CHAPITRE 14 - Isabella

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Comme il le lui a été demandé, Victor a conduit Eleanor dans la grande salle de bain, en la soulevant comme un sac à patates. Elle n'a pas rechigné. Pendant ce temps, Alexandra et Beverly n'ont pas bougé d'un poil, le regard toujours rivé sur le corps impressionnant d'Hadrian, qui devait nous surplomber d'au moins deux ou trois têtes. À côté, nous n'étions que de minuscules gnomes. Quant à moi, je gisais toujours au sol, jambes écartées et entrejambe souillé, à la vue de tous.

Hadrian s'est penché au-dessus de moi, assez loin pour que je ne le craigne pas et pour que je ne tente pas de lui retirer son masque ou de le frapper, je ne sais pas. Cet inconnu que nous devons redouter, sans dire un seul mot, m'a fait signe de me relever en me tendant une main. J'ai obéi et il m'a aidée à me mettre debout. Puis, il m'a indiqué la salle de bain, ainsi qu'à mes camarades.

Nous nous sommes donc retrouvées toutes les quatre dans la grande pièce, à nous regarder dans le blanc des yeux, repassant le film de ce qu'il venait de se produire pour comprendre.

De longues minutes de sont écoulées. Alexandra est allée chercher Hailey dans la pièce adjacente, puis nous nous sommes serrées les coudes pour nous occuper d'Eleanor. Nous l'avons portée à plusieurs pour la transférer dans la douche.

Nous avons mis longtemps pour la déplacer. La jeune femme était un poids mort.

À l'instant présent, je suis toujours plantée devant elle. Je n'ose même pas lui retirer sa robe, de peur de constater les dégâts d'une nuit en enfer sur son corps meurtri. Les filles demeurent en retrait, trop effrayées par son état inquiétant, réalisant peu à peu ce que nous redoutions toutes depuis notre arrivée.

— Isabella...? M'interpelle alors Beverly, une main sur mon épaule.

— Mmh ?

Je me tourne dans sa direction et fais face à une jeune femme dévorée par le remord et la culpabilité.

— Je... Je suis tellement désolée pour...

— Tais-toi. T'en fais pas, la rassuré-je avec un demi-sourire.

— Non, ne dis pas ça, Isabella, ajoute Alexandra. Tu as sub... Devant n... Putain, on n'a rien fait ! On est vraiment des c...

— Arrêtez de vous faire des reproches, les filles. Vous n'auriez rien pu faire...

— À plusieurs, on aur...

— Pas la peine d'en reparler. Ça va, j'vous dis, rétorqué-je rapidement. On aurait eu beau être des dizaines, je pense que personne ne peut terrasser ces malades.

Je me bats contre moi-même pour ne pas flancher. Oui, la douleur entre mes cuisses est telle que j'ai l'impression qu'on me plante des coups de couteau depuis que Victor a osé me pénétrer de force. Je n'avais jamais subi de viol, et je m'en portais bien. Je n'aurais jamais imaginé le subir un jour. Surtout par cet homme vil et répugnant.

Ça n'est pas le moment de déprimer.

Je tourne le dos aux filles pour m'occuper d'Eleanor, les yeux ouverts regardant dans le vide. Mes camarades restent en retrait, tandis que je dépose une main sur son épaule. Sa peau est froide comme celle d'un cadavre. Si je ne constatais pas les montées et descentes de sa cage thoracique, j'aurais pu croire qu'elle avait perdu la vie.

— Eleanor, écoute-moi, m'adressé-je à elle d'une voix douce. Il faut que je retire ta robe. Il faut qu'on te lave. Maintenant.

Elle n'a aucune réaction, comme si elle ne m'avait même pas entendue. Elle est encore en état de choc. Je n'ajoute rien et me penche près d'elle. J'attrape le bas de sa robe et la soulève pour la lui retirer. Une fois mise à nue, je découvre un corps tellement abîmé que j'hésite à m'en approcher. Même si je sais que cela ne se fait pas, je me concentre sur les stigmates de son corps frêle, dont les os ressortent comme si elle ne s'était pas nourrie depuis des lustres.

BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le BourreauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant