22. Wellan

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— Tu es un imbécile, Wellan.

Je me passe une main lasse devant le visage. Zacharie ne m'aide pas du tout en ce moment.

— Merci, frérot, ton intervention est appréciée.

Le matin tire à sa fin, et nous nous trouvons dans mes appartements. Mes frères sont venus me trouver le lendemain de mon étalage public devant la salle du trône et ne m'ont pas laissé le choix avant d'entrer pour me faire la leçon, comme si j'étais un gamin. Ils ont le même âge que moi, ces bouffons. Ces temps-ci, ils se mettent à deux sur mon cas et je ne suis pas certain que ça me plaise.

Affalé sur le fauteuil de la pièce à vivre, je fais face à mes frères, qui marchent devant moi, avec une mine sévère, comme si j'avais mis ma vie en danger. Quoi qu'on ne sait jamais avec notre mère...

Aujourd'hui, Sébastian est particulièrement sérieux, davantage que lorsqu'on parle de politique. Il s'approche de moi, vêtu d'une simple chemise de lin et d'un pantalon noir.

— Écoute, Zacharie n'est peut-être pas le meilleur des communicateurs, mais il a raison : tu as sérieusement merdé. Une panoplie de nobles étaient présents au moment des faits et t'ont entendu crier ces paroles à la reine. Je n'y étais pas, pourtant j'ai déjà entendu trois versions différentes de l'histoire depuis hier.

Maudits courtisans. Parfois, je déteste vraiment ces harpies qui ne semblent bons qu'à répandre des rumeurs et à déformer la vérité, comme si ça avait un quelconque intérêt. N'ont-ils pas mieux à faire ?

— Vous n'êtes pas les premiers à me le dire, répliqué-je, avec une pensée pour Hector. Je ne le referai plus.

— Mais tu n'as pas l'air de comprendre la gravité de la situation, Wellan, ajoute Zacharie, avec beaucoup moins de tact. La reine a été humiliée devant un public composé de nobles et de riches seigneurs. Elle n'en restera pas là et tu le sais.

Putain. Comme un idiot, je n'ai pas pensé à cette alternative. Pourtant, j'aurais dû : combien de fois cette sorcière nous a-t-elle blessés derrière des portes closes pour avoir osé lui manquer de respect en public ? Si elle ne réagit pas quand je lui crie dessus en privé, c'est parce qu'il n'y a pas de spectateurs et qu'elle n'a pas assez d'humanité pour ressentir des émotions. Mais la situation a changé. Elle déteste plus que tout se faire humilier

— Faudrait presque en parler au roi pour qu'il agisse avant qu'elle ne le fasse, lâche Zacharie en s'affalant à mes côtés sur le fauteuil.

Un énième soupir passe la barrière de mes lèvres. Moi qui ne voulais pas penser à cette vipère aujourd'hui... c'est raté.

— Je n'ai sincèrement aucune envie de me taper un autre de ses sermons, réponds-je en songeant au dernier que m'a fait mon père.

Sébastian, toujours debout, bougeant tellement qu'il m'en donne la migraine, n'est pas de cet avis.

— Et pourtant tu devras le faire, Wellan. Maintenant que tu as enfin accepté d'être l'héritier, tu devras écouter ce que le roi a à t'enseigner sur la gestion d'un royaume.

Mon regard noir rencontre le sien.

Je n'ai pas accepté quoi que ce soit, j'ai simplement cédé. Parce que j'en ai marre de lutter tous les jours pour défendre mes intérêts. J'ai juste décidé d'arrêter de contredire mon père, mais ça n'implique rien de ma part. Je réfléchis toujours à temps plein à un moyen de ne pas monter sur le trône.

— Ne me regarde avec cet air de tueur, tu sais que nous ne pouvons rien faire pour toi.

Et ce n'est pas comme s'ils n'avaient pas essayé de m'aider. Mes frères sont tout pour moi et je suis tout pour eux, mais parfois, même un lien d'affection fraternelle fort comme le nôtre ne peut rien contre l'avis tranché d'un roi.

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant