62. Jamais un sans deux

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- Violet, j'ai une bonne nouvelle à t'annoncer, minaude Edith en levant la tête de ses papiers. Tu es enceinte! 

Je tombe dénue face au regard enjoué criblé de tâches de rousseurs en face de moi. Silencieuse, assise sur le canapé dans le salon de mes voisines. Pour peu, j'aurai pu faire tomber la tasse de thé qu'elle m'avait offerte en nous installant dans celui-ci. Je n'étais pas vraiment venue pour entendre ce genre de grande nouvelle. Une simple petite visite amicale soupoudré d'un examen médical menstruel. Devant mon mutisme, le sourire de la médecin se fana:

- Oh, je suis désolée, rectifia Edith. Je pensais que cette nouvelle t'aurait fait plaisir. Pardon d'avoir été impolie...

- F...fait plaisir, répétais-je en posant la tasse trop à risque dans mes mains? Oh, bon sang... 

Je soutenais ma tête, devenue trop lourde, avec mon coude. Bien évidemment, je n'étais pas prête à entendre cela même s'il aurait été hypocrite de penser que c'était inconcevable.
Mon époux et moi n'étions plus platoniques depuis un bon moment, pour être tout à fait honnête. Certains diraient même que nous l'avions un peu cherché. Enfin, non. Il n'a jamais été question que je retombe enceinte, ni à l'envie d'un deuxième enfant. 
Je n'ai pas pris immédiatement conscience de mon état physique, comme si cet enfant simplement allait atterrir dans mes bras. La grossesse me semblait superflue. 

J'ai simplement rassurée Edith et je suis rentrée chez moi. En observant les pavés de la route, j'étais pensative, mélangée entre deux émotions fortes. Je réalisais que j'étais assez... heureuse de la nouvelle. Devenir mère avait été une révélation pour moi: j'adorais Eduard du plus profond de mon être. La première fois que je l'ai, minuscule et tout rouge dans mes bras, quelque chose d'incroyable s'est produit dans mon cerveau.
Ma première grossesse s'était déroulée dans des conditions peu propices mais... maintenant, il n'y avait plus de danger. Nous avions une maison, un foyer et un train de vie tranquille et confortable. Il n'y avait aucune excuse pour rejeter cette nouvelle avec amèrement.

Si ce n'est... Livai, justement. Outre la situation avec Eduard, mon mari ne voulait assurément pas d'enfants depuis le début de notre relation. Evidemment, sans avoir vraiment le choix, il a accepté notre fils mais un nouvel enfant sous les bras était une autre histoire. Je ne savais pas à quoi m'attendre avec lui, ni comment il allait réagir. 

Malgré moi, j'étais terriblement inquiète et incapable de sourire sincèrement. Dès que je passai le pas de la porte, Livai remarqua ma peine mais j'esquivai le sujet avec délicatesse. Je ne savais absolument pas comment l'aborder. Il est tellement difficile de savoir s'il est dans un de ses mauvais jours. 
Peut-être que devrait juste ignorer ce "détail" et attendre qu'il s'en rende compte par lui-même.  

Ce n'est qu'après le repas et Eduard couché, qu'il m'a confronté plus sévèrement. Dans un sens, cela m'a rassuré: autrefois, lorsque l'un de nous se sentait mal, l'autre attendait que l'évènement passe, trop mal à l'aise pour demander. Cette distance s'est heureusement amoindrie mais m'empêchait quand même de lui annoncer la nouvelle. 

- Tu vas me dire ce qu'il ne va pas? J'ai fait quelque chose de mal? Rouspète Livai quand je suis ressortie de la cuisine. 

Son ton était bas pour ne pas réveiller ni inquiéter Eddie qui détestait qu'on se dispute. Mais il était impossible d'ignorer son regard orageux. Il était assis négligemment sur l'accoudoir du canapé, quelque chose qu'il m'interdit de faire pour ne pas l'abîmer. 
Je me racle la gorge et feins mon plus beau sourire. 

- N...non, pas du tout. Tu veux du thé? 

Je me retournai presqu'aussitôt mais il me retint avec son teint de voix glacial. Il n'était clairement pas de bonne humeur pour que je lui parle de ce "détail". 

L'histoire d'une soldate [Livai x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant