BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le Bourreau

CHAPITRE 5 - Isabella

C'est le grand soir.

Je suis enfermée dans la salle de bain, à prendre une douche. L'eau douce perle doucement sur mon corps et je ressens comme une flopée de frissons qui m'envahit.

Je suis nerveuse.

Après tout, c'est bien la première fois que je me permets un écart pareil dans notre relation, et ce, sans que Shawn ne soit au courant. Je lui ai dit que j'allais dîner avec des collègues de travail, et que nous allions certainement sortir en discothèque.

Voilà qui expliquera certainement ma tenue affriolante.

Je ferme les yeux et profite des gouttelettes chaudes qui glissent doucement sur ma peau, tout en réfléchissant à la manière dont je pourrais me justifier auprès de Shawn, si je venais à déserter pour la nuit.

Tu comptes quand même pas te donner le premier soir ?!

Et pourquoi pas ?

D'ailleurs, serait-ce seulement un coup d'un soir, si je m'offrais à lui ? Est-ce que nous pourrions nous revoir, encore et encore, à raison d'une ou deux fois par semaine ? Cela suffirait-il ? Je ne crois pas. Ou plutôt si. Je ne sais plus.

Tout s'embrouille dans ma tête.

Il y a encore à peine une semaine, je vivais mon quotidien simplement, sans prises de tête, et sans me poser la question de si j'étais réellement heureuse ou non. Je vivais comme ça, au jour le jour, en me laissant porter par le vent, porter par mon couple, et porter par mes tâches professionnelles. Mais depuis ma rencontre avec Dimitri, tout a changé. Je vois ma vie autrement, et ne cesse de me dire que finalement, je rate une partie de ma jeunesse, menottée à un homme qui ne prend pas autant soin de moi qu'il le devrait.

C'est peu dire.

La dernière fois que j'ai eu un orgasme - du moins, avec lui, en étant bien présente physiquement et psychologiquement -, c'était il y a... Je ne m'en souviens plus. Il me semble que cela date du début de notre relation, ni plus ni moins. Quand je repense à la manière dont nous prenions soin de l'autre par le passé, j'en aurais presque la larme à l'œil. Mais qu'importe, le passé est révolu. Je dois penser à l'avenir.

Shawn a changé de comportement depuis hier soir, certainement une conséquence de notre coït, que j'ai vécu comme une réelle intrusion dans mon corps. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive : cela faisait des mois que je rêvais de me faire prendre à nouveau, et pourtant, je ne suis pas satisfaite. La chaleur de sa peau ne m'atteint plus, tout comme son souffle, qui ne provoque en moi que des relents insupportables. J'ai même été obligée de penser à un autre homme afin de prendre du plaisir, et même à me masturber pendant qu'il me pénétrait.

En d'autres termes...

Je suis tombée plus bas que terre.

Cela dit, et même si cela m'attriste peu, je dois bien avouer que tout est redevenu comme avant, comme si rien ne s'était produit : Shawn et moi ne travaillons jamais le lundi, et malgré son envie de me reconquérir - du moins, c'était ce que je croyais - il ne semble pas disposé à m'empêcher de sortir. J'aurais pensé qu'en m'ayant appelée « mon amour » et surtout qu'en m'ayant pilonnée pendant... Cinq bonnes minutes, il aurait eu quelques attentions, mais c'est loin d'être le cas. Depuis ce matin, il vagabonde dans l'appartement comme le ferait un félin, alternant entre siestes, bouffe, et pisse.

J'me souviens pas avoir demandé à avoir un chat !

Est-ce que cela fait de moi une vieille potiche à matous ?

Bien sûr, il aurait pu me dissuader de sortir ce soir, s'il savait ce que je comptais faire et où je comptais me rendre. Mais il n'a même pas posé plus de questions que ça. Il se pavane dans son quotidien et la monotonie de sa vie trop « parfaite ».