La Tueuse de Princes

46. Annita

Pour libérer ces prisonniers, il faut simplement les libérer de leurs chaines.

Simplement. Il faut pour ce faire trouver un endroit, dans l'un des forts, où se situe une salle de commandes, et où un l'appui d'un bouton permettra d'annuler le pouvoir retenant prisonniers tous ces gens.

Je n'ai aucune idée de ce que sont une salle de commandes et un bouton, mais ça ne m'empêchera pas de les aider.

Ils sont comme moi ; nés avec des habiletés spéciales, condamnés à vivre avec eux. Jamais ils ne devraient être traités différemment pour cette raison, jamais ils n'auraient dû être parqués ici comme du bétail. Et jamais je ne laisserai les Mélènes les envoyer comme pâture à Astha.

Si jamais nous réussissons à les libérer sur la Couronne qui les a tant maltraités, ils pourraient régler le conflit par eux-mêmes.

Cette pensée me donne espoir, me fait rêver d'un meilleur futur.

— Je ne te laisserai pas partir seule, m'interrompt Wellan.

Il s'est approché de moi, qui me suis isolée dans un coin de la pièce humide et sombre, délaissant ses frères qui discutent. Il a dû deviner ce que je pensais parce que son ton est sévère. Cette fois, je le sens, il ne me laissera pas n'en faire qu'à ma tête.

— Je pensais que tu te moquais de moi, maintenant ? lui rappelé-je, la tête penchée et les yeux plissés.

Il lâche un soupir, sans jamais me quitter du regard.

— Ne sois pas idiote, Annita. Nous avons beaucoup de choses à régler lorsque nous serons de retour à la maison, mais pour l'instant, agissons comme si rien ne s'était passé.

À la maison.

— Nous sommes une équipe tous les quatre et nous devons nous faire confiance, répète Wellan, les bras croisés contre son torse. Tu n'iras pas à la recherche de cette salle de commandes seule, alors que trois hommes entrainés pourraient t'aider.

Il ignore l'énergie que m'a demandé cette cape d'invisibilité que je nous ai créée. Il ignore le fait que mes forces diminuent de façon draconienne à chaque minute qui s'écoule. Je ne pourrai pas les cacher éternellement.

Mais surtout, je ne veux pas lui donner une raison de douter de moi, de mes capacités. Pendant des années, j'ai effectué des missions dangereuses, risqué ma peau à de multiples reprises ; et je suis parfaitement en mesure de trouver une pièce pour libérer mes confrères et consœurs. C'est la moindre des choses que je puisse faire pour eux.

Wellan, constatant que je ne change pas d'idée, me prend le visage entre les deux mains pour m'obliger à le regarder de plus près. La colère de hier soir a disparu, l'urgence de la situation le lui a fait oublier quelques instants.

— Écoute-moi, Annita, on ne sait pas grand-chose des Mélènes ici. Peut-être conservent-ils d'autres prisonniers aux pouvoirs extraordinaires avec eux. Il est plus sécuritaire que nous cherchions cette salle ensemble, d'accord ?

Je me mords la lèvre, le cœur battant dans mes tempes.

— Ça me demande beaucoup d'énergie. Je ne sais pas si je vais avoir assez de forces pour nous ramener jusqu'à la frontière...

Ça ne semble pas un problème pour lui. Wellan rejette mon point d'un geste brusque de la main.

— Zacharie te portera si tu tombes.

Et il a revêtu son masque indifférent, celui-là même qu'il portait ce matin. Mon cœur ne peut s'empêcher de s'arrêter un instant, douloureux.

Puis je reprends le contrôle et fais un signe aux autres. Il est temps d'agir.