Les peluches blanches tombent du ciel une à une, et viennent tapisser le goudron dans une douce étreinte silencieuse. Le crissement de mes semelles sur cette pelouse blanche résonne jusqu'au coin de la rue.
Scroutch. Scroutch. Scroutch.
Depuis peu, l'automne et ses feuilles auburn et dorées ont laissé place à un hiver glacial, et à sa brume attendrissante qui couvre le monde de ses bras ténébreux. Parfois, lorsque les rayons réchauffants du soleil pointent le bout de leur nez, ils irriguent la neige, au sol, de reflets opalescents.
Je pousse un long soupir, dans le dolent silence de l'hiver, qui laisse échapper tous mes tourments.
— Quelle journée... Marmonné-je dans le vent.
Ma chevelure danse dans la bise et, de temps à autre, quelques mèches fouettent mon visage et me permettent de rester éveillée.
J'ai passé une journée éreintante au bureau. Les appels fusaient et ne me permettaient pas de m'adonner à mes plus importantes tâches. Ça fait maintenant cinq ans que je travaille pour cette immense entreprise, et alors même que je pensais finir par m'épanouir, voilà que je m'ennuie à mourir. La vie est monotone. Mon travail est monotone. En fait, tout est monotone et commence à peser sur mes épaules.
Ce soir, j'ai plutôt hâte de rentrer à la maison et de me faire couler un bon bain chaud pour me ressourcer, bien loin des peluches floconneuses qui parcourent le ciel gris, et de la solitude d'une soirée banale, au milieu des rues piétonnes inoccupées.
— Brrr...
La bise gelée me glace le sang, aussi je plonge les mains dans les poches de mon long manteau en coton pour tenter de me réchauffer le plus possible, d'ici à ce que j'arrive chez moi. À cette heure-ci, seuls quelques véhicules jonchent les boulevards. Les phares des machines motorisées éblouissent les rues et, en contre-parti, m'aveuglent. Plus aucun passant ne fait son entrée au coin des rues, ce soir. Seuls les chats de gouttières m'offrent leurs miaulements terrifiants.
Vivement que je rentre.
Je n'ai jamais aimé cet endroit : le centre des affaires de Denver. Il n'y a que des blocs de béton à perte de vue. Le paysage semble toujours sombre et lugubre, même lorsque les rayons du soleil pointent à l'horizon et se reflètent sur les murs ternes des bâtiments. Ils semblent immédiatement aspirés par le ciment qui gît dans tous les recoins de cet endroit morose, offrant une vue panoramique bien pauvre, comparé à ce que j'ai pu connaître durant l'enfance.
***
Clic. Clac.
— Enfin à la maison... Soupiré-je, haletante.
Décidément, je devrais me mettre au sport. J'ai de plus en plus de mal à avancer, surtout en talons hauts. Je déverrouille la porte d'entrée de notre appartement, puis pénètre dans la pièce de vie. Les lumières sont éteintes. Je referme la porte derrière moi et me penche pour retirer mes bottines, que je laisse gésir sur un des coins du tapis de l'entrée.
Je soupire à nouveau.
— Chéri, je suis rentrée ! M'annoncé-je alors.
Je pénètre dans notre petit chez-nous, et dépose mon sac à main sur une des chaises du bar, dans la cuisine. Personne ne daigne m'accueillir. Jusqu'ici, quoi d'anormal, me direz-vous ? Eh bien... Cette situation aurait pu être qualifiée de « normale », si je ne vivais pas en couple.
— Shawn ? T'es là ? L'interrogé-je à nouveau. Ouh ouh !
Bon.
Je retire mon long manteau, mon écharpe et mes gants, que j'accroche au porte-manteau de l'entrée. Puis je reviens sur mes pas, en direction de la cuisine.
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BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le Bourreau
HorrorColorado. Le jour où Isabella se fait kidnapper et se retrouve dans une étrange demeure luxueuse avec d'autres femmes, sa vie bascule. Qui les a capturées ? Qui les retient prisonnières ? Et surtout, pourquoi ? Violent, psychotique et s'adonnant à...