Hadrian est un monstre.
Peut-être même le plus cruel que je n'ai jamais rencontré.
Je ne peux même pas dire qu'il est humain. Il est... Autre chose. Pas un homme. Une créature des Enfers. Pas un ange, une abomination. J'avais regardé une série, quelques années plus tôt, dans laquelle on disait que la raison principale pour laquelle il fallait craindre le diable, c'était sa beauté.
« Le diable est beau ».
« Cette beauté, sombre comme le fer, est de celles que forge et polit l'Enfer », écrivait également Baudelaire.
Je l'ai vu s'adonner à son plaisir sur le corps de notre défunte camarade de chambre, si jeune, si innocente, dont le regard vitreux dirigé dans ma direction semblait me renvoyer mon propre destin en plein visage. Il l'a profanée. De la plus dégoûtante des manières. Cet acte était si infâme que j'ai cru que j'allais vomir mes tripes. Je pensais que ce type de dérive sexuelle n'existait que dans la fiction. Ou bien que les nécrophiles étaient une infamie trop rare pour qu'un jour, je puisse assister à ça de mes propres yeux.
Et maintenant, c'est à moi qu'il s'en prend.
Je suis libre. Il a retiré mes liens, avant de s'allumer une cigarette pour reprendre son souffle. Mais je ne peux pas m'enfuir. Et je crois que c'est celle-ci, la pire des sensations.
Oui, sans doute.
Hadrian a lu en moi comme dans un livre ouvert, en se doutant bien qu'après avoir assisté à cette scène horrible, toute ma force vitale quitterait mon corps. Il fait maintenant les cent pas dans la pièce, seulement éclairée par un faisceau vermeil provenant d'une minuscule ampoule à l'autre bout de la pièce. La lumière tamisée m'offre la plus désopilante des atmosphères : je me sens coincée dans les rives du Styx, et si je tente de m'enfuir ou de refuser les offrandes du Dieu de la Mort, ses eaux déchaînées m'étrangleront de leurs mains puissantes.
— Couche-toi sur le flanc, m'ordonne le monstre en tirant tranquillement sur son mégot, comme si ses paroles étaient anodines.
L'encre pâle de ses yeux que je perçois dans la demi-pénombre pénètre mon corps à la vitesse de l'éclair. La voix gutturale de cette créature est aussi cruelle que l'est son mode opératoire : la soumission éternelle. Même après la mort. La peur s'est depuis longtemps immiscée en moi, et a fini par remplacer mon hémoglobine. Mais ce soir, il augmente encore le niveau de sa folie.
Sans trop réfléchir - ça aussi, c'est un droit qu'il m'a retiré -, je me tourne, et fais face à la porte, offrant en contrepartie une vue totale sur ma croupe à Hadrian. Je fais face à la poignée de la porte, cette poignée que je rêve d'abaisser pour m'enfuir, oublier ce que j'ai vu, oublier ces derniers jours qui n'ont été que calvaire, angoisse, soumission à une créature à la fois sublime et démoniaque.
— C'est bien. Maintenant, remonte tes genoux vers ta poitrine.
Je ne comprends rien à ce qu'il se passe. Mais je n'ai pas trop le choix, je dois me laisser porter. Même si je sais que cette obéissance totale ne prolongera ma vie que de quelques semaines, voire de quelques mois, tout au plus.
Lorsque je plie les genoux et que je remonte lentement mes jambes, je sens un courant d'air frais parcourir mon sillon inter fessier. Je crois que finalement, contrairement à la première seconde où je me suis retrouvé nue devant lui, je n'ai plus cure de son regard sur ma peau dénudée. Je tremble. J'ai froid. Je veux juste retourner dans ma chambre. Retourner dans mon lit. Retourner dans ce cocon. Retourner chez moi.
— Ne bouge plus.
J'entends ses pas qui se rapprochent. Je sais ce qui m'attend, je m'y prépare depuis notre enlèvement. Mais ce que je ne parviens pas à comprendre, c'est ce plaisir qu'il peut ressentir à me torturer, à me faire attendre et redouter ce moment le plus lentement possible.
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BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le Bourreau
HorrorColorado. Le jour où Isabella se fait kidnapper et se retrouve dans une étrange demeure luxueuse avec d'autres femmes, sa vie bascule. Qui les a capturées ? Qui les retient prisonnières ? Et surtout, pourquoi ? Violent, psychotique et s'adonnant à...