Doux sacrifice

Chapitre 39 : Déjeuner et Décision

Deux jours plus tard, Ariane sentit le ciel lui tomber sur la tête. Gabriel devait repartir aux Etats-Unis. Un accident était survenu sur l'un des terrains d'exploitation de pétrole appartenant à la famille Connor. Son père et lui devaient partir en réunion de crise et faire un communiqué de presse sur la situation.

Ariane eut à peine le temps de lui dire au revoir qu'il était déjà dans l'avion.

Elle se retrouva toute seule dans son appartement, sans même savoir s'il allait rapidement revenir. Elle ne pensait pas le vivre aussi vite.

Pour autant, elle se trouva sur le chemin du travail comme les autres jours, à ignorer les journalistes. Elle mit le son à fond dans sa voiture et se laissa porter dans le trafic parisien.

Une fois garée dans le parking, Ariane entra dans la tour de la Hunter Company. Le service des traders était en effervescence suite à l'accident. Ils étaient déjà sur le pont depuis des heures. Elle était bien contente de ne pas y travailler.

Finalement, la brune sortit de l'ascenseur à l'étage du service juridique et posa ses affaires sur son bureau. Elle soupira en y découvrant la pile de dossiers qui l'attendait. Au moins, elle n'aurait pas le temps de penser à Gabriel ni à Damien.

Enfin c'est ce qu'elle croyait.

Elle vit Luke arriver au loin. Elle mit immédiatement son casque et appela son premier rendez-vous de la journée.

Le fils Hunter haussa un sourcil puis posa un papier à côté d'elle. Il lui fit signe de la rappeler.

Ariane l'ignora royalement et se lança à corps perdu dans son travail.

Vers treize heures, elle retira enfin son casque. Elle avait réussi à mener à bien ses différents rendez-vous. La pile de dossiers avait largement diminué. Il était temps pour elle de partir en pause déjeuner.

Alors qu'elle sortait son portefeuille, elle reçut un mail de la part de Gabriel. Il contenait un lien URL vers un article de magazine people et cette simple phrase : "Tu t'en occupes maintenant.".

Un clic plus tard et elle vit apparaître en gros titre "Les révélations du bras droit de l'influent Christian Strauss : la vérité sur le mariage des héritiers Strauss et Connor."

Oh bon sang.

C'était un cauchemar.

Ariane prit ses affaires en quelques secondes et se précipita dans les ascenseurs. Elle fonça tête baissée dans la cohue du hall et se dirigea vers la Tour de la Banque Strauss. Elle était assiégée par les journalistes mais elle réussit à se frayer un chemin grâce aux agents de sécurité qui la reconnurent.

Elle gravit rapidement les étages à l'aide des ascenseurs et se retrouva au dernier étage. Un silence glacial régnait mais celui-ci n'apaisa en rien sa colère.

Le bureau de Damien était gardé par deux agents de sécurité. Son père se trouvait à l'intérieur avec son bras droit. Ce dernier faisait ses cartons.

Ariane entra à son tour sous le regard surpris de son père. Elle se planta devant celui qu'elle croyait être son ami.

— Tu as osé ? Même après la discussion que l'on a eu ? Je t'ai laissé l'occasion de tout révéler dans la discrétion !

Christian Strauss ricana avec amertume. Lui aussi s'était trompé sur le compte du jeune homme. Il avait eu tellement confiance en lui... Il regrettait que sa fille se soit attachée à cette ordure.

Damien releva la tête puis la dévisagea longuement. Il avait des cernes immenses et semblait au supplice.

— Oui, j'ai osé ! Tu m'as fait comprendre qu'il ne servait plus à rien de prendre mon temps et d'opérer discrètement. Après tout, cette enflure a déjà eu l'occasion de te sauter. Au moins maintenant, tu n'as plus le choix.

Le père d'Ariane sursauta. Avait-il bien compris ?!

— Ariane ? Tu...

La jeune femme secoua la tête. Elle n'en revenait pas.

— Ce n'est pas le sujet, papa. Il faut qu'on contrôle tout de suite la situation. Les Connor m'ont laissé une chance. Je n'en aurais pas une deuxième.

Elle se souvenait parfaitement du regard froid de ses beaux-parents. Ariane ne voulait pas le revivre. Elle tenait à cette famille et plus sa relation avec son mari progressait, moins elle avait envie que tout cela finisse.

Le téléphone de Christian sonna, laissant les deux autres seuls.

— Ari, tu dois comprendre que j'ai fait ça pour ton bien. Tu ne peux pas rester dans cette illusion.

Pendant un court instant, une fraction de seconde même, la raison déserta son esprit et son corps. Elle se précipita sur Damien et lui asséna une gifle si forte qu'il tituba. Sa joue prit tout de suite une teinte écarlate.

Les gardes du corps se regardèrent un instant. Ils n'avaient jamais vu la fille du patron aussi en rogne. Fallait-il intervenir ? L'un d'eux secoua la tête. Ce n'était pas leurs oignons. Une bonne gifle ferait du bien à l'égo de ce rouquin de malheur. De sa faute, ils faisaient des heures supplémentaires.

Les yeux pleins de larmes, Ariane pointa un index rageur sur sa poitrine. L'homme était hébété.

— Je vais réparer ton bordel mais je te jure, je n'ai plus intérêt à croiser ta sale tête de traître. Sinon, ça en est fini de toi. Est-ce que j'ai été claire ?

Damien hocha mollement la tête. C'était limpide.

La menace lancée, Ariane quitta le bureau puis partit à la recherche de son père. Son coeur tambourinait violemment dans sa poitrine. La douleur lui coupait presque la respiration. Elle ne parvenait pas à l'assimiler, à le digérer.

Tout au long de sa vie étudiante et dans les débuts de sa vie professionnelle, elle avait pu compter sur la présence de ce bras droit si essentiel à ses yeux. Aujourd'hui, il l'avait trahi de la pire des façons et elle se retrouvait comme amputée d'une jambe ou d'un bras. C'était trop, même pour elle.

Sa main chassa une larme sur sa joue. Il fallait se blinder, maintenant.

Christian Strauss faisait les cent pas dans son bureau. L'appel à ses avocats avait été un réel désastre et l'étage des commerciaux commençait déjà à ressembler à une douce cacophonie.

Le contrôle de la situation lui échappait. Ce n'était plus seulement ce fichu contrat qui était en péril mais son empire lui-même. Ses investisseurs et clients percevaient cette manœuvre comme une manipulation et un mensonge. Ils avaient passé l'éponge sur les premières révélations, surtout lorsqu'ils avaient su que cela provenait de la famille Hunter.

Aujourd'hui, l'information venait de son propre clan. C'était presque impossible à parer.

Sa fille entra, pleine de détermination.

— Qu'est-ce qu'on fait ? Quelle est ta stratégie ?

— Avouer.

Ariane écarquilla les yeux.

— Tu n'y penses pas ! Ce serait réduire à néant nos efforts.

— J'en ai conscience, Ariane. Mais l'information vient de nos propres murs. Cela fait deux fois que le sujet nous tombe dessus comme un raz-de-marée. La banque commence à en pâtir également. Nous devons faire face.

— Alors, tu...

Christian vit la douleur dans les yeux de son enfant. Cela confirmait ce que Damien avait avoué. Gabriel et elle entretenaient une sorte de relation. Il fallait arrêter les frais tout de suite.

— Vous allez divorcer. Sans tarder. Mes avocats vont vous transmettre les documents dans la journée.