Chapitre 1

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POV Jessie

« La tombée de la nuit a toujours été pour moi le signal d'une fête intérieure et comme la délivrance d'une angoisse » Charles Baudelaire

La nuit se faisait sombre, pas d'étoiles dans le ciel, la lune à peine visible, couvert par des nuages menaçants. Au loin, je n'entendais que le vent soufflant dans les arbres. Pas un bruit aux alentours, les oiseaux étaient déjà rentré dans leur nid, les voitures avaient retrouvé les garages, et les habitants se terraient chez eux, devant leur cheminer à regarder une série quelconque à la télévision. Mon regard se fit hésitant, et j'accélère mes pas sur le trottoir. Je sens quelques gouttes de pluie me tomber sur les joues. Je rabats encore davantage la capuche de mon sweat-shirt noir sur la tête. Il fallait que je me dépêche avant que le ciel décide de me verser des torrents sur la tête.

Depuis quelques jours, j'ai cette désagréable impression d'être surveillé. En même temps quelle idée idiote d'aller à pied à mon travail alors qu'il est près de 21h30. J'avais pris cette habitude il y a de cela 4 ans à mon arrivée dans cette nouvelle ville. Mon travail se trouve à moins d'un kilomètre de mon domicile, alors je préfère faire le trajet à pied, plutôt que de prendre ma voiture et de dépenser de l'argent inutilement en essence. La vie est déjà bien assez cher comme cela si vous voulez mon avis. Je préfère garder mes sous pour des choses plus essentielles, comme me nourrir par exemple. De plus je mettais de l'argent sur un compte d'épargne chaque mois, au cas où, on ne sait jamais quand je devrais repartir. Je dois avouer qu'il m'est déjà arrivé de prendre ma petite voiture pour aller au travail, les jours de pluie essentiellement, mais j'évite au maximum.

Mon pas devient encore plus rapide, courant presque, et j'arrive devant les portes de l'hôpital saint Vincent. Je m'engouffre à l'intérieur et laisse échapper un soupir de soulagement. J'adorais travailler la nuit, la plupart du temps, mais quand le ciel est aussi noir qu'en hiver et qu'il fait à peine 5°C, je me demande pourquoi j'ai accepté de travailler davantage à partir du crépuscule. Même si la réponse est simple: la nuit m'a toujours apaisé, j'adorais regarder les étoiles quand j'étais jeune et je m'imaginais souvent des histoires fantaisistes sur bases de vampires, loups-garous ou autres créatures surnaturelles. Complètement ridicule si vous voulez mon avis.

En plus, le travail de nuit est souvent moins étouffant, en tout cas à mes yeux. Mes patients sont souvent endormis. Je dois donc moins courir à travers les différentes chambres, j'avais plus le temps d'écouter ceux qui n'arrivaient pas, comme moi, à trouver le sommeil. J'écoutais leur histoire, leurs problèmes, et je les réconfortais comme je le pouvais. Parfois un simple geste, ma main sur leur épaule ou un petit mot d'encouragement, un conseil, et je pouvais voir un sourire revenir sur leur visage. J'avais l'impression de leur redonner un souffle de vie. Mon rôle d'infirmière m'a toujours comblé. Je ne m'étais jamais imaginé faire autre chose de ma vie. Je savais déjà très jeune, que je voulais faire ce métier. Pouvoir aider d'autres personnes, avait été mon rêve de petite fille. Mon père n'était pas d'accord avec cette idée, et m'a forcé à m'inscrire à une école d'économie pour pouvoir prendre la « relève » dans son entreprise. Comme s'il m'aurait laissé prendre les rênes de la société un jour. Je savais qu'il avait d'autres plans en tête pour moi, comme, probablement, un mariage arrangé avec un inconnu. Comment vous dire que cela a failli mal se terminer pour moi. Mais cela est une autre histoire qui se trouve dans le passé. Parfois il faut laisser ces souvenirs bien au fond de sa mémoire et ne plus les déterrer. Je ne voulais plus regarder derrière moi, et voir toute cette souffrance, ma vie d'avant. Je m'étais fixé comme objectif de vivre mon existence avec entrain, et de rester optimiste, de sourire.

Je monte les marches menant au service de réanimation pédiatrique. Ce travail me permettait de m'évader l'espace de 8h, de ne plus penser à mes problèmes. Comme je travaillais essentiellement de nuit, j'avais donc davantage de temps durant la journée. Je les occupais avec diverses activités, comme la bibliothèque ou des cours de langues que je donnais à des enfants. Ma vie était bien remplie et je n'avais pas franchement le temps de m'ennuyer, mais il me manquait depuis toujours une partie de moi, comme si mon âme n'était pas entière. C'était ridicule, comment une partie de son âme pourrait-elle manquer... et pourtant je n'arrivais pas à combler ce vide en moi.

Je salue ma collègue dans la cuisine du service et part me changer. Je m'habille de mon uniforme bleu nuit à manches courtes, pince mon badge sur la poche du dessus, et enfile des baskets roses sans lacets. Les enfants adoraient mes chaussures, elles étaient étincelantes, voyantes, sans doute trop pour certains, mais j'adorais voir le regard d'un enfant s'allumer quand je les portais. Ne me demandez pas pourquoi elles ont cet effet-là, mais ça marche, surtout sur les plus jeunes et les filles. Je finis par prendre une veste vert claire au cas où la nuit serait trop froide, et pars motiver pour ma longue nuit de service.

En buvant mon thé à la camomille, j'écoute ma collègue faire son rapport de l'après-midi: l'un de mes patients avait fait une embolie pulmonaire, et un autre c'était enfermé dans les toilettes et avait essayé de ce suicidé. Le plus grand problème en pédiatrie, c'est qu'on a des patients allant de 1 à 17 ans. Leur façon de voir la vie est complètement différente et il fallait s'adapter à chacun. Je prenais souvent les enfants plus âgés en charge, arrivant davantage à les comprendre que les plus jeunes. Ne me comprenez pas mal, j'adorais les tout petits, mais la communication était plus difficile. Ils se faisaient comprendre par des cris, et des larmes. Il faut les rassurer, et dans cette tâche j'avais des collègues qui s'en sortaient beaucoup mieux. J'avais donc hérité de ma petite réputation auprès des enfants de 10 à 17 ans que je prenais en charge. Il m'appelait « l'ange rose », à cause de mes chaussures j'imagine. Pour le côté ange, je comprends pas vraiment d'où cela leur vient, mais si cela peut leur redonner le sourire, j'accepterai volontiers n'importe quel surnom.

Après les transmissions, je finis ma boisson chaude, prend ma feuille de notes et me prépare à une longue nuit de travail.

Meute Rainblood: La légende des bêtasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant