57. À tous les sacrifices

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Je sors par la porte arrière de la maison pour jeter tous les déchets organiques dans la baigne prévue à cet effet. J'avais lu ça dans un livre, cela s'appelait du composte et cela pouvait être réutilisé dans le jardinage. 
Ce genre du truc qui prend des années avait d'être vraiment rentable, ce qui était le cas désormais. Mes fleurs et mon potager prospéraient à merveille et la météo n'était pas encore trop mauvaise. 

J'entendais les rires d'Eddie au devant du jardin. Et rien que ça, me donnait du baume au cœur. 

J'avançais pour le rejoindre. Attaquée par le soleil exposé en plein sur le devant de la maison, je redresse mon chapeau. Eduard se balançait en dessous du pommier. Je tourne la tête et vis son père assis sur le petit banc en bois, contre le mur de la maison. La jambe droite croisée devant lui, il lisait un livre en levant de temps en temps le regard sur Eddie. 

Cela faisait une semaine que Livai était revenu. Une semaine où je me pinçais tous les matins quand je me réveillais à côté de lui, sans y croire. 

Eduard aussi. Il était tellement heureux, un peu plus rayonnant chaque jour en voyant son père. Je crois que le noiraud n'était pas habitué à autant d'affection d'un coup mais... ne s'en plaignait pas. 

Je m'assois à côté de lui et regarde sa lecture. Rien de bien instructif, c'était les cahiers d'école d'Eddie. Il apprenait à écrire chaque lettre de l'alphabet. 

- Tu sais... Il y a plein d'autres livres bien plus intéressant dans la bibliothèque. J'en ai acheté pendant... que tu n'étais pas là. 

- Il sait déjà écrire, enchaîna Livai en feuilletant les pages! Il va avoir à peine quatre ans. 

Déconcertée, je ne savais pas si c'était un reproche de sa part. Je répondis un simple "oui" interrogatif. 

- Tes parents t'ont appris aussi tôt à écrire, répliqua le noiraud en se tournant vers moi? 

- Non... Mais tu sais, Eddie est un garçon très curieux et intelligent. Il m'a déjà vu écrire et il a voulu apprendre. Je n'allais pas lui dire non. Je ne voulais pas qu'il soit dépaysé même si nous vivions reclus.  

- Hum...

Livai sembla réfléchir en parcourant les pages où était écrit "Eduard Philémon Ackerman" sur plusieurs lignes. Je lui vole le cahier des mains pour lui montrer quelque chose. 

- Regarde... Il sait aussi écrire ton prénom. 

Livai resta interdit quelques secondes avant de lever un regard lourd sur moi. Puis il regarda à travers la fenêtre, le séjour de la maison. 

- Tu t'es... occupée d'Eddie mieux que je ne l'aurai imaginé. Cette maison a tellement changé depuis que je suis parti. 

- Mieux que tu ne l'aurais imaginé? Tu t'attendais à quoi? Avant d'apprendre à être une soldate, j'ai été éduquée, tu sais... Peut-être pas à la perfection, ni avec les bonnes... méthodes. Et puis... il n'y a pas un manuel complet qui t'explique comment éduquer un enfant. Je n'ai pas eu vraiment le choix...

- On ne va pas revenir là dessus, souffla Livai en refermant le livre. 

En fait, j'avais envie de reprocher mille et unes à Livai... ou même à la terre entière. Mais il y avait cette barrière, ce sentiment qui me retenait de tout dire parce que je savais, qu'au fond, Livai avait dû vivre bien pire pendant cette guerre. Je n'avais pas le droit de me plaindre. Je l'avais déjà trop fait avant son départ. 

- Si ce choix était à refaire... je serais restée avec Eduard, lâchais-je en détournant le regard. 

Ce n'était pas à la faute de Livai. C'était juste les horreurs de notre monde qui m'empêchaient d'avoir une vie normale. 

L'histoire d'une soldate [Livai x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant