Comme Wellan me l'a demandé, je passe mes journées dans la chambre qu'il m'a assignée, telle une petite fille obéissante. On m'y porte les repas, j'ai droit à une bassine pour faire ma toilette tous les jours : c'est plus que ce à quoi j'avais le droit auparavant, mais je suis encore loin de la vie luxueuse de courtisane. J'ai beau me répéter que ce ne sont que des mesures de sécurité en attendant que les détails de ma nouvelle vie soient réglés, je m'ennuie comme un rat mort. Je n'ai absolument rien d'autre pour me divertir que de la laine – comme si j'allais me mettre à coudre ! Autant crever – et des livres qui me semblent plus vieux que le royaume lui-même. Au moins, j'ai toujours mes poignards.
Au bout du troisième jour, je n'en peux plus. Sur un coup de tête, je décide de sortir de la pièce. Si je suis restée à l'intérieur aussi longtemps, c'était par respect pour Wellan, parce que je ne voulais pas le placer dans une situation délicate, mais l'ennui a fini par me gagner. Je ne suis pas habituée à rien faire de mes journées ; lorsque j'observe longtemps de futures proies, je suis occupée sur ma surveillance. Là, je n'ai rien d'autre que mes propres pensées à affronter, et je préfère en rester loin.
Sans oublier que je peux me cacher dans les ombres et entendre les rumeurs de la cour pour me tenir au courant et, surtout, savoir pourquoi Wellan prend autant de temps à finaliser notre plan.
Comble de bonheur – ou de malheur –, la porte – unique entrée de la chambre – n'a pas été barrée, pourtant j'ai agi comme si elle l'était, comme si en sortir était hors de question. Pourquoi l'ai-je fait ? Depuis quand je laisse une cible, un futur cadavre, me mener par le bout du nez ?
Chassant ces interrogations de ma tête, je me concentre sur le présent. Lorsque je passe la tête par la porte, je constate qu'il n'y a personne dans le corridor. Normal : je me trouve dans une aile reculée du château, désertée puisque les pièces y sont vieilles et ne convenaient pas aux goûts luxueux des courtisanes. Wellan a, comme toujours, pensé aux plus petits détails.
Avec grâce et silence, je me glisse dans l'ombre des rideaux. Ce qui est pratique dans ce palais, c'est que tous les fenêtres – très nombreuses – sont encadrées par de larges rideaux de diverses couleurs, souvent sombres, ce qui me permet de me cacher aisément derrière eux et de parcourir les couloirs sans être vue. À l'évidence, personne ici ne connait le don des Tueurs de l'Ombre pour se faufiler dans les recoins sombres.
J'avance ainsi de couloir en couloir. Si j'en juge la progression du soleil dans le ciel, l'après-midi doit toucher à sa fin, et il est l'heure de la sieste de ces petits nobles avec si peu de préoccupations, c'est pourquoi il y a moins de passages dans les environs qu'à l'habitude. Il est plus facile pour moi de parcourir le palais ainsi ; je m'approche tranquillement de la salle du trône. Quelque chose m'attire, me pousse dans cette direction, mais j'ignore.
Des voix. Ou plutôt une voix.
Et je la connais très bien
Wellan.
Il crie. Pour une raison qui m'échappe, le ton de sa voix ne me plait pas. J'y perçois une pointe de détresse. Alors, malgré le fait que ce soit une mauvaise idée, je me dirige vers lui. Je cours, arpente les ombres, en direction des bruits. De plus en plus de personnes, de tous les statuts, parcourent les couloirs, tendant l'oreille pour espérer entendre des bribes de ce que hurle le prince.
Bande de rapaces.
Plus j'approche, plus je ralentis le rythme, toujours alerte. Même si je ne le vois toujours pas, je comprends rapidement qu'il parle à sa mère, la reine, et que ce n'est pas une conversation agréable, à l'instar de la dernière à laquelle j'ai assistée. Elle ne répond pas, ou dans le cas contraire, elle réplique si bas que je ne l'entends pas.
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La Tueuse de Princes
FantasyAnnita est une tueuse de l'Ombre, un ordre d'assassins aussi sombre qu'ancien. Lorsqu'on lui demande d'éliminer le prince du royaume de Polaris, adoré par son peuple, elle déménage au palais et se fait passer pour une domestique. Mais la jeune femme...