Le corps courbaturé, la tête bouillonnant, je m'allonge à côté d'Annita qui s'est rendormie, épuisée. Pourtant, je n'arrive pas à trouver le sommeil. Les minutes s'écoulent tandis que Morphée me dédaigne. Et mes pensées, insidieuses, reviennent au grand galop.
Il y a quelques jours à peine, je n'étais jamais sorti de la capitale, enfermé par mon propre père dans une prison dorée. Ce que J'ai vu à l'extérieur de ces limites imposées m'a définitivement changé à tout jamais. J'ai aperçu un village entier massacré, passé au fil de la lame dans le plus grand des silences, dont personne ne semblait se préoccuper. Cependant, il s'agit du travail des soldats de s'occuper de la population et de les protéger. Ils auraient dû être présents pour sauver leur peuple, empêcher cette tragédie.
Astha a failli à son devoir.
J'ai vu des militaires décorés, mon propre mentor, refuser de tenir compte des civils de l'autre côté de la frontière, prêts à massacrer des innocents, uniquement pour ne pas s'attirer les foudres du roi. Et malgré mon inexpérience, je me suis rendu de l'autre côté, accompagné de combattants féroces, pour faire une différence, même si elle était minime. À quatre, nous avons sauvé des gens, enfermés illégalement, causant du mal à Astra malgré eux. Et ils ont repris le contrôle de leur pays.
Enfin, repris leur contrôle sont de bien grands mots, il y a encore du travail à effectuer de leur côté ; reconstruire un pays brisé ne se fait pas en quelques jours. Cependant, la menace mélène semble écartée pour le moment. Les oppresseurs se sont retrouvés surpassés par leurs victimes, qui ne veulent pas d'une guerre. Ils méritent amplement leur sort.
Et désormais, je dois discuter de tous ces changements avec mon père, le souverain d'Astha, l'homme qui voulait les exterminer il y a quelques semaines. Je devrais me sentir bien, en paix, fier de nos accomplissements, mais une petite voix me glisse que ce n'est pas la fin de mes soucis. Que le futur nous réserve d'autres surprises.
Comment vais-je lui expliquer la présence d'Annita à mes côtés ? Il m'a vu, il y a quelques jours, la transporter dans mes bras jusqu'à ses appartements. Il a posé les yeux sur elle.
Je ne compte pas la laisser de côté, il en est hors de question. Plus maintenant. Pas après tout ce que j'ai vu. Pas après qu'elle ait encore une fois mis sa vie en danger pour la bonne cause. Pour moi, pour les autres.
Pas alors que les membres de sa propre communauté ont essayé de la tuer.
Elle n'a plus de maison. Mais je veux lui offrir ce toit. Parce qu'elle le mérite.
Parce que je l'aime.
J'aurais aimé lui dire plein de fois dans les derniers jours, mais j'ignore si, avec son cynisme habituel, elle m'aurait cru. Pourtant, lorsque je la vois le matin, je la trouve belle. Lorsqu'elle me parle, je la trouve intelligente, drôle. Elle a toute une vie devant elle, une vie qu'elle pourrait mener sans avoir à tuer, à craindre les conséquences de sa désertion.
Sa maitrise des ombres pourrait lui servir à tellement plus qu'à tuer. Contrairement à ce qu'elle m'a déjà dit, elle n'a pas l'âme noircie par son don. Au contraire. Dans ce royaume, je n'ai croisé personne aussi dévouée à sauver les innocents, les civils, et même ceux qui l'ont rejetée, l'ont pointée du doigt.
Il faut plus de gens comme elle.
Et c'est pour cette raison que j'ai décidé d'assumer ma position d'héritier du trône. Pendant des années et des années, je ne voulais pas d'une telle responsabilité, de ce que je considérais comme un poids immense. Mais j'ai grandi, j'ai vu, j'ai constaté. Astha a besoin d'un changement de gouvernement. Il ne pourra pas résister encore si le souverain continue à prendre des décisions irrationnelles. Tout comme Mélène va avoir un un remaniement au pouvoir différent, Astha changera. Pour le mieux.
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La Tueuse de Princes
FantasyAnnita est une tueuse de l'Ombre, un ordre d'assassins aussi sombre qu'ancien. Lorsqu'on lui demande d'éliminer le prince du royaume de Polaris, adoré par son peuple, elle déménage au palais et se fait passer pour une domestique. Mais la jeune femme...