1. Hae Won

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Je sais pas si j'ai déjà vraiment aimé la danse. Mais genre, vraiment vraiment. Je me souviens juste qu'un jour mon père m'a demandé si je voulais me faire un peu d'argent de poche. J'ai dis oui parce que c'est toujours assez ric-rac les fins de mois avec les sorties ciné et les bouffes à la fac et c'est comme ça que je me suis retrouvée à devoir suer sang et eau dans une troupe de danseuses pour la SM.

Mon père est chorégraphe là-bas et je me débrouille pas trop mal pour bouger mes fesses, il va sans dire que je suis passée pour un cul béni à faire mes débuts dans une telle agence sans avoir eu à passer un milliard de castings et de conneries dans le genre. Mais bon, ça me fout une peu mal quand même parfois : je peux pas m'empêcher de me dire qu'il y a des nanas probablement mille fois plus talentueuses qui rêveraient d'être à ma place et qui triment comme des folles pour y parvenir. C'est leur passion quoi, c'est normal. Alors que moi... Bah c'est pas du tout le truc que je kiffe le plus au monde. Je suis là parce que je peux me faire un peu de flouz, que ça m'évite de devoir faire un sport plus chiant pour garder la ligne (comme courir, je déteste courir) et parce que ça fait plaisir à mon père. Et si il est content, il me fait pas chier.

Mon vrai trip, en réalité, c'est le management. Diriger les autres, ça c'est mon délire. J'ai quatre grands frères qui ressemblent plus à des tamagochis dont il faut tout le temps s'occuper qu'à des humains, alors j'ai pas peur de pousser des gueulantes même sur les personnes plus âgées que moi. Je suis en seconde année de management et mes professeurs m'ont plusieurs fois félicitée pour mon autorité naturelle. Tu parles. Naturelle, si seulement ils voyaient avec quelle bande de crétins je vis depuis que je suis née, ils comprendraient rapidos que c'est pas si inné que ça. C'est plutôt ce que j'appellerai de l'autodéfense ou de l'instinct de survie, au choix. Merde. Les cours, ça me fait penser qu'il va bientôt falloir que je me cherche un stage pour l'été. Je suis déjà hyper à la bourre dans mon planning, il va falloir que je me donne un méchant coup de pression si je veux pas me retrouver comme une conne à glander dans le service après vente du premier bouiboui du coin.

Je soupire en me redressant sur le banc très inconfortable où je suis installée depuis une bonne vingtaine de minutes. Vingt minutes que je poirote, à attendre que le reste de la troupe arrive à son tour pour commencer les entraînements. Papa m'a encore fait une sale feinte en me donnant la mauvaise heure pour être sûr que je sois là à temps pour la séance du jour. D'un côté, je peux le comprendre parce qu'avec avec mes frangins qui sont constamment à la bourre, il a de quoi se méfier du rapport de sa progéniture avec l'heure. Le plus vieux de mes frères, Chung Su, a quand même réussi à rater la naissance de son propre bébé parce qu'il s'était endormi dans la salle d'attente. Donc autant dire que le padre, il prend les devants. Mais moi, je suis pas mes frères. Moi je suis toujours à l'heure. Et ça me gonfle d'être aussi consciencieuse dans cette famille de débiles profonds pas foutus d'être ponctuels.

Je regarde une fois de plus ma montre et décide de me lever pour aller chercher un café. Il est déjà 21 heures et ma journée de cours m'a complètement flinguée. Faut que je prenne de quoi combattre mon p'tit coup de mou sinon je vais finir par pioncer sur le parquet ultra ciré de la salle de danse. Je m'étire en marchant jusqu'à la machine à café et m'arrête devant en soupirant. Putain, fallait qu'elle soit en panne ce soir cette saleté. Je passe une main sur mon visage en grognant. Est-ce que j'ai vraiment le courage de monter à l'étage du dessus juste pour un petit expresso bien serré ? Mes yeux qui piquent me répondent que oui et finalement je me dirige vers l'ascenseur en traînant des pieds.

Dans mon malheur, j'ai quand même du bol parce que y'a pas un rat. C'est même assez surprenant. Soit il y a une maxi réunion, soit tout le monde a eu la bonne idée d'aller dormir ou manger un bout. Ou un mélange des deux. Un cling sonore m'annonce que je suis arrivée à destination et je prends la direction du distributeur de boissons chaudes. Mais une fois devant, je m'immobilise : il y a déjà quelqu'un qui commande un truc. Je retiens un soupir d'agacement et j'attends. J'attends. J'attends toujours. Putain mais c'est qui cet attardé qui prend 15 ans pour se décider entre un chocolat, un expresso et un cappuccino ? Un peu sur les dents, je m'approche du bonhomme qui est toujours figé devant la machine et lui tapote l'épaule en lui demandant avec tout le self control que j'ai en magasin :

Indomptable [EXO - Lay]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant