Les larmes des Saphirs

29. Rencontre non désirée.

Nous étions en train de marcher côte à côte dans les couloirs lycée. Je n'avais qu'une envie : aller me coucher. Mais alors que nous cheminions silencieusement, je sentais la déception qui m'habitait en quittant la salle de classe se transformer en colère. Amis. Proches. Ces mots tournaient dans ma tête attisant chaque fois plus le feu qui montait en moi. Je commençais à en vouloir à mon ex-binôme, et la fatigue qui s'abattait sur moi ne m'aidait pas à canaliser ma colère. C'était plutôt ça le problème... quand on est épuisé, les émotions font les montagnes russes et elles deviennent impossibles à canaliser ou à contenir. Elles explosent n'importe comment. Je devais m'éloigner de lui avant de dire ou faire quelque chose que je regretterais. Du coup, avant d'atteindre le trottoir, je me tournai vers lui.

- Je te remercie de la proposition, mon ton était plus sec que je ne l'aurais voulu, mais je pense que je vais rentrer seule. Moi-même je pouvais entendre une pointe de colère dans ma voix. Cela dit, dans ma tête, je m'imaginais déjà me calmer devant un bon chocolat chaud au Lieu des Saveurs. Il n'allait pas me casser mon trip quand même.

- Il est hors de question que je te laisse partir toute seule. Il avait prononcé ces mots presque en riant, mais d'un ton très autoritaire. Ryan a encore deux heures de cours je crois, alors je partirai quand il sera là. *Non mon petit Evan, je ne veux pas retourner chez les Sawyer*. Je devais le lui faire comprendre, quitte à devenir un peu méchante pour qu'il me lâche les baskets.

- C'est gentil de ta part, mais j'ai besoin d'être tranquille pendant un petit moment si tu le permets. Cette fois, c'est une pointe d'agressivité qui survolait mes mots. Être un peu méchante, oui, mais de là à être carrément mauvaise... ce n'était pas mon intention. Fichue fatigue qui mettait mes émotions en alerte et me faisait perdre patience !

- Et je veux juste m'assurer que tu rentres saine et sauve. Il haussa les sourcils brièvement et me toisa de ses yeux troublants. Tu dois te reposer Amelia, alors je vais ta raccompagner, et tu vas te détendre ou dormir en attendant que ton cousin rentre.

- Tu sais que je n'aime pas qu'on me donne des ordres. Et puis tu n'es pas obligé de... il me coupa la parole sans ménagement.

- Bon, arrête de faire la fillette en plein caprice, ça me gave. Il agrippa doucement ma main, ce qui contrastait avec le ton plus dur qu'il avait utilisé en s'adressant à moi. On y va. Il voulut me tirer pour entamer la marche vers la demeure des Sawyer, mais je retirai ma main un peu brusquement, ce qui sembla le surprendre. Tu as encore de la force à ce que je vois.

- Tu as encore l'espoir que je te suive à ce que je vois. Pendant quelques secondes, nous nous sommes toisés, nous défiant du regard. Puis la cloche sonna, nous ramenant gentiment sur terre.

- C'est quoi ton problème au juste ? Il avait dit ça avec une vive incompréhension.

- Je n'ai aucun problème. Je veux juste que tu me fiches la paix. C'est tout.

Sur ces mots, je lui tournai le dos et me mis à marcher, assez rapidement, vers la sortie du lycée. Il n'ajouta rien, se contentant de me regarder partir. L'air était frais en ce début d'année, alors je m'emmitouflai un peu plus dans ma veste, réajustant mon foulard autour de mon cou. Je n'osais pas regarder derrière moi, mais j'étais persuadée qu'il avait laissé tomber. Il m'aurait déjà rattrapée sinon.

En quelques minutes, j'étais loin du lycée. Je ralentis alors le pas et commençai à profiter de ma marche, essayant de calmer mes nerfs mis à rude épreuve. Je passais dans la rue principale, devant des magasins auxquels je n'avais jamais vraiment prêté attention : une boutique de vêtements bon marché à la devanture boisée ; un barbershop pour ces messieurs, suivi d'un petit garage qui me paraissait arriver tout droit des années 70 avec ses néons fluo lumineux ; un petit restaurant asiatique, mais celui-ci, je le connaissais bien puisque nous y allions régulièrement avec Gaby.