44. Annita

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Il ne devait pas l'apprendre ainsi.

Je voulais lui révéler mon identité – comment aurais-je pu vivre avec ma conscience si je continuais de lui mentir ? –, mais la situation n'était certainement pas propice à une telle discussion. Et voilà que la veille d'une mission d'espionnage pour le bien de notre nation, le secret a été dévoilé. Quel mauvais timing.

J'aimerais crier, pleurer, mais on m'entendrait, à travers les murs fins. La base entière a déjà de l'entendu Wellan hurler sur moi. Même si ses mots me font mal, m'ont blessée, une partie de moi ne peut s'empêcher de comprendre sa fureur. Pourtant, l'autre est furieuse qu'il se laisse aller à de telles émotions maintenant, alors que la vie de tant d'innocents est en jeu ? N'en ai-je pas fait assez pour lui prouver que je suis digne de confiance ?

Je ne sais pas je ne sais pas je ne sais pas.

Effondrée sur le lit, j'essaie de comprendre ce qui s'est déroulé, d'analyser les paroles qu'il m'a crachées au visage, de détecter les informations qu'il a apprises. Pourtant, tout ce qui me vient à l'esprit est une vague de frustration et de tristesse. Parce que plus rien ne sera comme avant, je le sais.

Alors, désormais, je dois me concentrer sur le plus important : déjouer les autorités militaires d'Astha, apprendre ce qui se passe à Mélène et empêcher un massacre.

Mais avant, je me laisse une nuit pour pleurer.

C'est avec un mal de tête à réveiller les dieux et le visage bouffi que je me rends à l'écurie un peu avant l'aube. Personne ne s'y trouve encore. Aujourd'hui est un jour de repos pour le reste de la forteresse, alors mis à part les soldats surveillant la frontière, montés sur les remparts, l'endroit est vide. Un soupir m'échappe.

Je retrouve rapidement le cheval avec qui j'ai commencé cette étrange aventure. Il semble me reconnaitre puisqu'il me salue avec un petit coup de tête qui m'arrache un sourire. En revanche, je ne parviens pas à installer la selle. Ce n'est pas la première fois que je le fais, pourtant mes mains tremblent et je n'arrive pas à sangler le mécanisme.

— Attends une seconde, je vais t'aider.

Deux mains s'approchent de la sangle sur laquelle je m'acharne pour l'ajuster. Je recule d'un pas pour observer le prince Zacharie m'aider.

— Pourquoi vous... tu fais ça ? lui demandé-je alors qu'il a terminé.

Je suppose que ses frères se sont fait une joie de lui annoncer que je suis la vilaine de leur histoire. Il ne devrait pas se montrer aussi sympathique avec moi.

— Tu n'es pas un monstre, Annita.

Ses yeux, aussi bleus que ceux de Wellan, se posent sur moi. Un sourire débute sur ses lèvres.

— Mon frère est furieux après toi, et ça se comprend, il vient d'apprendre que la femme, la personne, sur laquelle il s'était reposé fait partie d'une communauté de tueurs. Ce n'est jamais facile d'apprendre que quelqu'un nous veut mort.

J'imagine. Je n'ai qu'à songer à ma mère et à l'ordre qu'elle a donné, et mon cœur se tord. Toute ma vie, j'ai pensé qu'elle ferait toujours appel à son humanité avant les règles de la communauté. Qu'elle ferait une exception pour sa fille, son trésor qu'elle a toujours tenu à préserver d'un sort horrible.

Il semblerait que je me sois trompé.

Zacharie sort une pomme de son sac et y croque à pleines dents.

— Je ne suis peut-être pas aussi intelligent que Seb', mais je sais reconnaitre une bonne personne. Annita, avant de m'interrompre, laisse-moi te dire ce que j'ai vu. J'ai vu une jeune femme déjouer une tentative d'assassinat envers le prince qu'elle devait tuer, je l'ai vu évoluer dans le palais pendant des semaines, des mois, sans ne serait-ce que blesser physiquement Wellan, je l'ai vu tuer un soldat qui agressait des domestiques...

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant