CHAPITRE 53 - Isabella

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Lorsque je me réveille, je ne sais plus où je suis. Tout est brumeux. J'entends seulement le tic-tac d'une horloge, dont les aiguilles paraissent trop lointaines pour pouvoir en suivre le rythme.

À cet instant, je suis incapable de me souvenir ce qu'il s'est produit la veille. D'ailleurs, ai-je dormi toute une nuit ? Seulement quelques heures ? À peine quelques minutes ? Gardant les yeux fermés, je tente de remuer les bras, mais sens tout à coup le poids d'immenses chaines qui me retiennent. J'en fais de même pour mes chevilles, qui semblent également attachées.

Mon dieu...

Le cuir brûle déjà ma peau, comme si on me tordait l'épiderme de droite à gauche. J'ai mal. Mon dos, en revanche, semble être blotti contre la douceur de la soie. Sa fraîcheur me hérisse les poils.

J'ouvre lentement les yeux, mais la lumière et ses reflets me font cligner des paupières à maintes reprises, avant de pouvoir entièrement les ouvrir. Malgré cela, je ne suis capable de percevoir que des formes indissociables les unes des autres, les couleurs ne peuvent pas être devinées. Je me sens vaseuse, comme si on m'avait droguée. Ma bouche est pâteuse, me rappelant presque les lendemains de soirée de mon adolescence, après avoir encaissé des dizaines de verre d'alcool.

Mon dieu, mais oui, ça me revient...

Je laisse ma langue gigoter à l'intérieur de ma bouche et reprendre vie, cet organe qui a encore le goût d'Hadrian sur lui. Je revois nettement notre baiser passionné sous l'écran de mes paupières.

Oh...

Je me remémore soudain les paroles que j'ai entendues avant de quitter ce monde. C'était Hadrian, qui m'annonçait, d'une voix caverneuse que je lui reconnais toujours, qu'il avait mis quelque chose dans ma boisson.

Non...

Une autre image vient obscurcir cette vision du passé, lorsque je revois Hadrian m'attraper par les cheveux et me balancer violemment sur la table à manger. Et tout à coup, une douleur déchirante parcourt mon ventre et me ramène à la réalité.

Je suis tellement dans les vapes que je ne parviens pas à avoir les idées claires. Pour ce faire, je force à nouveau sur mes yeux et enfin, je commence à voir les formes qui m'entourent plus distinctement. Comme un nouveau-né qui découvre ce monde. Je remue la tête sur les oreillers bouffant et, l'espace d'un instant, je me crois dans ma chambre.

— Bonsoir, princesse.

Cette voix...

Mon cœur rate un battement lorsque je distingue une silhouette large à quelques mètres de moi. Je cligne des paupières à maintes reprises, puis découvre Hadrian, posté devant moi.

Debout face au lit sur lequel je suis allongée, les mains dans les poches comme s'il assistait simplement à un exposé minable dans un musée, il me nargue de son sourire sinistre. Son regard dément détaille toutes les parcelles de mon corps avec délectation. De la tête aux pieds, en passant par mon entrejambe ouvert face à lui. Je baisse les yeux. Je suis nue. Un torrent d'affolement me traverse alors.

— Mais qu'est-ce qu... Qu'est-ce qu'il se passe ?! Bredouillé-je, la voix encore faiblarde.

— Commençons par le commencement, Isabella, tu veux bien ! As-tu bien dormi ?

Le sourire carnassier qui fend son visage en deux et que je commence à détailler plus distinctement me ramène à ce qu'il s'est produit il y a quelques heures seulement.

Oui. Il l'a fait.

Il m'a violée.

Le souvenir de ses coups de butoir dans mon corps provoque encore mon col, qui hurle sa douleur. Je me souviens m'être diligemment évaporée vers la fin de ce coït horrible. Je sens encore son sperme parcourir mes parois vaginales et couler le long de mes cuisses, provoquant instantanément une nausée irrépressible. Et lorsque je reviens à l'instant présent et que je réalise que je suis attachée au lit de la Dark Room, les battements de mon cœur se rapprochent, tandis que je commence à tirer sur mes liens, dans l'espoir de les faire céder. Or, il m'arrête :

BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le BourreauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant