30. Se retrouver.

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Quitter le Lieu des Saveurs n'avait pas été difficile. Quitter Anthony avait été plus compliqué. J'avais toujours eu, quelque part au fond de moi, cette sensation que les choses n'étaient pas réellement terminées entre lui et moi. Et là, je venais d'y mettre un point final. Il n'y avait pas de retour en arrière. J'avais senti un poids se lever de mes épaules, comme si, maintenant, j'étais finalement réellement libre. Je n'avais plus aucune attache. Lorsque je repensais à ces années que j'avais passées avec Anthony, je me rendais compte que c'était vraiment la toute première fois que je ne me sentais plus sous son emprise. J'avais eu besoin de ça pour me libérer totalement.

Mais alors que j'étais perdue dans mes pensées, je n'avais pas réfléchi à ma destination. Mes pieds s'étaient mis en marche tous seuls. En sortant de mes pensées, je regardai autour de moi : des arbres hauts dont les feuilles étaient tombées. Des arbres plus petits qui eux, avaient gardé leurs feuilles. Et face à moi, ce lieu que j'espérais pouvoir oublier un jour. À chaque coup dur, mes pieds me ramenaient malgré moi jusqu'ici, là ou tout a commencé. Je m'assis au sol et m'adossai contre le tronc brûlé en fermant les yeux.

- Ce que tu peux me manquer papa. Peut-être était-ce ça ? Ce lieu était comme un phare qui me permettait de sentir mon père ? C'est ici que tout a changé. Je n'aurais jamais dû aller à cette fête. Je n'aurais jamais dû t'appeler pour que tu viennes nous dépanner. Si j'avais décliné l'invitation ou si j'avais insisté pour pouvoir dormir chez Gaby, rien de tout ceci ne se serait passé. Rien n'aurait changé. Je n'aurais jamais découvert qui est réellement Melanie, ni l'existence du monde magique. J'aurais pu être la même Amelia, insouciante et naïve. Ariel quoi... Avant, j'étais heureuse. J'avais un copain, aussi pourri soit-il, j'avais la danse, mais surtout... surtout... je t'avais, toi... C'était la première fois que j'arrivais à parler à mon père à voix haute sans me mettre à pleurer. Maintenant, j'ai découvert que tu avais raison, ce copain est un trou du c*l... depuis l'accident, avec mon genou blessé, la danse c'est devenu compliqué... et je suis seule face à toutes ces décisions, face à toutes ces nouvelles choses que j'ai découvertes, tu n'es plus là. Je me sens tellement seule papa ! Si tu savais ! Je soupirai longuement. J'espère que tu n'es pas trop déçu de là-haut.

- Je suis sûr qu'il est fier de toi. Évidemment. J'aurais dû m'en douter, Evan n'était jamais loin. En tout cas, moi je le suis.

- Tu es obligé d'épier toutes mes conversations ? Non... je reformule... t'es obligé de me suivre partout ? Je me relevai presque d'un bond. Franchement, vous les mecs, vous ne comprenez pas quand une fille vous dit qu'elle veut être tranquille ? Son visage se transforma soudainement et il leva un doigt face à ses lèvres, me demandant de me taire, ce qui me mit encore plus hors de moi. Non mais t'es sérieux ? Tu continues de me donner des ordres et... Il plaqua sa main sur ma bouche et me fixa intensément. Puis, de la tête, il pointa une direction derrière moi.

- Nous ne sommes pas seuls ici. Cette phrase me glaça le sang. Il ôta sa main et lorsque je me retournai pour regarder ce qu'il se passait dans mon dos, je le vis entre deux arbres à une trentaine de mètres. L'homme à la capuche. Je me tournai, faisant à nouveau face à Evan. Il dut lire la panique dans mon regard.

- Est-ce que je suis encore en train de rêver ? Instinctivement, je m'agrippai à la manche de sa veste comme pour vérifier que ce n'était pas le cas.

- Ne t'inquiète pas. Il sait que je te protège, il ne va pas s'approcher tant que je suis là. Il pencha légèrement la tête pour capter un peu mieux mon regard. Amelia, tu ne risques rien. Par contre, maintenant, écoute-moi bien. On va prendre ton sac et partir d'ici tous les deux, tranquillement. Je n'essaye pas de te donner des ordres mais de t'aider, compris ? Il avait cette pointe d'agacement dans la voix. Je hochai la tête pour lui signifier que oui, j'avais bien compris ses instructions. Je n'allais plus faire la maline alors que monsieur Capuche était là, et que j'étais très loin d'avoir les capacités pour l'affronter. Alors tu vas me laisser gérer cette fois ? À nouveau, je hochai la tête. Oui, j'allais suivre docilement tout ce qu'il me dirait de faire. Alors vas-y. Prend ton sac comme si de rien n'était. Je me baissai, évitant soigneusement de regarder à nouveau en direction de l'homme à la capuche. Oui, là, j'avais peur... j'avais envie de me battre, mais je sentais bien que mon corps était épuisé, sans forces. Evan n'était apparemment pas dans cette optique. On y va. Il passa son bras dans mon dos afin de me guider et me montrer le chemin. Amelia... je t'emmène chez moi. On dira à Ryan de nous rejoindre là-bas.

Les larmes des SaphirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant