Duncan

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Je remonte l'escalier et m'arrête sur le seuil de la porte. Je me tiens dans l'embrasure et l'observe discrètement, c'est plus fort que moi. Elle est tellement concentrée sur ce qu'elle fait qu'elle ne sens pas ma présence.

J'en profite pour la regarder encore quelques instants. Ses courbes sont d'une telle volupté que j'imagine mes mains les parcourir délicatement. Son pantalon en velours lui moule joliment les fesses et quand elle se hisse sur la pointe des pieds pour attraper un livre sur l'étagère du haut, son pull se relève légèrement et j'ai le temps d'apercevoir la cambrure de ses reins. Je rougis, je le sens.

Elle se tourne alors et m'aperçoit. Je vois dans son regard une lueur malicieuse et son sourire mutin me rend toutes choses. Je suis encore troublée, c'est ratée pour rester de marbre. Je reprends mes esprits et entre dans la pièce. Elle va finir par m'achever, ça c'est sûr!

Je pose le plateau sur la table basse et m'installe sur le canapé. Annabelle me rejoint, le livre à la main:

- Regardez ce que j'ai trouvé, me dit-elle en me tendant un vieux livre avec une couverture qui semble être en cuir.

Elle s'assoit près de moi et poursuit :

- La couverture en cuir rouge est encore bien conservée, c'est magnifique.

Elle le retourne dans tous les sens et semble fascinée. Je la regarde du coin de l'œil. J'aimerais tellement être passionné comme elle. Je me demande à quel moment j'ai cessé de m'émerveiller.

Je me perds dans mes pensées et me dit que mon travail, qui me prend tellement d'énergie,  m'empêche de faire d'autres activités. D'ailleurs, je me demande vraiment si mon travail m'épanouie. Traiter des dossiers à longueur de journée n'a rien de passionnant. Je suis excellent dans ce que je fais mais est-ce que ça me plaît vraiment? Je suis sortie de mon monologue intérieur par Annabelle qui a posé une main sur mon bras.

- Duncan?

- Oui pardon, je lui réponds, vous disiez?

- Ce livre est très beau mais n'a malheureusement aucune valeur.

Je soupire et lui sourit. Tout en lui tendant sa tasse de thé, je réponds : 

- Au fond, je ne pense pas qu'il y ait grand chose à tirer de cette bibliothèque.

- Ne perdez pas espoir, il y a peut-être une merveille au fin fond de ces étagères, au pire, poursuit-elle tout en remuant délicatement le sucre qu'elle a versé dans sa tasse, ces livres ont une valeur sentimentale et je pense que c'est la chose la plus rare et précieuse qu'on puisse avoir.

À ces paroles, mon cœur se sert à nouveau dans ma poitrine. Je plisse le front comme à chaque fois que je suis contrarié. Annabelle me regarde d'un air interrogateur.

- Je suis désolée, me dit-elle, j'ai supposé que cette bibliothèque avait une valeur sentimentale pour vous.

- Vous avez supposé à tort, je lui réponds sur un ton un peu trop sec à mon goût.

Je vois que ma remarque l'a piqué. Elle pince ses lèvres et je me sens coupable.
Après un court silence un peu gênant je reprends.

- Excusez-moi, je ne voulais pas vous répondre sur ce ton, c'est un sujet un peu sensible pour moi.

Je la regarde et aperçois tellement de bienveillance dans son regard que je me sens rempli d'une énergie nouvelle.
Je me lève du canapé et me dirige vers la fenêtre.

- J'ai hérité de ce manoir de feu mon père qui m'a abandonné à la naissance et que je n'ai jamais connu.

Je débite cette phrase d'une traite. Je suis face à la fenêtre et je n'ose me retourner, que vais-je voir à nouveau dans ce regard qui me rend dingue, de la pitié ?

Je sens une main se poser sur mon bras. Décidément Mme Cameron est très tactile. Je me tourne vers elle et c'est autre chose que je vois dans ses yeux ; de la compassion.

- Je comprends, me dit-elle tout simplement, vous vous dites que si vous restez détaché de tout ça, vous ne serez pas atteint, mauvaise nouvelle me dit-elle en me souriant légèrement, ça ne fonctionne pas comme ça.

Elle prend une grande inspiration et soupire.

- J'ai perdu mon père moi aussi quand j'étais plus jeune, un accident de voiture. Il représentait tellement pour moi, il était mon monde et ça m'a anéantie, j'ai longtemps enfouie au plus profond de moi mes émotions mais ils ont fini par me revenir en pleine face et ce n'était pas très agréable.

Je me sens tellement triste pour elle. Je pose une main que j'espère réconfortante sur son épaule. Elle me sourit largement.

- On ne va pas se mettre à pleurer n'est-ce pas Duncan car vous savez si je commence, je ne sais pas quand je m'arrêterai !

À cette remarque, je m'esclaffe ! Elle en fait autant. Que ça fait du bien de rire ! Encore une fois, cela faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé. J'ai bien l'impression qu'Annabelle me redonne vie un peu plus chaque jour.

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