50. Annita

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Quelques minutes après ce moment si intense, Wellan m'a abandonnée pour retrouver ses propres appartements et pour ensuite choisir des vêtements appropriés à la rencontre d'aujourd'hui. Mon cœur bat plus fort à cette pensée.

Moi qui ai appris à maitriser l'angoisse, il semblerait que j'en ai perdu le contrôle ces dernières semaines. Je m'inquiète davantage, me laisser aller à des émotions que j'ai toujours réprimées, de peur de ne plus avoir ma place dans ma communauté.

Désormais, je m'autorise à ressentir pleinement ma nervosité. Sauf qu'elle me bouffe les entrailles en ce moment.

Engoncée dans une longue robe simple, rouge bordeaux, sans corset, j'attends qu'on cogne à la porte et m'indique que la rencontre approche. La sueur coulant le long de ma colonne vertébrale, la chair de poule recouvrant ma peau froide, je tente de prendre une grande respiration pour me calmer. Dans ma courte vie, j'ai tué des dizaines et dizaines de gens, affronté des ennemis terrifiants, je suis allée au-devant de la mort, et pourtant, je n'ai jamais connu de situation aussi effrayante que celle de parler avec un roi, ou du moins de me trouver en sa présence. Un seul homme, qui a le pouvoir de vie ou de mort, dont les ordres sont respectés par le pays entier, représente le danger suprême pour moi.

Trois coups fermes contre le battant de bois.

Respire, Annita, tout va bien se passer.

Je l'ouvre pour me retrouver devant un garde à la mine impassible.

— Ma Lady, veuillez me suivre s'il vous plait. Le roi requiert votre présence.

Avec un sourire crispé, je le suis. J'ai l'impression de faire tache dans le décor somptueux du palais avec ma robe simple, sans fioriture, ma coiffure digne d'une paysanne et mon maquillage absent. Il est hors de question que je me transforme en une autre personne pour une simple rencontre, mais le souverain ne sera peut-être pas du même avis.

Et s'il apprenait que je cache des dagues sous mes habits, il ferait probablement une crise cardiaque.

Il ne me reste plus qu'à enfiler mon masque neutre et à suivre le soldat dans les couloirs qui mènent à la salle du trône. En chemin, je ne rencontre pas Wellan, ce qui doit être prévu. Mais je n'ai pas besoin de sa présence à mes côtés pour connaitre ma valeur, pour affronter ce qui se montre à moi. Je saurais sortir vivante de cet entretien.

Lorsque nous arrivons enfin devant les deux grandes portes luxueuses annonçant la salle du trône, l'homme qui me sert de guide ralentit le pas et échange un signe de tête affirmé avec ses deux confrères gardant l'endroit. Puis, sans plus de manière, il ouvre l'un des deux battants et m'invite à entrer.

— Le roi vous attend.

J'acquiesce, les dents serrées, avant de pénétrer dans un lieu spécial, où un maximum de richesse est mise en avant pour mettre en valeur le souverain, cet homme qui gouverne Astha d'une main de maitre. Ou plutôt, qui devrait le faire.

Toutefois, lorsque la porte se referme sur le soldat, je comprends que je viens de me faire duper. Il ne s'agit pas du roi Carlton, installé sur son trône, mais de la reine Jahana. Je ne l'ai jamais vue, pourtant je sais qu'il s'agit d'elle. Wellan me l'a décrite à de nombreuses reprises, et pas de façon élogieuse. C'est une femme aux longs cheveux noirs, aux yeux plus perçants que ses fils et à la stature royale. Pourtant, elle n'est qu'une imposteur. Elle n'a le titre de reine que parce qu'elle a marié le roi ; elle ne possède aucune responsabilité, aucune tâche de haute importance.

Non, tout ce qu'elle a fait, c'est se détourner de ses propres fils, pour ensuite leur voler leurs pouvoirs.

Je méprise cette femme avec tout ce que j'ai. Si elle n'était pas mariée à l'homme le plus important d'Astha, je lui trancherais la gorge sans hésitation.

La Tueuse de PrincesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant