43. Wellan

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Ce soir sonne comme un adieu.

Nous nous rendons tous les deux au même endroit, pourtant. Mais la situation pourrait déraper de tellement de façons que je me sentirais si coupable si je ne lui avais pas avoué comment je me sens. Ce n'est peut-être pas le meilleur des moments, toutefois je ressens le besoin de lui en parler.

Après ce soir, tout pourrait arriver.

Mes frères se trouvent en ce moment dans leurs chambres respectivement, ils se préparent pour la mission suicide de demain. Sur le moment, ça semblait une bonne idée. Maintenant, je ne peux m'empêcher de penser à tout ce qui pourrait déraper.

C'est la première fois que j'ai peur. Peur de la perdre.

Annita n'est pas insensible aux enjeux actuels et à mon pressentiment. Assise sur le lit, elle entend que je lui parle, que je lui dise quelque chose. Mais les mots restent coincés dans ma gorge.

Je baisse les yeux, me triture les doigts. Puis tout en déglutissant, je m'approche d'elle et me penche à sa hauteur.

— Je ne t'ai jamais vu aussi stressé, Wellan, fait-elle remarquer avec un petit rire.

— Je n'ai pas l'habitude de parler de ces choses-là...

Mais je vais le faire. Pas seulement parce que la situation instable m'y pousse. Parce qu'elle mérite de savoir. Parce qu'elle mérite de savoir qu'une personne tient à elle.

Mes yeux se ferment, dans une vaine tentative de contenir mes émotions. Puis ils se rouvrent et tombent sur une magnifique femme, aux yeux bleus comme l'océan, aux longs cheveux blonds et à la personnalité hors du commun.

— Je ne suis pas habitué de parler de mes sentiments, reprends-je à voix basse, parce que mes parents ne l'ont jamais fait. Du moins, pas devant moi. J'ai gardé pour moi tout ce que je ressentais pendant toute ma vie, mais avec toi, j'ai envie de le partager. Je m'excuse si mes mots sont maladroits.

Annita hoche la tête sans un mot, me laissant le champ libre.

Et je me lance, de peur de perdre mon courage :

— Dès que je t'ai vue dans ce couloir, t'éloignant sur les ordres d'une courtisane, j'ai su que je te voulais, Annita. Je n'ai jamais voulu quelqu'un autant que je te veux toi. Je sais que ce n'est pas permis, qu'on risque de me prendre pour un idiot amoureux, qu'un prince devrait marier une noble, mais la vérité est que je n'ai jamais trouvé quelqu'un qui me fasse autant vibrer que toi. Tu te moques de qui je suis, de mon statut. Tu me fais rire, même quand ce n'est pas ton but. Tout ce que je veux, c'est toi. Les autres femmes m'importent peu quand tu es là et que tu me souris comme si j'étais la seule personne qui comptait pour toi.

Les yeux dans les yeux, nous bougeons à peine alors que je déverse tout ce qui se trouve sur mon cœur depuis des semaines. Je ne laisse aucune phrase de côté, désireux de tout lui partager. Même ce qui est gênant, ce qui est moins viril. Tout ça m'importe peu.

Un instant, je scrute ses yeux bleus. Des larmes y ont fait leur apparition.

— Je ne sais pas ce que serait ma vie sans toi. Désormais, lorsque je me lève, tout ce que je désire, c'est de te voir et de te parler. Peu importe si tu m'insultes, si tu me me dis pas tout, tu es ce la personne à qui je pense quand je me lève et quand je me couche le soir. Je ne veux pas d'une vie où tu n'y serais pas. Une telle existence me semble tellement vide, fade.

Je ne me suis jamais autant livré qu'en ce moment, mais je ne m'arrête surtout pas. Je veux la voir sourire, je veux l'avoir près de moi, je veux qu'elle sache que je ne me moque pas d'elle, que je ne suis pas un prince qui aime jouer avec les femmes parce qu'il en a le pouvoir. Jamais je ne la blesserai.

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant