Mon cœur s'est brisé quand j'ai vu ses yeux
Je n'ai jamais fait pleurer une femme auparavant. Ou en tout cas, je n'ai jamais assisté à une crise de larmes.
Quand j'ai vu le beau visage de Annita se fendiller morceau par morceau, quelque chose en moi s'est tordu. Je ne voulais pas qu'elle se sente mal, mais simplement qu'elle comprenne que se gestes étaient non seulement insensés, mais est aussi dangereux. Ce genre de jeu peut très mal finir ici. À la cour, tout semble sécuritaire sous les apparences, pourtant la réalité est toute autre. Les meurtres arrivent plus souvent qu'on ne le pense. Nous sommes devenus maitres dans l'illusion.
Par exemple, il y a quelques temps déjà, une domestique s'est entichée d'un noble résidant à la cour. Il l'a engrossée et, au lieu d'assumer la paternité, il a décidé de se tourner vers le meurtre, submergé par la honte d'avoir conçu un bâtard. Il y a deux ans, un homme a décidé de s'infiltrer dans le château et de se faire passer pour un employé du palais pour se venger d'une courtisane, finalement ; c'est son père de la femme qui a fait assassiner le bougre. On ne s'en vante pas ouvertement, mais l'endroit est dangereux. Et je ne veux surtout pas qu'Annita s'y mêle.
Je la connais à peine, c'est vrai. Ce n'est qu'une employée du palais, mais quelque chose me pousse à la protéger, à la garder en sécurité. Une petite voix me chuchote que si jamais il lui arrivait quoi que ce soit, je pourrais moi-même commettre un acte que je regretterais.
C'est la première fois que j'ai de telles pensées envers une femme, que je la connaisse ou pas. Au fil des années, j'ai pris quelques amantes afin connaitre la sensation d'un corps chaud contre le mien, sans jamais éprouver la moindre affection. J'ai séduit plusieurs courtisanes, comme la tradition l'exige, en espérant qu'un jour je ressente des sentiments forts. Mais ce n'est jamais arrivé.
Ce que j'éprouve en côtoyant Annita n'est peut-être rien d'autre qu'une attirance physique, mais quelque chose me dit qu'il n'y a pas que ça. Elle est la seule à qui je veux parler. Je pense à elle le matin et le soir. Elle m'obsède, carrément.
Je suis trop intense.
Pourtant, aujourd'hui, je n'arrive pas à m'entrainer au maniement des épées. D'ordinaire, cela suffit à me changer les idées et à me distraire. J'ai laissé mes frères me toucher à quelques reprises, ce qui est inhabituel. Je finis par abandonner et par rentrer au palais, ne sachant pas que faire. Désormais, j'erre dans le château telle une âme en peine. Je ne peux pas retourner la voir, même si l'envie me prend aux tripes. Elle va me considérer comme un obsédé. Peut-être le suis-je.
Je devrais peut-être demander des conseils de couple à ce bon vieux Petyr.
Cette pensée m'arrache un rire. Le prêtre est davantage expérimenté dans les coups d'un soir que dans la vie amoureuse, je le crains.
Alors que je marche dans le palais, toujours sans but, un bruit attire mon attention. Un bruit que je n'ai pas entendu depuis longtemps. Et c'est alors que je comprends. Sans plus attendre, je me dirige à toute allure à l'autre bout du couloir où se trouve une cage d'escalier descendant jusqu'au rez-de-chaussée. De plus bas me parviennent des bruits d'amures et d'armes qui s'entrechoquent. Une partie de l'armée, d'ordinaire stationnée à l'intérieur du palais, sort du bâtiment. Ce n'est pas normal.
En moins de dix secondes, je descends l'escalier et intercepte l'une des domestiques qui circulent avec agitation avec dans le couloir.
— Que se passe-t-il ?
Elle secoue la tête, murmure qu'elle ne sait pas trop et s'éclipse sans un mot. Ce n'est peut-être rien d'autre qu'un exercice, mais une petite voix me chuchote de faire confiance à mon instinct. La main sur mon épée, j'avance pour rejoindre les deux grandes portes porte que franchissent les soldats. Je n'ai pas le temps d'aller enfiler mon armure : je n'aurai pas le choix de m'y rendre dans un état de vulnérabilité extrême.
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La Tueuse de Princes
FantasyAnnita est une tueuse de l'Ombre, un ordre d'assassins aussi sombre qu'ancien. Lorsqu'on lui demande d'éliminer le prince du royaume de Polaris, adoré par son peuple, elle déménage au palais et se fait passer pour une domestique. Mais la jeune femme...