Chapitre XXXIII

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L'après-midi passa lentement pour le roux qui ne supportait plus la lenteur avec laquelle s'écoulait le temps. Il n'en pouvait plus. Chaque soir il se couchait épuisé par ses crises de larmes quotidiennes. Chaque nuit il rêvait de ses bras. Et chaque matin ils se réveillait en pleurs, mal à l'aise dans son corps, trop à l'étroit dans sa peau.

Et chaque matin il trouvait la force de se lever grâce à la seule promesse qu'il s'était faite. Pouvoir le revoir sourire. Juste une fois.

Tartaglia était arrivé en avance au restaurant, réservant la salle privée qu'ils prenaient habituellement. Paimon entra la première, toute contente de pouvoir bien manger, parce que même si la cuisine du voyageur était excellente, elle commençait à en avoir marre des poulets aux fleurs sucrantes et des croquettes de pommes de terre monsdatoises. Aether la suivit tout en parlant avec quelqu'un distraitement.

Le cœur de Tartaglia se mit à battre de plus en plus vite. Son cerveau faisait des saltos arrière, il voulait que ce soit lui.

Mais il ne vit jamais ses longs cheveux bruns, ses magnifiques yeux ambre et encore moins ses larges épaules ou son air impassible.

A la place qu'il aurait dû occuper dans ses rêves se tenait Xingqiu qui bavardait gaiment avec le voyageur.

Le repas se passa dans le calme et la bonne humeur, les quatre amis partageant un bon repas. Il avait passé une bonne soirée, mais ce n'était ce à quoi il s'était attendu.

Tartaglia était exténué. Dès qu'il arriva dans son appartement il s'écroula dans son lit. La journée avait été longue et il avait l'impression que tout le poids du monde pesait sur ses épaules. Il n'avait qu'une hâte, que ça se finisse. Il le sentait, la fin était pour bientôt.

***

Il s'était détesté pour n'avoir pas le choix mais il avait manipulé le voyageur, seulement pour obtenir la location de l'Exuvia, la fausse dépouille de son amant.

Pendant ce temps, Zhongli faisait faire le tour de tout Liyue à Aether et Paimon pour faire son propre deuil. Quand il rentrait à la maison, il aidait Teucer à faire le repas et il mettait la table. Il mangeait avec le petit garçon tout en discutant et ils allaient se coucher. Rien ne venait perturber la petite routine qui s'était installée si ce n'est les insomnies de Zhongli qui avait décidé de revenir le hanter.

Aether avait bientôt terminé de réunir tous les ingrédients pour le rituel de l'aurevoir. Il apporta sa dernière contribution, des lys glacés en l'occurrence et sous les conseils de Ningguang il se dirigea vers la maison dorée pour vérifier la sécurité de l'Exuvia. Lui non plus ne faisait pas confiance aux fatuis. Et à vrai dire, Tartaglia ne se ferait même pas confiance à lui-même s'il était à la place du voyageur.

Cela faisait bien une demi-heure que le 11ème exécuteur des fatuis se trouvait dans l'endroit où étaient fabriqués les moras. Il avait été surpris dans un premier temps par le luxe présent. Puis il avait été happé par ce qui semblait être la copie exacte et inanimé du vaisseau qui permettait au souverain de la roche de rencontrer ses sujets. Il avait été frappé par la beauté et la grâce du dragon qui gisait devant lui.

Les larmes étaient venues toutes seules. Il avait réussi à les refouler mais sa détresse n'avait fait qu'augmenter. Il voulait juste tout abandonner, partir loin, très loin juste avec Zhongli et Teucer, refaire sa vie, passer son temps à aimer le brun et à chérir le petit roux.

Il s'agenouilla doucement devant la majestueuse dépouille, comme pour prier. Il ferma les yeux, joignit ses mains et répéta en boucle dans sa tête son souhait le plus cher, comme un mantra.

« Faites qu'il soit heureux »

Bien sûr il savait que c'était vain, que ce n'était qu'un assemblement de chair et d'os -et encore il n'en était même pas sur- mais il voulait y croire. Voulait croire au futur, il voulait croire aux lendemains.

Il se releva et posa sa main contre la vitre froide qui le separait de la créature irréelle qui flottait. Le dragon ressemblait tellement à Zhongli et son cœur saignait des torrents depuis leur séparation. Il voulait sincèrement changer, il se revoyait sombrer dans les abimes à 14 ans. Ils se revoyait, le cœur déchiré par un premier amour, céder aux délices de la violence. Il se revoyait se jeter à bras ouverts dans une vie de malheur, de désespoir -autant que pour lui que pour les autres- et de solitude. Et aujourd'hui, par tous les Archons, qu'est-ce qu'il regrettait...

Une larme coula sur sa joue, solitaire. La seule larme qu'il s'était autorisé en public depuis bien longtemps.

Des bruits de pas précipités se firent d'un coup entendre et Tartaglia paniqua. Il brisa la dernière barrière qui le séparait de l'Exuvia et approcha sa main de sa poitrine pour essayer d'attraper un gnosis inexistant.

Le voyageur fit irruption et il joua la comédie, faisait semblant de se rendre compte que c'était une fausse dépouille et que tout ceci n'était qu'une machination.

Le reste s'enchaina très vite, Aether le battit à plate couture et s'en alla sans un regard en arrière pour aller secourir la cité du commerce qui se retrouvait confrontée au dieu antique qu'il avait libéré.

Tartaglia était blessé, au ventre et à la jambe. Il se traina laborieusement contre un poteau qui soutenait le plafond de la maison dorée. Et ses nerfs craquèrent. Il n'en pouvait plus. Un rire hystérique sortit de sa gorge et comme revigoré par une force invisible il trouva la force de panser ses blessures de façon rudimentaire.

L'adrénaline coulait toujours dans ses veines, elle avait toujours eu un effet réconfortant, comme si pour une fois toutes ses pensées étaient claires, comme si toutes les voix qui bourdonnaient dans sa tête s'unissait et son corps agissait tout seul. Il se leva et marcha douloureusement pour contempler le désastre qu'il avait provoqué.

La chambre de jade s'avançait courageusement vers Osial, défiant le dieu. Toute la troupe du voyageur mené par une main de fer par Ningguang suait sang et eau pour défendre la cité du commerce. Et pour la première fois depuis des années Tartaglia regretta d'être venu contempler ce qu'il avait égoïstement provoqué. Ses jambes étaient faibles et l'adrénaline avait cessé de circuler dans son sang depuis quelques minutes, il commençait à ressentir les effets de son absence. Osial venait d'être vaincu et Shenhe affrontait maintenant sa femme aux côtés du voyageur.

Il décida de se trainer à la banque du nord, histoire du soigner correctement ses blessures pour éviter de chopper une infections -ce serait dommage de mourir avant d'avoir pu dire au revoir à Zhongli.

Il poussa la grande et lourde porte en bois dans un gémissement de douleur et tomba sur les personnes qu'il s'attendait le moins à trouver là.

Zhongli et Signora.

Anyway - zhongchiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant