Les larmes des Saphirs

28. Paranoïa.

Depuis plusieurs semaines, je dormais très mal. J'étais en train de devenir légèrement parano, à me demander qui pouvait être en train de me surveiller. À vrai dire, peut-être même que plusieurs personnes étaient impliquées, ce qui me faisait froid dans le dos et je n'arrêtais pas d'entendre Evan et Ryan me dire qu'il fallait que je me méfie de tout le monde. Je ne savais plus à qui me fier, et sans m'en rendre compte, une période d'angoisses quotidiennes s'était installée. Avec Evan, nous avions eu à nouveau cette discussion, et il m'avait avoué que lui-même était perdu. Il n'avait aucune idée de qui pourrait me vouloir du mal, qui était prêt à me tuer, ou qui voulait m'interroger. Cela m'avait encore plus chamboulée car jusqu'à présent, il s'était toujours montré très sûr de lui. À présent, il disait que n'importe qui pouvait être un suspect, et qu'en gros, je devais me méfier d'absolument tout le monde, y compris des professeurs, des vendeurs dans les magasins et des passants dans la rue. Quoi de plus normal que de devenir complètement paranoïaque !

Donc depuis quelques semaines, la journée, je restais constamment sur mes gardes, épiant les moindres faits et gestes de toutes les personnes m'entourant. La nuit, dès que je fermais les yeux, je ne pouvais m'empêcher de voir les gens de mon entourage comme de potentielles taupes au service d'un clan ou d'un autre. Une nuit, je me suis réveillée en sursaut, hurlant le nom d'Anthony. Mon cousin était venu dans ma chambre, pensant que je ressassais toujours ma rupture qui s'était pourtant produite il y a quelques mois. Je n'avais pas eu le courage de lui expliquer la réalité des choses : que j'angoissais chaque jour que j'en étais devenue paranoïaque.

La nuit suivante, c'était Gabrielle, ma propre meilleure amie qui me trahissait et me livrait en pâture aux anciens afin qu'on me vole mon don, évidemment j'en mourrais comme Stella. C'était stupide car personne n'était au courant que j'avais eu une vision, et que Gaby ne se doutait pas de l'existence du monde magique (la connaissant, incapable de garder un secret, elle m'en aurait parlé dès le début de notre amitié). Puis la nuit d'après, le coupable était Ryan. Je le voyais me manipuler depuis le départ pour finir par me planter un couteau dans le ventre. Et parfois, dans mes rêves, c'était Evan qui me faisant croire qu'il voulait me protéger alors qu'il voulait juste me rendre folle et me faire craquer juste pour se venger. Chaque jour, lorsque je sortais de mon lit pour une nouvelle journée de cours, je ne savais plus ce qui était réel ou non et pour ne rien arranger, Anthony continuait de chercher à me convaincre de me remettre avec lui. Nous avons eu encore deux grosses disputes qui s'étaient terminées comme la première : j'avais séché les cours pour me calmer. Chaque matin, j'avais une boule au ventre qui ne me quittait pas de la journée. Ne pas savoir me tuait à petit feu et par moments, j'en avais le souffle coupé, le cœur qui battait à tout rompre et je me mettais à trembler... de belles crises d'angoisse.

Alors, après quelques semaines de cauchemars sans fin, j'avais décidé que le mieux était de rester éveillée le plus possible afin d'éviter les cauchemars. Un nouveau semestre avait démarré, et il y avait beaucoup de lectures à faire, et surtout, une nouvelle présentation à préparer. Cette fois-ci, c'était en sciences. Cette fois-ci, j'étais seule pour le faire. Je devais choisir un sujet et créer une expérience pour prouver une théorie en lien avec ce sujet. Sauf que la journée je n'arrivais pas à me concentrer car je pensais constamment à mon problème : je cherchais des signes chez tout le monde, j'analysais chaque conversation, chaque geste. J'essayais de résoudre une énigme qui me rendait complètement folle. Evan et Ryan continuaient de me mettre en garde, j'angoissais encore plus, je faisais des crises de panique et de paranoïa lorsque j'étais seule dans ma chambre, ce qui arrivait de plus en plus souvent. 

Et un jour, des mots glissés dans mon casier ont fait leur apparition. C'étaient des menaces. Et j'y avais droit chaque jour. Oui, quelqu'un au lycée me surveillait, et s'amusait de me voir perdre la boule. J'étais en train de devenir la nouvelle Stella et je n'osais en parler à personne. Je n'avais confiance en personne. Je me sentais terriblement seule au monde. J'essayais de donner le change pendant les cours, mais mes proches commençaient à s'en rendre compte et à s'inquiéter pour moi. La nuit, j'entendais Ryan ouvrir la porte de ma chambre pour vérifier que j'étais bien endormie. La journée, je sentais les regards de Gaby posés sur moi. Evan cherchait par tous les moyens à me faire parler de ce que je ressentais.