13. Annita

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Un cri strident. Des bruits de pas précipités. Une tête affolée qui passe par l'encadrement de la porte.

— Annitaaaa !

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je, amusée.

Dans les derniers jours, Renya, ma partenaire de dortoir, et moi nous sommes rapprochées comme jamais. Lorsqu'on nous donne des taches, outre le service des nobles du château, nous insistons pour travailler de pair. Si Renya est plus enjouée et énergique que moi, j'apprécie ce côté vivant. Moi qui ai vécu une existence entière parmi une communauté silence et discrète, j'apprécie sa folie...

— On a encore attrapé une souris !

... et son petit côté dramatique.

Je lâche un petit rire. Le dortoir que nous partageons avec plusieurs autres domestiques est infecté de rats et de souris depuis la semaine dernière, et nous avons dû placer des pièges pour les attraper. Chaque fois que nous en attrapons une, je le sais grâce au hurlement de peur que lâche Renya. Elle est absolument épouvantée par ces petites créatures inoffensives. Pour ma part, en tant que Tueuse de l'Ombre, j'ai appris depuis longtemps é vivre avec elles. Les recoins obscurs en sont souvent remplis...

— Tu veux que je m'en occupe ? lui proposé-je.

Elle se contente de hocher la tête avec une mine effrayée, comme si elle avait vu un monstre. Mon sourire moqueur s'agrandit. Ça me fait rire qu'on puisse être effrayé par de si petites bêtes. Mais d'un autre côté, les rats ont bien emmené la peste qui a ravagé la capitale il y a des décennies...

Somme toute, je n'ai aucune pitié pour ces petites vermines. Après m'être occupée de la bête – morte –, je retourne au dortoir avec l'intention de taquiner Renya, mais aucune trace de mon amie.

— Renya ?

Un son et je fais volte-face, reprenant mes vieilles habitudes. Mais ce n'est pas elle qui se dresse devant moi. Le prince Wellan.

Aujourd'hui, il est habillé simplement, comme un homme du peuple ; pantalons de lin, haut fait en coton, sans oublier ses longs cheveux en bataille.

Surprise par cette apparition des plus inattendues, je reste quelques instants immobile, sans rien dire. Comment a-t-il fait pour savoir où mon dortoir est situé ?

Cette fois, pas de courbette, pas de fausse politesse, rien. Lors de notre dernière discussion, il a été clair : il ne veut rien de tout cela entre nous deux. Et pourtant ! Il est le prince. J'ignore comment réagir, comment me sentir près de lui et ça me rend de plus en plus dingue.

— On ne dit rien ? lâche-t-il après un moment de silence interminable.

— Comment m'as-tu trouvée ?

Son fameux sourire narquois.

— Tu sais, Annita, j'ai vécu ici toute ma vie entre ces murs. Je sais à qui parler pour avoir ce que je désire.

Pas faux.

Il jette un coup d'œil aux lits. Même s'ils sont faits, l'endroit ne paie pas de mine. Les murs sont ternes, des coulisses d'humidité les parsèment. Ne parlons même pas du plafond, qui semble à deux doigts de rendre s'effondrer sur nous. C'est ici que nous dormons alors qu'à quelques mètres de nous les nobles se prélassent dans des appartements trop spacieux et trop luxueux pour eux.

— Tout qu'un endroit pour accueillir un prince... marmonné-je.

— C'est une honte que vous dormiez dans de telles conditions. Je vais en toucher deux doigts au roi.

Je ne sais pas pourquoi, mais soudain, la panique m'étreint. Le roi ne doit pas concentrer son attention sur nous – ou plus particulièrement sur moi –, ça pourrait ruiner tous mes efforts.

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant