BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le Bourreau

CHAPITRE 7 - Isabella

— Mmh... Soupiré-je.

Qu'est-ce qu'il m'arrive...

Je me sens vaseuse et lourde, comme si j'avais dormi des heures entières sous une pierre. Je souffle à maintes reprises, et m'étire lentement, un bras après l'autre. Une jambe après l'autre. Puis c'est autour de mon dos, tendu comme une arbalète, de se défroisser. La moindre parcelle de mon corps meurtri craque sous cet écartèlement soudain. Je garde les yeux clos un instant. La tête me tourne. Et lorsque, enfin, je décolle alors doucement les paupières, je les trouve si pesantes que je me demande presque si elles n'ont pas été collées ensemble. La lumière m'aveugle, et je ne perçois que des ombres claires.

Je ne suis pas dans ma chambre, si ?

Le soleil se lève toujours de l'autre côté de ma chambre, dans notre appartement. Ce matin, mes yeux éprouvent une difficulté certaine à s'adapter à la lumière flamboyante aveuglante. Je prends le temps de refermer les yeux et de profiter à nouveau de la pénombre, quand un mal de tête aussi vif qu'un coup de poignard s'empare de moi. Je plisse les sourcils.

— Mmh... Putain...

Je dirige mes paumes contre le sol et entre en contact avec une moquette rêche qui me hérisse les poils. Quelques picots viennent becqueter la pulpe de mes doigts. C'est une sensation désagréable. Puis, tout d'un coup, je sens mon cœur accélérer la cadence dans ma poitrine.

Je suis couchée sur le sol...

Quoi ?!

Je tente de me hisser sur mes bras, mais ils ont l'air complètement engourdis. J'ai mal. Mon dos n'est que douleur. J'ai presque l'impression de pouvoir sentir la moindre vertèbre de ma colonne vertébrale à travers chaque mouvement. Le sol sur lequel j'ai visiblement passé une bonne partie de la nuit est dur comme du béton. Pourquoi ne m'en suis-je pas aperçue plus tôt ? J'ai l'impression d'être sonnée, ou pire, de sortir d'une immense cuite suivie d'un trou noir.

— Qu'est-ce q... Tenté-je d'articuler, en vain. Pffffff...

Je rouvre enfin les yeux et affronte la lumière du jour. Je froisse les paupières pour essayer d'y voir plus clair, mais ma vue reste encore brouillée, comme si on avait placé un rideau opaque devant mes orbes.

Ça a dû être une soirée mouvementée pour avoir droit à un réveil aussi brumeux.

Qu'est-ce que j'ai foutu, encore ?

Je tends l'oreille pour tenter de déceler l'endroit où je me trouve, mais ne suis capable que d'entendre les battements de mon organe vital, dont les battements s'étendent maintenant jusque dans mes temps et mes orteils. La dernière fois que j'ai eu un trou noir, c'était il y a plus de quatre ans, à l'anniversaire d'une de mes collègues de boulot, qui m'avait forcée à boire un grand shot de Tequila mélangée à du Get 27 et à du Baileys. Je ne l'avais pas supporté. Je tente de retrouver mes esprits et de réfléchir : visiblement, je ne suis pas dans une chambre. Sinon, pourquoi serais-je allongée sur le sol, et pas sur un matelas duveteux ?

À moins que...

À moins que rien.

Je suis exténuée, je ne parviens plus à réfléchir.

Je suis complètement désorientée.

Je ne comprends rien.

Je tente de me remémorer ce qu'il s'est produit la veille : tout ce dont je me souviens, c'est que je marchais en talons sous la pluie battante, pour rejoindre Dimitri dans une rue plongée dans la pénombre. Je me souviens de sa silhouette divine à quelques mètres de moi, qui me faisait signe de le rejoindre. Mais que s'est-il passé ensuite ? Tous mes souvenirs semblent avoir été emportés dans l'Oubli.