ELIOTT
On était longtemps resté assis sur les marches de l'escalier poussiéreux menant tout droit vers l'orphelinat, cet endroit qu'il semblait tant détesté, qu'il haïssait probablement, sous des lampadaires éteints, presque morts, des éclats de lumières si faibles et si perçants, moi à admirer la beauté de la nuit et lui le gris de sa fumée, le chemin de sa destruction, celui du poison. Le ciel devenait de plus en plus sombre, il s'éteignait, et les minutes défilaient à une vitesse affreuse, celle qu'on voulait arrêter à tout prix.
Je le savais parce que les étoiles n'étaient plus que des points imperceptibles dans l'étendue bleue, plutôt noire, et que la lune commençait à ne plus possédait assez de lumière pour nous éclairer, elle s'éteignait, qu'elle préférait déposer son éclat sur cet arbre dont les feuilles frémissaient doucement dès que le vent commençait à les bercer, sur cette route un peu trop lointaine d'où de la poussière s'élevait de temps en temps, s'envolait très lentement et dans tous les sens ou encore sur le bout de son nez, celui là c'était mon préféré, qu'il frottait à intervalle irrégulière et beaucoup trop souvent.
Comme si les étincelles qui cognaient sur son visage lui faisait mal, qu'elles l'abîmaient.
Et lui, ce garçon au cheveux bruns et au yeux marrons, il avait allumé une nouvelle cigarette, encore une après une sans que la dernière n'arrive jamais, et il continuait de fumer en levant la tête parfois au ciel, comme s'il avait besoin de croiser le regard de la lune juste un centième de secondes, que ça pourrait le rassurer, peut-être le sauver, puis en baissant les yeux jusqu'au sol, enfonçant son regard jusque dans la terre, comme s'il avait besoin de fixer un point qu'il ne pouvait même pas apercevoir pour pouvoir rassembler ses rêveries, ses drôles de pensées et peut-être aussi ses cauchemars, ceux lui donnant des sourires remplis de tristesse et de peine bien écrite. Et puis à certains moments, quelques-uns seulement, il remontait ses pupilles jusqu'à s'arrêter sur mon visage et les faisaient glisser le long de mes yeux sans entrer en contact avec ses derniers, sur la pointe de mon nez, dans le creux de mes joues, à la commissure de mes lèvres, à la racine de mes cheveux. Partout, partout, partout. Et puis, quand il avait terminé son voyage à travers moi, il finissait par retrouver mon regard, à ancrer ses pupilles dans les miennes, à mélanger nos pensées dans un simple clignement et il souriait. Comme s'il venait enfin d'entrer en accord avec lui-même. Qu'il avait fini par se comprendre.
Et quand il le faisait, qu'il détournait son regard de l'univers pour le poser sur moi, comme si plus rien autour de lui, autour de moi et peut-être de nous deux finalement n'avait plus d'importance, n'en avait jamais eu. Que même la lune avait fini par ne plus l'intéresser à mes côtés, que j'avais fini par prendre plus d'importance. Et quand il le faisait, je sentais mon pouls s'accélérer à m'en arracher le cœur, à m'en faire perdre la raison. Ce même organe qui, ces derniers temps, me semblait un inconnu dans mon corps, un simple étranger dans ma vie. Et quand il le faisait, je me sentais vivre, je dirais même vivant mais je me sentais aussi un peu mourir.
Vivre parce que je pouvais entendre distinctement chaque battement de mon cœur tapait comme ils n'avaient jamais frappé, que leur cacophonie me donnait presque mal, vraiment mal.
Et qu'on ne se sentait jamais aussi vivant que quand on avait mal, que la douleur nous rongeait jusqu'au dernier os, qu'elle nous détruisait progressivement, qu'elle nous faisait disparaître. Quand on avait mal, c'était qu'on était toujours présent.
Vivre parce que je n'avais jamais autant apprécié le goût de la vie, que ce dernier n'avait jamais autant été prononcé. Un goût acide au tout début et puis plus doux, plus agréable. Vivre parce que je ressentais mon corps tremblait, frémir sous ses yeux bruns. Et en même temps je me sentais un peu mourir, juste un peu. Mourir parce qu'à l'intérieur de moi, ça tambourinait si fortement que je ressentais parfois la désagréable, mais pas tant que ça, impression que j'allais exploser, me désagréger, disparaître avalé par le sol, mourir.
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FORNEVER (bXb)
RomanceEliott Wils était un adolescent de 17 ans qui se nourrissait des mots des livres quand l'oxygène ne suffisait plus à le maintenir en vie. Elyo Penters était un adolescent de 17 ans qui coloriait les parties blanches de ses toiles, mélangeant sa tri...