Chapitre 32 : Résignation et peine

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Les jours suivants avaient l'air d'un cauchemar éveillé. Ariane et Gabriel oscillaient entre le travail et les réponses aux journalistes. Il était certain qu'aucun couple n'était jamais autant sorti qu'eux en l'espace d'une semaine.

Pour faire bonne figure, la mère d'Ariane les avait forcé à aller au restaurant, à des expositions et à faire des apparitions dans la rue.

Ce petit manège devait prouver au monde entier que le couple Connor était fort et au mieux de sa forme.

La réalité était toute autre.

Ariane et Gabriel n'arrivaient même plus à discuter entre eux en privé. Ils faisaient l'autruche avec une telle application qu'ils en arrivaient parfois à découvrir l'existence de l'autre.

Le souvenir de la nuit qu'ils avaient partagé restait ancré dans leur mémoire, comme un doux songe. Cela semblait tellement loin... Tellement agréable...

À neuf heures, Ariane se présenta à l'entrée de la banque. Une longue journée de travail l'attendait. Tous les groupes pétroliers étaient désormais frileux et demandaient à consulter encore et encore les prévisions. Des experts avaient été mandatés afin d'étudier les projets et garantir une certaine neutralité dans les rapports. L'avant dernier étage était donc encombré au possible.

La jeune femme ne fut pas de meilleure humeur lorsqu'elle vit la montagne de message sur son téléphone professionnel. Pire, on l'appela pour lui indiquer un rendez-vous imprévu.

Lasse, Ariane enfila ses escarpins et fit mine d'être occupée le temps que son rendez-vous arrive. Ce ne fut pas sans surprise qu'elle vit Michael Hunter entrer dans son bureau.

— Monsieur Hunter ? Je ne m'attendais pas à vous voir.

C'était un euphémisme.

Le vieux requin lui décocha un regard en coin et ferma la porte.

— Auriez-vous l'amabilité d'actionner votre mécanisme de floutage ? J'ai à vous parler et je préfère éviter les commérages.

Il pointa délibérément du doigt une assistante un peu trop curieuse.

Ariane hocha la tête et appuya sur le bouton situé sur son bureau. Instantanément, ils se retrouvèrent dans une bulle grisatre.

— Bien. Je me demandais quand est-ce que j'aurais l'opportunité de vous féliciter. Un mariage de business, rien que ça ? Je ne pensais pas votre famille si calculatrice.

La jeune femme allait démentir avec fermeté lorsqu'il l'arrêta d'une main.

— Ne vous fatiguez pas. Je sais que ce contrat est un vrai.

Ariane serra les poings. Bien, mettons de côté les artifices.

— Qu'est-ce que vous me voulez ?

Michael rit ostensiblement.

— Ce que moi je veux ? Mais ma chère, c'est vous qui allez avoir besoin de moi dans les minutes qui vont suivre.

— Moi ? angoissa Ariane. Que voulez-vous dire ?

Le chef de la famille Hunter s'installa plus confortablement et regarda sa montre. Il fit une petite moue et reporta à nouveau son attention sur la brune.

— Dans exactement cinq minutes, des articles de presse déferleront sur internet avec des extraits de votre contrat de mariage et de vos échanges pendant les négociations. Vous ne pourrez plus démentir, désormais.

Ariane était sur le point de vomir.

— Pourquoi est-ce que vous faites ça ? Qu'est-ce que vous avez à y gagner ?

— Beaucoup, contrairement à ce que vous pensez. Voyez-vous, la première fuite vient de mon imbécile de fils. C'est lui qui a réussi à récupérer le contrat dans vos archives. Luke pense que si vous êtes forcé de divorcer, vous tomberez dans ses bras à la première occasion.

— C'est complètement absurde, s'indigna Ariane. Je suis fidèle à mon mari et à ma famille ! Jamais je ne ferai une chose pareille.

Michael s'esclaffa.

— Moi je le sais. Pas lui. Cet idiot n'a pas assez de jugeote pour simplement attendre son heure. Il a fait son enquête sous mon nez et aujourd'hui, je viens vous proposer mon aide.

Luke... Comment avait-il pu en arriver à une telle extrémité ? Tout ça pour une rivalité vieille de plusieurs décennies !

La colère enflait en elle aussi rapidement que la lave dans un volcan. Elle dut se faire violence pour garder son calme et réfléchir.

— Vous détestez les Connor. Pourquoi me venir en aide ?

— Parce que malgré votre nom de famille, je vous estime, Ariane. Je vous l'ai dit lors du gala, nous pouvons accomplir de grandes choses ensemble.

Ariane se leva et se servit un verre d'eau. Elle allait perdre pieds.

— Je ne vous apporte rien, Michael. Vous voulez simplement avoir le plaisir de donner le coup de grâce.

— Au contraire. Je peux démentir avec force les propos de mon fils et sauver ainsi l'honneur de votre famille. Je pèse mon poids dans le monde des affaires, Ariane. Si vous vous rangez de mon côté, cette sombre histoire peut être derrière vous en quelques heures.

Ariane allait lui répondre lorsque son téléphone portable se mit à vibrer frénétiquement. Elle le prit prudemment dans ses mains et retint un gémissement d'horreur face au nombre de fois où son nom était mentionné sur les réseaux sociaux. Les articles étaient sortis. Sa descente continuait inexorablement.

— Alors ? Vous n'avez qu'un mot à dire pour que j'appelle mes contacts et que j'enterre toute cette histoire.

La brune le dévisagea longuement. Elle prenait peu à peu la mesure de son choix. C'était détestable mais si elle voulait protéger sa famille, elle n'avait pas d'autres options.

— Vous me garantissez que Gabriel sera lui aussi épargné ? Ainsi que le groupe Connor ?

Michael se leva et posa une main sur son thorax.

— Je vous le jure.

Elle avait beau réfléchir, Ariane ne voyait aucune autre solution. C'était ça ou affronter le scandale jusqu'à la fin.

— D'accord. J'accepte.

Michael lui tendit la main, qu'elle serra avec résignation.

— Parfait. Vous commencez lundi à neuf heures. La RH vous contactera dans la journée pour les formalités.

Le téléphone à l'oreille, il prit le temps de lui adresser un clin d'oeil avant de quitter les lieux.

Pour une fois, Ariane fut bien heureuse de la présence du mécanisme de floutage. Elle n'aurait pas apprécié que ses collègues puissent voir le torrent qui se déversait de ses yeux hagards.

Le soir même, sa lettre de démission fut déposée sur le bureau de son père.

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