8. Wellan

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Le palais entier me prend pour un idiot.

Ils pensent tous être discrets, mais ils ne le sont pas. Ils organisent, sans aucune subtilité, une grande cérémonie. Et j'ai ma petite idée sur sa teneur...

Un soupir m'échappe. Pourquoi mon père n'arrive-t-il pas à se faire à l'idée que je n'ai rien d'un souverain ? Que n'importe lequel de mes deux frères serait un meilleur choix ? Sébastian est un homme du peuple, calme, terre à terre, pourtant il connait le danger et sait le contrer. Zacharie, lui, me ressemble, mais contrairement à moi, il peut assister aux Conseils avec le roi sans s'endormir sur le discours d'un vieux ministre qui n'a plus toute sa tête. Mes frères ont tout ce qu'il faut.

Moi, je rêve d'une vie où je pourrais sortir des murs du palais sans être reconnu, d'une existence libre et sans soucis. Je n'ai aucune envie d'avoir la survie de tout un peuple sur mes épaules. Cependant, ce ne sont que des rêves qui ne s'exauceront jamais : mon visage est connu. J'aime exhiber mes talents de combattant parce que c'est ce qui me rend le plus vivant. Parce qu'ainsi, je peux toucher des doigts une illusion délicieuse.

Commander l'armée royale, voilà ce que j'aimerais faire de mes journées. Mon talent y serait beaucoup utile que dans n'importe quelle tâche administrative. C'est ce que je viens demander, une fois de plus, à mon père le roi. Même s'il est mon géniteur et que nous avons déjà été proches, j'ai dû obtenir une audience avec Sa Majesté. Peut-être que si je converse avec lui dans un cadre formel, il me prendra davantage au sérieux. Peut-être que, devant quelques-uns de ses meilleurs Conseils, il pliera enfin.

Faire plier un vieil homme ? Est-ce vraiment ce que tu t'apprêtes à faire ?

Je ne veux pas être le roi qui mènera Astha à sa perte.

Debout devant les grandes portes en or protégeant la salle du trône, j'observe l'endroit pour la première fois depuis longtemps. Enfant, je ne me suis jamais réellement préoccupé de l'environnement dans lequel j'évoluais chaque jour. Pour le petit Wellan que j'étais, ces immenses portes recouvertes de moulures, d'arabesques et de fleurs d'argent étaient on ne peut plus normales. Aujourd'hui, je me rends compte à quel point elles sont majestueuses. À quel point elles impressionnent les invités, les rendent insignifiants, avant de les laisser rencontrer le souverain d'Astha.

Un coup d'œil aux gardes m'apprend que je ne suis pas le seul à m'être habitué à cette œuvre d'art. Ils sont blasés, impassibles. Est-ce cela, la richesse ? Vivre dans une telle opulence qu'on ne prête plus attention à la beauté de ce monde ?

Cette pensée m'accompagne tandis que j'observe les portes s'ouvrir dans un grincement sonore. La salle des trônes est elle aussi une véritable œuvre d'art. Elle est immense : les murs s'élèvent si haut qu'ils touchent presque les nuages, et un énorme dôme en verre occupe le plafond du centre de la pièce, permettant aux rayons du soleil d'éclairer l'endroit.

Il s'agit probablement du lieu le plus riche et le plus ostentatoire. L'or est omniprésent : sur deux immenses trônes au fond, sur les murs, sur chaque meuble, que ce soit une simple chaise ou une table. L'argent et le cuivre se mêlent à la décoration, pour en faire un endroit qui vaut probablement plus que la moitié de la ville. C'en est presque gênant. Même si la capitale est loin de baigner dans la pauvreté, il y a des mendiants sur plusieurs coins de rue, il y a des gens qui n'ont pas eu la même chance que moi. Ils ont davantage besoin d'argent que la décoration du palais.

Je ferme les yeux, tentant d'ignorer les portraits des rois qui ont précédé mon père, et les tableaux des plus grands artistes du royaume. Je ne veux pas voir cette richesse, elle m'écœure profondément. Mais ce qui m'attriste le plus est que je ne peux absolument rien faire. Rien.

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant