Les larmes des Saphirs

36. Retour à la réalité.

- Stella ! Je tendis la main face à moi et l'obscurité fut totale pendant quelques secondes. J'avais cette horrible sensation d'être aveugle, tandis que ce bruit de vent continuait de battre dans mes oreilles. Lorsque je rouvris les yeux, le regard turquoise que je voyais n'était plus celui de la jeune fille. Je jetai un coup d'œil rapidement autour de moi avant de poser les yeux sur ma main toujours tendue. La bague... elle entourait à nouveau mon pouce. Je n'étais plus dans cette petite cabane dans les bois, j'étais de retour dans cette forêt maudite où mon père était mort... j'étais dans la réalité. Stella avait été remplacée par Evan, et Madeline avait totalement disparu. Je soupirai longuement et relevai à nouveau les yeux pour croiser le regard du jeune homme qui semblait surpris et terriblement inquiet. Il s'avança, posa ses mains sur mes épaules et m'agita doucement.

- Tu m'as fichu la trouille de ma vie ! Il m'attira contre lui et je pouvais sentir son cœur battre la chamade contre mon épaule. Je posai ma main dessus en enfouissant mon visage dans son cou. Bon sang, qu'est-ce qu'il s'est passé ? C'est comme si tu ne m'entendais plus pendant tellement longtemps !! 

- C'était le cas. Je ne t'entendais plus du tout. Mes jambes tremblaient, alors je me décollai d'Evan et m'agenouillai à même le sol. Il suivit mon mouvement : une fois agenouillé en face de moi, il se mit à me fixer. Evan, je pouvais tout sentir, absolument tout ce qu'ils ressentaient et... et... je n'arrivais même plus à parler, les mots s'entrechoquaient dans ma bouche. Je ne réalisais pas encore réellement ce qu'il venait de se passer.

- Amelia... doucement, reprends depuis le début. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il semblait inquiet. Tu t'es perdue ?

- Je... je crois... c'était surréaliste. Je hochais la tête tout en parlant, essayant de mettre mes idées en ordre. Je peux t'assurer que c'étaient les dix minutes les plus intenses de toute ma vie. Evan me jeta un regard étrange. Il semblait surpris, mais il y avait autre chose dans ses yeux. Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Dix minutes ? Non. Ta vision a peut-être duré peu de temps, mais... je pense que tu t'es évanouie parce que tu as été dans les choux pendant près de trois heures. En entendant Evan me dire ça, je me mis à regarder autour de moi. La nuit était bel et bien tombée. Une noirceur d'encre nous entourait. Heureusement que la route n'était pas loin et qu'une faible lumière nous parvenait d'un réverbère.

- Mais... ça n'a pas pu durer plus de dix minutes. Il hocha la tête pour me dire que j'avais tort. Je le savais au fond de moi, mais c'était difficile de se dire que j'avais zappé trois heures de ma vie comme ça, avec une vision. Je lâchai un soupir avant de reprendre calmement. Je te jure, j'ai l'impression que tout est allé si vite. D'un coup, j'étais à côté de ces rochers, je ne sais pas où, je ne savais pas quoi faire. Et puis quand tu parlais, je voyais le chemin s'illuminer, se colorer... Au fur et à mesure que les mots sortaient, les souvenirs me revenaient. C'était ta voix. Je levai les yeux vers lui. Je devais avoir l'air d'une dingue. C'est ta voix qui me montrait le chemin à suivre. J'ai trouvé la grotte. Puis les loups.

- Tu as eu la même vision que Stella ? Il semblait heureux et dérouté à la fois.

- Oui. Il faisait sombre, mais il y avait une lueur au fond. Et après, je les ai tous vus, je fermai les yeux quelques secondes et leurs visages me revinrent en tête, Charles, Henri, Thomas et Madeline. Les trois hommes sont passés devant moi et j'ai senti... Je posai ma main sur ma joue. Le regard d'Evan me confirma qu'elle était bel et bien entaillée. Je pouvais aussi le sentir sous mes doigts. Le truc c'est... c'est... je ne sais pas...