45. Un deuxième masque tombe.

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La suite se déroula si vite que je n'avais même pas eu le temps d'analyser la situation. Je retrouvai Evan chez lui. Il avait trouvé un moyen de sauter l'après-midi de cours et lorsque j'arrivai chez lui, il me conduisit directement au premier étage. Je me retrouvai dans une pièce avec deux lits : un à droite et un à gauche. On voyait bien qu'il y avait deux univers très différents : un côté plutôt violet, légèrement en désordre avec des photos accrochées sur un tableau de liège au-dessus du bureau. De l'autre côté, la peinture se teintait de bleu et tout était très ordonné, avec beaucoup de livres et une maquette d'hélicoptère accroché au plafond.

J'étais surprise de découvrir qu'Evan avait partagé la chambre de sa sœur pendant de longues années. Mais je fus encore plus surprise lorsqu'il sortit une pile de cahiers et qu'il se mit à chercher dedans. Il trouva rapidement plusieurs pages où des morceaux avaient été surlignés.

- Ma sœur avait tendance à beaucoup écrire. Elle voulait faire un roman, mais je n'arrêtais pas de lui dire que ses histoires étaient pourries. Il sourit tristement. Mais quand tu m'as montré le mot et que j'ai reconnu son écriture, je me suis dit qu'il n'y avait qu'un seul et unique endroit où ils auraient pu trouver ce genre de phrase.

- Dans les cahiers où elle écrivait ses histoires. 

- Exactement. Il me montra les passages surlignés qui correspondaient trait pour trait à ce que j'avais moi-même sur mon papier. Et pour la dernière phrase de ton mot... il ne termina pas son explication. Au lieu de ça, il me tendit une carte. Je la lis doucement et compris que c'était un truc entre eux de se souhaiter un joyeux anniversaire en avance, et qu'elle signait toujours ses cartes de la même façon. Aucune des cartes ne correspond. Elle a dû en écrire une entre le moment où elle a disparu et le moment où on l'a retrouvée, parce que notre anniversaire arrivait.

Il avait l'air si triste en disant ça, j'avais mal pour lui. La conversation continua sur ce fameux petit mot formé à partir des histoires que Stella inventait dans son cahier. Le soir-même, nous en avons parlé à Ryan qui nous a demandé le plus naturellement possible qui avait accès à ses cahiers. La question était très intelligente : la personne qui avait pu lire les récits avait aussi pu les photocopier et choisir ses phrases pour m'écrire ce dernier petit mot, cette soit-disant offre de paix. Et la réponse à la question de mon cousin fut très simple : en dehors de la famille, il y avait un professeur du lycée, une amie à Stella, et le père de Ryan. En entendant cela, mon cousin ouvrit de grands yeux.

- Pourquoi mon père aurait-il eu accès aux cahiers de ta sœur ? Il y avait une pointe d'agressivité dans sa voix. Il n'aimait pas qu'on insinue que son père puisse être coupable.

- Ben parce que c'était lui qui corrigeait les histoires. Evan lui avait répondu cela comme si c'était une évidence. Il lui est arrivé de les proposer à la publication dans le journal pour lequel il travaille. Stella était plus qu'aux anges quand elle a vu qu'une de ses nouvelles avait été publiée. J'ai encore la coupure quelque part d'ailleurs. Plus Evan parlait, plus je voyais mon cousin se décomposer, et j'en comprenais la raison.

- Tu sais, ça ne veut pas dire que... enfin... ça ne veut pas dire ce que tu penses.

J'avais posé la main sur l'épaule de mon cousin, et c'est à ce moment-là qu'Evan comprit ce que nous avions déjà compris. À nouveau, une conversation s'anima entre nous trois. De nous trois, étrangement, j'étais celle qui avait le plus de peine à croire que mon oncle John soit derrière tout ça. Même Ryan se disait que son père serait capable de faire ça juste pour obtenir le pouvoir qu'il voulait tant. On lui promettait le poste d'ancien des Émeraudes depuis des années, mais cela ne s'était jamais fait. Peut-être avait-il décidé de se retourner contre les siens en s'alliant aux dissidents ? Evan aussi était sceptique, mais pour lui aussi l'affaire semblait emballée. J'étais donc la seule à défendre oncle John bec et ongles. Je pense qu'au fond, je ne voulais pas qu'une nouvelle personne de mon entourage proche soit un traître.

Les larmes des SaphirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant