce jeu, ni avec sa vie toute court. L'apnée offrait la clé de l'univers, qui n'était pas, comme beaucoup le pensaient, au fond de la mer, mais ailleurs.
D'ordinaire, il n'invoquait jamais ses souvenirs de plongé. D'abord pour n'éprouver aucune mélancolie. Et aussi, pour ne pas souiller les profondeurs au contact de la surface. Mais depuis un certains temps, en fouillant dans sa vie, il réapprennait à savoir qui il était. Suûrement à cause de ce journaliste...
Il pouffa, souriant bêtement à cette pensée.
Aujourd'hui, il était d'humeur radieuse et les yeux fermés, il se laissa aller au jeu de la réminiscence. Malgré lui, il inclina la tête brièvement, donnant le signal pour qu'on libère la gueuse.
La seconde suivante, il était dans l'eau.
Un bouillonnement de bulle l'entoura. Puis la grande masse bleue, immobile, apparut, traversée de blancs poissons - des nuages d'écailles et de lumière. Un coup d'oeil vers le bas : l'horizon l'entoura. Il s'ouvrait sous ses pieds. Mais le poid de la gueuse l'entrainait déjà vers d'autres sensations.
Moins dix mètres. La pression devenait omniprésente. Un kilo supplémentaire par centimètre carré, tous les dix mètres. Durant cette épreuve, Sano respirer fort, plongeant dans une vaste étendue d'eau bleue. L'océan se referme sur lui.
Moins de vingt mètres, le noiraud ce cessait de souffle dans son pince nez, pour compenser la pression qui augmentait toujours. Etreinte implacable, traversant sa peau, agissant sur chaque muscle, chaque organe. À moins vingts-cinq mètres, les poumons se réduisaient à deux poings serrés, dans lequels l'air été totalement comprimé.
Moins de trente mètres. La lumière s'éloignait. Le vleu gagnait en intensité. En solidité.
Aucune peur pourtant. Aucun malaise. Au contraire : la masse de l'eau répartissait les dernières parcelles d'oxygène à travers tout le circuit sanguin. L'organisme était nourri, assouvi, équilibré. Les artères et les veines formaient une seule et même sarbacane dans laquelle la mer soufflait sans discontinuer, à travers l'épiderme. Le corps fonctionnait en circuit fermé. En indépandence totale.
Moins de cinquante mètres. L'indigo. Pour parvenenir à cette frontière, cela n'avait pris que quelques secondes et désormais, le temps ne comptait plus. On croit toujours que le temps de l'apnéis est sous haute tension, à fleur de panique. C'est faux : l'apnée place en dehors du temps.
Moins soixante mètres. Son coeur battait maintenant à vingts pulsations par minute, pour soixante-dix en temps normal. Limiter l'agitation du corps... Réduire la consommation d'oxygène... Vibre seulement, et uniquement de soi...
En autarcie totale, dans l'ombre et le froid...
Il écoutait l'océan, dans une relation d'intimité complètement. Une autre idée reçu ; le silence de la mer.
À cette profondeur, la masse sans limite des fond compressait, cristalisait chaque son au point de le transformer en un objet matériel, translucide, aux arêtes de verre.
Moins quatre-vingts mètres. Le ventre de la mer. Au bout de la plongée, il y avait le record. Celle de la limite. Celle de franchir cet interdit. Ensuite, il serait temps de tout lâcher, d'ouvrir le parachute pour remonter. Mais à côté du record à battre, il y avait un autre acte à accomplir.
Moins cent mètres. Les ténèbres, enfin. Les vastes régions du néant. À ce moment, son était était souverain. Il n'était ni perdu, ni menacé de dissolution. Il s'était trouvé, au contraire dans cette solitude unique, il était temps d'ouvrir la porte.
De passer de l'autre côté de la mer.
Pas question de se tromper, de chercher dans l'obscurité qui l'entourait. La porte n'était pas là. Les yeux devaient au contraire se tourner vers l'intérieur. Au fond de soi. Tel était le secret du plongeur : l'ultime porte, celle qui donnait de la lumière, se rouvait au plus profond de sa conscience...
Soudain, il ouvrit la bouche pour respirer l'air ensoleillé. Il était proche de scyncope, tant son souvenir avait été violent. Il cligna les yeux pour découvrir avec stupeur son environnement. La plaine d'herbe qu'on appelait le "stade". Les barbelés, les rambrade grises... et ces abruitis qui couraient toujours après ce ballon.
Il sourit. Aujourd'hui, il contemplait le monde avec tendresse. Il aimait. Son souvenir l'avait réconcillé avec le présent, et il savait ce qui devait devenir.
Et surtout, il était auréolé par une présence constante à ses côtés.
Wakasa.
Depuis qu'il avait commencé son voyage avec lui, il était transcendé par ses sentiments.
Il discernait une logique secrète dans son destin. À quelques semaines de la grande bataille, il avait enfin trouvé une raison de se relever - il avait rencontré l'amour. Cet homme était différent. Il possédait une part d'innocence, bien sûr, mais aussi de vraies ténèbres qui lui permettaient de le le comprendre, lui. Et d'avancer sur ses trace, sans crainte ni préjugé.
D'istinct, il deviniait qu'il pouvait l'aimer, telle qu'il était. Il n'était pas nécessaire de le purifier comme auparavant. Il acceptait sa propre noirceur. Le blanc pressentait, déjà, la Couleur du Mensonge. Voilà pourquoi il était digne de lui. Voilà pourquoi il allait comprendre son chemin, et sa vie avec lui.
Parce qu'il n'était pas si différent que ça finalement.
En quelques heures, il avait réussi à voir ce qui le constituait vraiment - les corps de ses gangs, et de cette femme. Wakasa avait deviné ce qui s'était passé.
Dans quelques jours, ils iraient sur les Jalons d'Eternité.
Puis les étapes suivantes.
Qu'il se retrouve.
Il l'aimait aussi - non, il l'adorait d'une réciprocité indéchiffrable - quand il apercut Imaushi revenir vers lui avec un sourir et de quoi manger un peu, il sourit :
- T'en as mis du temps... souffla-t-il en pouffant légèrement. Il paraissait léger.
Wakasa ria, et s'assit à côté de lui, il lui tendit une boisson frâiche qu'il s'empressa d'amener à sa gorge.
- Y'avait un de ces mondes... je t'aurais bien vu à faire la queue, toi !
- Je peux te la mettre si tu veux.
Imaushi s'éttoufa et recracha toute son eau sur le visage du noiraud qui riait. Le blanc avait les joues encore plus rouge que d'habitude, ses yeux écarquillaient montrés qu'il était choqué et à la fois joueur de cette phrase.
- Mais ça va pas ?
Sano s'approcha de son amant, et fixa intensément ses lèvres qui se pinçaient. Son visage approcha de celui de su blanc, il sentait le souffle de Wakasa s'accélérer contre sa peau. Leurs lèvres se frôlèrent un court un instant. Leur bras se frôlèrent ce qui installa un frisson parcourut leurs corps sous le ciel chaud.
L'instant sembla figé, aucun des deux jeunes hommes ne broncha d'un poil. Shinichiro fouilla dans sa poche, sortit un bout de papier : « Pour aller jusquà toi, quel drôle de chemin il nous a fallut prendre. »
Il s'aperçut qu'il avait parlé à voix haute. Il regretta aussi tôt cette faiblesse. Aucune de ses pensée ne devait passée la frontière de ses lèvres. Son monde occulte était comme une grotte rupestre, dont les peintures se corrodent au contact de l'air.
La banc craqua à ses côtés. Wakasa sourit bêtement, et glissa sa main dans celle de Sano.
- Il faut que je te dise un truc.
Shinichiro songea à quelque chose dont il n'avait pas envie de connaître l'existence. Mais il se ravisa.
- Ne t'en fais pas, ce n'est pas pour t'accuser, je commence à tout comprendre...
- Qu'est-ce qui te tracasse Panthère ?
- Takeomi m'a appelé tout à l'heure...
- Quoi ?
Shinichiro soupira : son meilleur ami était le chef provisoir pendant son voyage. Il appelait que très rarement et ne passait jamais par son amant.
- Qu'est-ce qu'il y a encore ?
Wakasa prit un air sérieux, et s'approcha. Les rougeurs sur ses joues se dissipèrent, quant à ses yeux, ils paraissaient un peu plus fatigués de d'habitude. Il prenait un air séreux, alors qu'il y a à peine deux minutes ils se draguaient...
