41. Annita

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Chaque matin, lorsque je me réveille, je me rappelle que ma mère a mis un prix sur ma tête.

Puis je l'efface de ma mémoire afin de me concentrer sur ma guérison. Wellan a tenu à ce que je me repose les jours suivant l'attaque, alors que lui-même allait s'entrainer avec les soldats. Malgré ma volonté de l'accompagner pour rallier les gens à notre cause, il était important pour moi de reprendre des forces. Je n'aiderai personne si je force mon corps à l'épuisement. J'ignore quel poison Katya a utilisé pour m'affaiblir, mais il m'a terrassée comme une débutante.

Je me suis ramollie. J'ai perdu mes réflexes.

Lorsque je me sens enfin mieux, quelques jours plus tard, je décide d'aller regarder l'entrainement des soldats. Au deuxième étage du bâtiment le plus près du terrain se trouve une passerelle, où je m'installe. De là, j'ai une vue de choix sur les différentes personnes qui s'exercent avec des armes. Aujourd'hui, il y a tellement de gens que j'ai de la difficulté à tous les reconnaitre, ou à les compter. Wellan se trouve parmi eux, en train de parler avec quelques-uns d'entre eux. Des sourires s'affichent sur les visages, des tapes amicales sont partagées. Malgré la gravité de la situation, une atmosphère réjouissante plane.

C'est tout Wellan, ça : mettre les gens en confiance, les persuader qu'ils sont essentiels à la cause, les inciter à se rallier à lui.

Pour moi qui ai broyé du noir ces derniers jours, dans la morosité de ma chambre, cette vision est pleine d'espoir.

— Il vous aime bien, vous savez.

Je sursaute, puis me retourne. À ma droite se trouve Hector, le commandant de l'armée royale, le meilleur ami du roi, son Conseiller le plus cher, mais également le mentor de Wellan. Pendant des soirées longues, il m'a parlé en long et en large de cet homme qui a marqué sa vie. Toutefois, il a fini par se rallier au roi, sous prétexte de loyauté, ce qui a brisé le cœur de Wellan. Il ne me l'a pas dit de façon explicite, pourtant j'ai remarqué sa tristesse.

— Commandant, le salué-je, mal à l'aise, ne sachant pas comment me comporter avec lui.

— Oh, vous pouvez m'appeler Hector, Lady Annita.

Un petit sourire narquois s'invite sur ses lèvres. Le corps crispé, je tourne mon regard sur le terrain d'entrainement.

— Après tout, si vous êtes aussi proche de Wellan, nous serons amenés à nous côtoyer à de nombreuses occasions.

Il n'y aucune malice dans ses paroles, je ne décèle pas cette arrogance et ce mépris dont font preuve les autres autorités militaires de la forteresse lorsqu'ils portent le regard sur moi. Pourtant, quelque chose me met mal à l'aise, et je n'arrive pas à déterminer quoi.

— J'avoue avoir été surpris lorsque le prince m'a partagé qu'il vous appréciait. Non pas que vous ne soyez pas une bonne prétendante pour lui, mais Wellan n'a jamais été du genre à s'attacher, et encore moins à me parler d'une femme.

Je suis toujours incapable de le décrypter. Est-ce un compliment ou un reproche ? Que dois-je répondre ? Mon silence est-il mal perçu ?

— Mon travail m'accapare et je n'ai malheureusement pas une bonne mémoire des familles nobles d'Astha, donc je ne vous connais pas. Wellan ne m'a pas révélé pourquoi vous nous suiviez, mais j'ai été impressionné par votre audace. Peu de femmes auraient fait la même chose. J'ai compris alors pourquoi Wellan vous aimait bien.

En bas, plusieurs duos se mettent en place pour commencer des combats à l'amiable. Wellan gère le tout d'une main de maitre, sans se douter qu'à quelques mètres au-dessus de lui, nous parlons de lui.

— Vous avez allumé chez lui une nouvelle flamme, qui l'a changé. Il est plus entreprenant, fait davantage entendre sa voix. Attention, Lady Annita, à ce qu'il ne se brûle pas les ailes.

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant