La Tueuse de Princes

5. Annita

L'ambiance est à son comble. Les gens autour de moi se pressent, se bousculent pour avoir une chance de mieux observer le combat qui s'annonce spectaculaire. Ils s'agitent, se passent de l'argent pour parier, applaudissent, crient, encouragent. Au milieu de la foule surexcitée, je tente de trouver le meilleur angle pour bien voir l'affrontement.

Le prince Wellan se tient au beau milieu du terrain d'entrainement, une épée à la main, sans armure, devant ses deux frères, qui lui ressemblent comme deux gouttes d'eau. Si je ne m'étais pas informée sur la famille royale pour la mission, je ne les aurais probablement pas différenciés.

Mais eux possèdent des armures, au contraire de leur frère. Apparemment, le prince Wellan se pense si doué au combat qu'il est prêt à les affronter sans protection, comme s'ils jouaient avec de simples épées en bois.

La foule, elle, est ravie par le spectacle. Parce qu'elle sait qu'il va triompher.

Si je me trouve ici, au beau milieu de gens exaltés, c'est parce que les rumeurs circulaient dans les quartiers des domestiques lorsque je les ai rejoints après avoir été congédiée par Lady Camélia. Si la plupart n'ont pas quitté leur poste, je me suis précipité à l'extérieur pour assister au combat sans un coup d'œil en arrière. Il s'agit d'une occasion en or pour analyser ma cible. Comme ma mère me le répète depuis toujours, il vaut mieux observer sa proie pour mieux l'éliminer. C'est en apprenant sur ses habitudes de vie, sa condition physique, ses forces et ses faiblesses que je pourrai éteindre la lueur brillant dans ses yeux.

Le prince Wellan est grand, élancé, son corps musclé par des heures et des heures d'entrainement. Il n'a pas encore porté de coup à ses adversaires, mais je devine une grande maitrise de l'épée ; sa posture et son aisance parlent pour lui.

Zacharie et Sébastian possèdent également des aptitudes fascinantes au combat, mais ce n'est pas d'eux dont on chante les exploits d'un bout à l'autre du royaume.

Ma mission consiste à tuer le prince favori du peuple.

Le premier coup part, interrompant le fil de mes pensées. Avec hâte, je lève le regard devant moi, où le prince Wellan affronte enfin ses frères en même temps, comme s'il s'agissait d'un jeu d'enfant. Il se déplace comme un danseur, portant des coups gracieux, sans rudesse, mais qui tueraient probablement ses adversaires s'il n'arrêtait pas avant d'atteindre l'armure. Ses frères répliquent de concert, ne lui laissant pas une seule minute de répit. Ils ne le ménagent pas une seconde.

Et ça ne semble pas déranger le prince Wellan : il pare chaque attaque, empêche ses adversaires de l'approcher, danse sur un pied puis sur l'autre, tout en gardant ce sourire dépourvu de malice qui l'a tendu célèbre partout dans le royaume.

La lame de Zacharie effleure son visage non protégé. La foule retient son souffle, avant de soupirer de soulagement quand son favori recule d'un pas et porte un coup à l'armure de son assaillant. Plus en retrait, Sébastian fait tournoyer son épée comme si elle ne pesait rien. Son gantelet en or ne semble pas le déranger, comme s'il s'agissait réellement de sa main, qu'un nouveau membre y avait poussé. S'il n'a pas la grâce de son frère, il porte des coups précis, presque parfaits. Malheureusement pour lui, Wellan est une bête de combat. Il esquive chaque coup, anticipe chaque mouvement de ses frères, et se permet même de les narguer.

— C'est tout ce que vous avez dans le corps ? Pensez à toutes ces personnes qui ont attendu toute la journée pour un spectacle.

Son côté baveux me fait lever les yeux au ciel. Il est doué, et il le sait.

C'est ce moment qu'il choisit pour se montrer plus agressif. Ses coups se font moins espacés, plus violents. En deux temps trois mouvements, il a désarmé Sébastian, qui recule de quelques pas pour laisser les deux autres adversaires s'affronter dans un duel qui s'annonce enlevant. Désormais, Wellan et Zacharie se tournent autour comme deux bêtes de proie s'analysant l'un à l'autre.