ELYO
Sa chevelure rousse tombait sur ses épaules et la fumée grise de sa cigarette se faufilait à travers ses lèvres qu'elle ouvrait à intervalles irrégulières pour peindre l'oxygène nous entourant d'une couleur noire et souillée. Elle était immobile, assise sur le sol poussiéreux, fixant un point au hasard dans la pièce comme si elle s'était perdue dans les tréfonds de ses souvenirs dépeints de toutes couleurs ou qu'elle rêvait d'un futur qu'elle aurait aimé vivre, connaître. Elle aspira à nouveau la fumée avant de tourner la tête dans ma direction, ancrant ses pupilles vertes dans les miennes. Plongeant son regard lointain dans le mien qui était si proche du sien.
- Est-ce que tu penses que les personnes comme nous ont le droit de rêver ? demanda-t-elle en grimaçant comme si elle connaissait déjà la réponse avant même que je ne lui réponde, comme si elle n'avait pas réellement besoin d'une réponse de ma part pour savoir ce qu'il en était.
Elle espérait seulement une réponse qui briserait les mots qu'on lui avait toujours dit, une réponse qui lui permettrait de s'enfouir dans le monde de ses rêves sans culpabiliser et d'oublier, pendant un instant ou deux, la réalité qui apparaissait partout où nos regards se posaient. Elle espérait une réponse nouvelle, remplie d'espoir. Une réponse qu'elle n'aurait jamais entendue auparavant, différente tout simplement.
Je l'observais sans rien dire, réfléchissant silencieusement à ce qu'elle souhaitait savoir. Est-ce que des personnes comme nous avaient le droit de rêver ? De rêver d'une vie meilleure ? Est-ce qu'il nous était permis de penser qu'un jour nos vies s'illumineraient de milles couleurs et plus encore ?
- Je ne pense pas que les rêves soient fait pour moi, reprit-elle, rêver c'est juste espérer. Je n'aime pas l'espoir.
L'espoir était une lame à double tranchant muni de couteaux tous plus aiguisés les uns que les autres, qui pouvait tuer, être mortel pour les personnes étant trop attachée à ce dernier, pour les personnes vivant et survivant à travers cet unique mot. L'espoir pouvait nous faire attendre un temps et trop longtemps, un jour et pour toujours. Espérer c'était patienter pour quelque chose qui pourrait ne jamais exister, c'était risquer d'imaginer quelque chose qui pourrait ne jamais survenir.
- On m'a toujours dit que je devais arrêter de me perdre dans mes rêveries, avoua-t-elle à mi-voix, que je ne faisais pas partie des personnes ayant le droit de fermer les yeux et d'imaginer un avenir radieux, remplie de couleurs plus lumineuses les unes que les autres.
Un léger courant d'air traversa la pièce, faisant bouger les mèches de ses cheveux, qu'elle replaça immédiatement derrière ses oreilles rougies par le froid et l'humidité.
- Mais toi qu'en penses-tu ? Tu es d'accord avec eux ? la questionnais-je en me rapprochant d'elle.
Elle haussa les épaules tout en soupirant légèrement, sans le moindre bruit. Ses lèvres s'ouvraient seulement, laissant l'oxygène entrer et sortir de son corps. Comme si toute sa vie, elle avait appris à effacer sa présence, à ne laisser aucune trace de son existence. Comme si on lui avait appris qu'elle n'existait pas pour être vue, ni entendue.
- Je ne sais pas si j'ai le droit d'avoir mon propre avis sur la question, me confia-t-elle à voix basse comme si elle avait peur que les murs puissent entendre, enregistrer les mots qui s'échappaient du creux de ses lèvres, la première famille que j'ai eue, me frappait quand je leur faisais part de mes rêves. Ils disaient que je devais arrêter de perdre mon temps inutilement. La deuxième me disait qu'une gamine abandonnée sur le bord de la route devait se contenter d'être encore en vie. Ils disaient que j'étais ingrate. Ma troisième famille n'essayait même pas de communiquer avec moi, je n'étais là que pour m'occuper de leurs enfants et des tâches ménagères. À part pour ça, je n'existais pas.
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FORNEVER (bXb)
RomanceEliott Wils était un adolescent de 17 ans qui se nourrissait des mots des livres quand l'oxygène ne suffisait plus à le maintenir en vie. Elyo Penters était un adolescent de 17 ans qui coloriait les parties blanches de ses toiles, mélangeant sa tri...