CHAPITRE 28 - Isabella

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Cette journée a été la plus longue de toute ma vie.

Du moins, jusqu'à maintenant.

La veille, à peine mon orgasme redescendu, je me suis endormi sur mon lit, encore nu, à la vue des caméras. Étrangement, cela ne m'a pas vraiment posé de problème. Au contraire, j'ai trouvé cela plutôt amusant que de tenter le diable.

Les mots sont plutôt bien choisis.

Tôt ce matin, Victor m'a apporté mon petit déjeuner, et m'a précisé que je devais prendre des forces dans l'attente de ce soir.

Oui, mon cœur aurait dû battre la chamade, rien qu'à l'idée de devoir passer la nuit avec Hadrian et son esprit tordu. Mes membres auraient dû trembler de peur, et mon cerveau, passer en mode survie.

Or, ça n'a étrangement pas été le cas.

Je suis restée là, statique, à fixer le sous-fifre d'un air méprisant. Le regarder tel qu'il est : une saleté de violeur qui cautionne ce que fait Hadrian et qui, pire encore, doit certainement prendre part à ses jeux macabres.

Un connard, en somme.

Je crois que ce qui m'attriste le plus dans toute cette histoire, c'est que je n'ai pas revu mes camarades. Et je suis quasiment certaine qu'à l'heure qu'il est, elles sont sagement enterrées sous le sol de cette immense demeure terrifiante, dans le silence froid de l'hiver, sous la terre gelée. J'imagine déjà l'odeur nauséabonde de leur cadavre en putréfaction, et les milliers d'asticots qui rongent leur chair avariée couverte de sang séché et de semences en tout genre.

Le seul écho qui doit transpercer les filaments de terre sont les mélodies de leurs cœurs brisés, et je crois les percevoir jusqu'ici, dans ces pièces vides ou j'erre comme une âme perdue dévalant le courant du Styx.

J'arrive bientôt aux portes de l'Enfer.

Et Lucifer en personne s'apprête à m'ouvrir ses ailes.

Et malgré tout ce que je m 'énumère dans ma tête, je passe une journée plus que banale, une journée comme les autres. Je suis bien loin de cette fameuse journée qui sera la dernière. Bien loin de la perspective de mourir. Bien loin de la réalité.

Je me dis que finalement, j'ai au moins eu de la chance : je suis la dernière en vie. Hadrian m'a laissé le temps, malgré son sadisme avéré, de profiter de mes derniers instants en m'adonnant à mon plus vil plaisir.

Et quand j'y pense, c'est peut-être moi la sadique.

Ce midi, j'ai même eu droit à des plats vraiment succulents : de la tourte au saumon, une salade de riz somme toute délicieuse et savoureuse, des sucreries en tout genre, et même, à ma grande surprise, deux tranches de foie gras.

Le dernier jour d'un condamné.

Youpi !

On devrait mourir plus souvent !

L'après-midi a passé, et je me suis masturbée, encore et encore, en priant pour que ce ne soit pas la dernière fois.

J'imagine que la plupart des personnes aurait voulu voir la lumière du jour avant de mourir, revoir leur famille et leurs amis, voyager, pourquoi pas.

Mais moi, je n'ai souhaité que m'a donné un plaisir que l'on m'a retiré depuis bien longtemps. La seule chose qui fait que je me sens vivante. La seule chose qui fait que je suis encore une femme, et pas un foutu objet comme je le serai dans quelques heures.

CLIC CLAC

Du moins dans quelques minutes.

Tranquillement assise sur le canapé, je vois Victor, qui affiche cette fois un sourire d'une perversité notoire. Il doit certainement jubiler de la situation, sa vengeance personnelle pour la fois où son supérieur m'a défendue.

BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le BourreauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant