16. Wellan

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Lorsque je la vois en sang sur le sol, mon cœur se déchir. Sans réfléchir, je me précipite vers elle et la prends ans mes bras, me moquant du liquide écarlate et des corps éparpillés autour d'elle. La respiration sifflante et le cerveau en pagaille, je constate rapidement que sa blessure se trouve sur avant-bras et qu'il ne s'agit pas d'une plaie mortelle. Pourtant, Annita a perdu connaissance... que lui est-il arrivé ?

L'inquiétude pulsant dans mes veines, je vérifie son corps, à la recherche d'un indice sur sa condition. Elle a un pouls, elle...

— Prince Wellan, qui est-ce ?

Je ne tourne pas la tête, ne regarde pas qui vient de m'adresser la parole – probablement l'un des soldats qui m'accompagnaient à mes appartements –, concentré sur la femme entre mes bras. J'aimerais qu'elle se réveille sans tarder, qu'elle me dise ce qui se passe, mais elle a les yeux fermés et ne semble pas prête à sortir de son repos.

C'est alors que je remarque les marques de doigts sur son cou, formant une main. Quelqu'un l'a pris par la gorge et c'est ce qui l'a fait tomber dans l'inconscience. Si le responsable de cet acte odieux n'était pas déjà mort, je l'aurais tué moi-même. Avec plaisir.

— Annita, réponds-je enfin à la question posée.

Il est probablement surpris que je connaissance le nom d'une domestique et que je m'en préoccupe, mais en ce moment, je m'en moque. Baignant dans un mélange de son sang et de celui des assaillants, je la regarde, ses cheveux blonds formant une couronne dorée autour de sa tête. Que faisait-il ici, devant mes appartements ? Ce n'est clairement pas elle qu'ils visaient, ces Mélènes en repérage.

C'est moi.

C'était une tentative d'assassinat, et elle s'est interférée. Elle aurait pu courir pour sa vie, aller se réfugier comme les autres, ne pas se troubler avec ce qui ne la concernait pas. Savait-elle qu'ils tentaient quelque chose contre moi ou se trouvait-elle ici au mauvais endroit au mauvais moment ? Je la serre contre moi, dévasté par toutes les possibilités. De toutes les façons, c'est...

Soudain, je comprends que c'est elle qui les a tués, ces ennemis autour de nous. Ça ne peut être qu'elle. Il n'y avait aucun garde dans le coin, puisqu'ils savaient tous que j'étais parti vers le port. Quelques autres de leurs confrères, plus loin, ont été tués par les intrus. Il n'y avait personne.

Ça ne peut qu'être elle.

Repoussant cette pensée extravagante dans un coin sombre de mon esprit, je me concentre de nouveau sur elle. Et c'est alors que je regarde son corps pour voir si elle n'a pas été blessée à un autre endroit que mes mains touchent quelque chose de métallique. Des poignards. Les mêmes que ceux qui se trouvent sur le plancher, couverts de sang. Elle se promène tous les jours dans le palais avec plusieurs armes blanches. Alors pendant tous nos conversations amicales, elle avait des couteaux prêts à dégainer ? Mais pourquoi ?

Et surtout, qui est-elle ?

Les heures défilent et je ne quitte pas son chevet. Ma mère, la reine en personne, est passée me voir et m'a traité d'obsédé, fidèle à elle-même, mais je lui ai à peine accordé d'attention. Voilà longtemps que ses paroles ne m'affectent plus.

Quant à mes responsabilités en tant que prince... eh bien, je ne me vois pas assister à des réunions où ma présence n'est pas essentielle et parler des taxes sur le riz alors que la femme qui a probablement défendu ma vie se trouve dans l'inconscience. Peu importe que son geste ait été voulu ou non. Elle a des marques sur le corps pour prouver sa bravoure. Et en tant que prince, mon devoir est de valoriser ce courage.

— Tu sais, Wellan, si je ne te connaissais pas, je te dirais que tu apprécies cette fille.

Mon regard se détache d'Annita pour se poser près de la porte. Zacharie est adossé contre l'encadrement, les bras croisés sur son torse, et il me fixe. Je me demande comment il a fait pour me trouver : nous ne sommes pas dans l'infirmerie.

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant