La mort m'a élevée, et le sang m'a abreuvée.
Selon ma mère, je suis née lors d'une nuit sans Lune, alors que le royaume entier était plongé dans les ténèbres et la panique.
Je n'ai pas pleuré. Au contraire, mes yeux se sont ouverts remplis de noirceur et de mort. J'étais destinée, dès lors, à mener une vie dans l'ombre.
En plus de cinq cents ans, j'étais la seule enfant parmi les Tueurs de l'Ombre, cet ordre centenaire rôdant sans bruit aux quatre coins du royaume et semant la mort sur leur passage. Seuls les plus courageux, ceux qui ne craignent pas de se salir les mains pour une bourse d'argent, sont acceptés. Il n'y a ni dieu ni cause à la tête de l'Ordre de l'Ombre, rien qu'un homme qui attribue les missions à ses tueurs.
Je suis née de l'une de ces missions. Ma mère, tueuse depuis son entrée dans la vie adulte, est retournée au berceau de notre communauté enceinte, il y a de cela vingt ans. Personne n'a jamais su qui était mon père, moi y compris. Ma mère a toujours refusé de me parler de lui, de son identité, ou même de son statut. Mais elle m'a élevée parmi une armée de meurtriers.
Et aujourd'hui, je suis une Tueuse de l'Ombre.
La ville de Yakis est d'ailleurs un endroit fascinant pour mes semblables et moi. Plus ancienne que le royaume lui-même, elle n'a pas évolué au même rythme que lui. Les maisons sont petites, effondrées les unes sur les autres, les rues sont étroites et les immenses brèches dans les murs de pierre, multiples. Ces cachettes improvisées permettent à n'importe quel tueur de surprendre leurs victimes, et ce, sans témoin.
Recroquevillée sur moi-même dans l'une d'elles, j'attends ma proie. J'aurais probablement dû m'installer dans un trou plus imposant, mais le temps presse, et ma cible ne t'attardera pas à faire son apparition. Je l'ai suivie les deux derniers jours, analysant chacun de ses déplacements et de ses gestes. Il s'agit d'une sorcière de la dernière génération ; elle n'est pas aussi puissante que ses consœurs plus âgées, mais elle pourrait le devenir. C'est pourquoi le royaume désire l'éliminer, en faisant appel aux Tueurs de l'Ombre.
Comme elle le fait tous les jours, la sorcière emprunte cette petite ruelle laissée à l'abandon, derrière le marché, pour passer inaperçue. Plus loin se trouve la maison d'une marchande d'os humains, et c'est précisément là que se rend ma cible. Elle sera surprise lorsqu'elle retrouvera le corps sans vie de sa précieuse amie.
Après une dizaine de minutes d'attente, j'entends enfin du mouvement. Elle arrive. Un sourire aux lèvres, je porte ma main à ma dague empoisonnée, déjà excitée par la perspective de tuer une sorcière. Si je ne devrais pas prendre cette mission à cœur, je ne peux m'en empêcher : je déteste ces femmes.
L'une d'entre elles passe justement devant ma cachette. Je n'hésite pas : je saute sur elle et la plaque au sol avec rudesse. Ma dague trouve rapidement sa gorge, et mes yeux s'ancrent aux siens, rouges. Son visage, d'une perfection effrayante, n'exprime aucune peur, comme si elle s'attendait à me trouver sur son chemin. Ou peut-être qu'elle cache très bien sa peur.
— Une Tueuse de l'Ombre à Yakis...
Même sa voix est envoûtante. Les sorcières sont connues pour charmer tous ceux se mettant sur leur chemin et les empêcher d'agir. Pendant un temps, ça a fonctionné avec mes confrères et consœurs, mais ensuite, je suis apparue. Et je suis insensible aux pouvoirs de ces créatures monstrueuses. J'en ai éliminé plus que personne dans ce royaume, et celle-là n'échappera pas à son sort.
Peu importe l'argent liée à son élimination, je désire également son décès.
— Que fais-tu si loin de chez toi, jeune enfant ?
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La Tueuse de Princes
FantasyAnnita est une tueuse de l'Ombre, un ordre d'assassins aussi sombre qu'ancien. Lorsqu'on lui demande d'éliminer le prince du royaume de Polaris, adoré par son peuple, elle déménage au palais et se fait passer pour une domestique. Mais la jeune femme...