Wellan vient enfin me retrouver après ce qui me parait une éternité. J'étais à deux doigts de mourir d'ennui, seule dans une pièce sans fenêtre. Changer mon statut dans une société inégalitaire et me créer une nouvelle identité ne sont pas des choses aisées, mais il aurait pu me permettre de sortir un peu, au lieu de me coincer dans un endroit aussi restreint pour des jours. Il aurait dû se douter qu'une fille comme moi a besoin d'un peu d'action dans la vie.
Malgré tout, je lui suis reconnaissante pour tout ce qu'il a fait pour moi.
En silence, il me conduit vers l'aile des courtisanes, là où j'ai passé de nombreuses heures à servir l'une d'entre elles. Le prince Wellan a tenu à ne pas me donner les appartements qu'occupaient autrefois Lady Camélia, afin de rester aussi discrets que possible et d'éviter de tenter le diable. J'admire son intelligence.
Il m'emmène plus loin, à l'extrémité d'un couloir que je n'ai jamais parcouru auparavant, encore une fois dans un coin moins achalandé, question de rester sous le radar. Devant la porte tout ce qu'il y ait de plus simple, Wellan se debout, la clé à la main. Il semble presque plus excité que moi à l'idée de me donner l'accès à mon nouveau chez moi. Cette vision me fait sourire. Wellan est réellement heureux à l'idée de m'offrir ces appartements, après avoir fait de moi une noble par des moyens illégaux. D'après ce que j'ai compris, par le passé, il y a déjà eu des gens, considérés comme moins que rien par la société, élevés au niveau de Lord et de Lady, mais il n'y a que le roi qui en a le pouvoir.
Qu'a-t-il fait pour tenir sa part du marché ?
— Prêt à voir ? me demande Wellan.
— Oui, oui.
Je lâche un petit rire amusé devant son enthousiasme.
— Tu sais que j'ai déjà vu à quoi ressemblent les appartements des courtisanes ?
— Oui, mais ce ne sont pas n'importe lesquels, ce sont les tiens, me répond-il avec une douceur qui m'atteint en même cœur.
Même si je n'ai jamais particulièrement rêvé d'un endroit juste à moi, je comprends en ce moment que c'est la première fois que j'aurais un chez moi, qui m'appartient, où je pourrai me réfugier lorsque j'en ressentirai le besoin. Parmi les miens, les Tueurs de l'Ombre, nous vivons tous en communauté, nous nous entassons des dortoirs – plus spacieux que ceux des domestiques du palais – et partageons tout. Certains pourraient craindre les assassinats des concurrents en pleine nuit, mais depuis toujours, tout meurtre non commandité dans l'enceinte est gravement sanctionné.
Durant mes missions – qui ne durent jamais très longtemps –, les rares fois où j'ai dormi sur place, ce n'étaient pas dans les meilleures conditions. La preuve : voilà des semaines que je dors dans un dortoir infesté de rats avec sept autres domestiques. Non pas que cela m'ait déplu – j'y ai rencontré Renya, avec qui je me suis liée d'amitié –, mais c'est littéralement la première fois que je pourrai être seule pour penser, vivre.
Et pour mener à bien ma mission.
— Allez, vas-y, ouvre-la, l'encouragé-je avec un petit rire.
Avec l'enthousiasme d'un gamin qui découvre des cadeaux, il enclenche la clé dans la serrure ouvre la porte, puis m'invite à entrer, ce que je fais sans tarder. Dès que je mets le pieds à l'intérieur, quelque chose change en moi. Nous nous trouvons dans la pièce à vivre, qui contient une table de bois verni, des chaises, deux fauteuils pour accueillir des invités, une coiffeuse avec un miroir aux dorures argentées dans le coin de la salle, une grande fenêtre qui donne sur l'extérieur. Curieuse, je m'en approche pour constater qu'elle donne vue sur l'un des jardins privés du palais. Personne ne peut regarder dans mes appartements et m'espionner.
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La Tueuse de Princes
FantasyAnnita est une tueuse de l'Ombre, un ordre d'assassins aussi sombre qu'ancien. Lorsqu'on lui demande d'éliminer le prince du royaume de Polaris, adoré par son peuple, elle déménage au palais et se fait passer pour une domestique. Mais la jeune femme...