J'ai attendu des heures entières, assise sur un des fauteuils. Celui qui est le plus rapproché de la cheminée, car malgré le chauffage environnant, je suis encore moulée dans ma robe de soirée dont le tissu est presque aussi fin que du lin.
J'ai passé des heures entières là, recroquevillée, la joue posée sur un de mes genoux, à admirer le feu crépitant à l'intérieur de la cheminée, et à me demander quand allait enfin sonner la fin du compte à rebours.
Mais il n'y a jamais rien eu.
J'ai pourtant attendu assez de temps pour que des personnes viennent nous récupérer, comme dans tout jeu pour lequel les citoyens lambda payent pour passer une soirée originale entre collègues.
Mais rien.
La lumière artificielle des énormes lustres baroques entourés de pampilles en cristal devient déjà insupportable, car trop puissante. Son teint jaunâtre se reflète sur les différents meubles lustrés, sur lesquels ne loge pas un brin de poussière, ce qui renvoie des dizaines de reflets opalescents dans toute la pièce de vie. J'aurais pu admirer cet endroit de par sa richesse, si je n'avais pas été enfermée dans une bulle destructrice en réalisant pourquoi je suis ici.
On m'a enlevée.
Si on m'avait prévenu à l'avance, j'aurais cru à une funeste blague.
Ça n'en est pas une.
J'ai tout de même réussi à me détendre un peu et à m'assoupir un moment, mais je serais incapable de savoir combien de temps. L'horloge est arrêtée, je n'ai toujours pas trouvé mon portable, et il y a aucun moyen de savoir si nous sommes le jour ou la nuit. J'ai l'impression d'être isolée du monde, complètement hors du temps et de l'espace comme une galaxie perdue au fin fond de l'univers.
Ces étranges femmes avaient raison : il n'y a aucun moyen de nous échapper. J'ai bien été kidnappée, comme chacune d'entre elles. Et je m'en veux terriblement d'avoir osé remettre en doute leurs paroles.
Quand je pense que notre inconnue vit ici depuis trois semaines...
Comment tient-elle le choc ?
Mais au-delà de ces simples constatations, je me demande réellement ce que peut nous vouloir cet Hadrian. Pourquoi nous garder captives, sans rien nous demander en échange ? Je pensais que, comme dans tout bon film d'horreur mettant en scène un psychopathe, nous allions nous retrouver enchaînées dans les quatre coins d'une cave humide et putride, nues, dégueulasses, couvertes de je ne sais combien de bactéries et de semences après avoir été violées maintes et maintes fois, au milieu de rats et d'insectes en tout genre, attendant simplement d'attraper un bon vieux virus ou une bactérie assez puissante pour nous éteindre. Pourquoi nous garder ici, dans un luxe que nous n'avons jamais eu le loisir de connaître ? Pourquoi nous apporter tant de nourriture sur la table alors même que l'on vient de nous arracher à notre vie et briser tous nos espoirs ?
Je suis perdue dans les méandres de mes réflexions incessantes.
En parlant de nourriture, j'ai constaté que les filles s'étaient ruées sur les différents plats pendant mon sommeil. De loin, je n'aperçois que des restes dans les assiettes : des miettes de pain jonchent la table en bois, ne restent que les os des deux poulets cuits et les épluchures des pommes de terre qui les accompagnaient, et les noyaux de quelques fruits çà et là. Elles ont mangé comme si nous n'allions pas avoir de ration de nourriture pendant des jours.
Je frôle l'éventualité que nous puissions mourir de faim, maintenant. L'éventualité que personne ne vienne nous rassasier un jour. Mais peu m'importe. Dans tous les cas, je ne resterai pas ici les bras croisés.
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BOURREAU DES COEURS - TOME 1 - Le Bourreau
HorrorColorado. Le jour où Isabella se fait kidnapper et se retrouve dans une étrange demeure luxueuse avec d'autres femmes, sa vie bascule. Qui les a capturées ? Qui les retient prisonnières ? Et surtout, pourquoi ? Violent, psychotique et s'adonnant à...