- Il est amoureux de Ran, et le Tenjiku le menace avec ça.
- Et bah ? Tant mieux qu'il puisse retrouver l'homme qui l'a tourmenté depuis si longtemps. Je suis content pour lui, il va pouvoir aprécier ce qu'il ressent.
- Déconne pas, Shin. Il a eut une pression dans le gang récément, et il a peur qu'Izana profite de ça, il désigna de son doigt lui et son amant. Pour te faire chanter.
Imaushi baissa les yeux. Shinichiro sentit un pincement dans sa poitrine. Il était douloureux, et il avait compris - ce chantage était un jeu pour son demi-frère.
- Je ne le laisserais pas faire, tu es la seule chose que j'aime plus que tout dans ce monde.
- Et s'il y arrive ?
Sano soupira une nouvelle fois. Tout le monde dans son gang semblait penser qu'il n'y avait que lui, le « grand Shinichiro », pour se redresser contre le Tenjiku. Par réflexe, il passa sa main sur la joue de son amant. Pas question de le laisser gagner du terrain sur de pauvres craintes. De son pouce il lui caressa la joue et s'approcha encore plus de lui. Shinichiro devait rester un modèle et vivre, par l'esprit. Tout comme il voulait que cette homme qui était journaliste lui appartenait.
- Je l'appellerais, pour qu'il change de planque, et lui donnerais une date pour le grand choc.
- Mais, Shin... il va tous nous anéantir s'il te touche encore une fois.
- Ça va le faire, je te dit.
Wakasa se pencha encore. Son haleine diffuser une sensation de peur mêlé à la crainte de le perdre. Shinichiro imagine sa langue danser avec la sienne pour le faire taire. Le blanc dit, mi-craintif, mi-ironique :
- T'es le maître, Sano. Prendre en main les choses et les surmonter c'est ce que tu fais de mieux, tu me l'a montré énormément de fois depuis ce voyage. Tu ne peux pas le laisser faire ça pour ton rêve.
La flatterie était grossière, mais le mot « maître » provoqua un déclic. Il s'en voulu d'être encore sensible à ce genre de vanités. Surtout dans ce monde mafieux. Pourtant, Wakasa avait raison : il était écrit que Izana devait perdre. Depuis l'instant où il lui avait fait perdre sa raison, sa vie et ses propres souvenirs. Aucun être humain ne devait subir ce genre de chantage pour une puéril réalité.
Dès lors, pourquoi ne pas accélèrer les choses ? Une idée l'éclaira. Il allait pofiner un plan et en parler à son amant : « Quand nous aurions identifié les Jalons, se dit-il, je t'offirirais une vie meilleure. »
- Attendons quelques jours, dit-il. On ne peut pas agir comme ça.
Le noiraud s'approcha de son amant qui acquiesça, et l'embrassa langoureusement. Il voulait plus que tout goûter ses lèvres depuis tout à l'heure. Elles le charmaient, l'appelaient - lui disaient qu'il pouvait les torturer pour allumuer une falmme brûlante entre eux.
Dans un élan précipté, il plaqua alors ses lèvres chaudes sur celle humide de Wakasa. Le gout de sucre s'étala sur sa langue pour danser avec sa semblable. L'attrapant par la taille pour le coller à lui. Sano lui agrippa les cheveux, pour les tirer en arrières, et répendre ses baisers sur son cou, descendant jusqu'à sa clavicule pour mordiller impatiemment sa peau. La fièvre monta en eux, se déversant dans leur corps, oubliant le reste autour d'eux. Wakasa lui agrippa désespérément son tee-shirt, glissant ses mains dessous pour lui caresser le dos. Ils n'aspiraient qu'à une seule chose : rentrer pour se dévoiler à leur evie.
Leurs yeux brûlaient et leurs peau se réclamaient.
- Et si on partait dans un endroit plus intime... murmura Sano dans l'oreille de son amant qui frissonna.
- Prends-moi là bas, je t'en supplie...

𝙇𝙖 𝙏𝙧𝙖𝙘𝙚 𝘿'𝙪𝙣𝙚 𝙇𝙞𝙜𝙣𝙚 |ʷᵃᵏᵃˢʰⁱⁿ|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant