À l'ombre de ton cœur

Chapitre 8

Je suis assis au bar depuis près de deux heures désormais. Et toujours aucune apparition de Jamie. Je tourne mon doigt autour de mon verre et je fixe le liquide ambré à l'intérieur. Je suis pathétique. Je ne connais de nulle part cette femme et pourtant, je ressemble à un adolescent qui l'attend. Elle a attiré mon regard dès le premier soir où je l'ai vu assise à ce bar. Sa chevelure brune ondulée en cascade sur son dos et ses yeux d'un bleu presque transparent, qui m'ont transpercés au moment même où elle a fui ma présence. Si le coup de foudre physique devait avoir un nom il porterait le sien. Et malheureusement, je ne peux être attiré que par le physique pour le moment. Mon statut ne me permettrait pas de m'engager dans une relation, au risque de faire souffrir l'autre. Cependant elle n'est pas là pour ça, je l'ai bien remarqué, alors je me serais contenté de sa présence ce soir, mais je vais devoir flirter avec ma solitude.

— Bonsoir, un café allongé, s'il vous plaît.

Je crois bien qu'un sourire fend en deux mon visage lorsque j'entends sa voix, et je me sermonne intérieurement. Je tourne la tête vers elle et elle fixe simplement ses doigts.

— Pas de vin ce soir ?

— Il est un peu tard, et je dois essayer de rester éveillée cette fois.

Elle se tourne vers moi et son visage est toujours tiraillé par la tristesse. Le bleu de ses yeux a perdu une nuance. Je pourrais parier qu'elle a pleuré il y a peu. Quel imbécile a bien pu lui faire mal à ce point ?

— Vous avez ramené tout votre équipement pour attendre dans le froid ?

Elle acquiesce en remerciant le serveur pour son café avant d'en boire une gorgée. Je poursuis sur le sujet pour ne pas être tenté de lui poser des questions indiscrètes.

— Ils annoncent de belles aurores d'ici une heure.

— Ah ça va alors. Ce ne sera pas interminable.

Je ne l'espère pas non plus au vue de l'heure à laquelle j'ai réglé mon réveil, mais ça ne me dérangerait pas le moins du monde de profiter de sa compagnie. Ça faisait bien longtemps que je n'en avais pas eu, de la compagnie. Et ça va se terminer aussi vite que ça a commencé. Rien n'a commencé en réalité.

Quelques minutes après, le serveur de l'hôtel nous prévient que nous pouvons nous préparer à sortir. J'attrape mon manteau et l'enfile en attendant Jamie qui s'apprête. Nous rejoignons la plupart des autres occupants de l'hôtel à l'extérieur. Je pose ma main sur le bras de Jamie.

— Venez, nous nous éloignons un peu pour ne pas avoir la lumière des autres téléphones.

Je l'entraîne un peu à l'écart et elle me remercie. Je regarde autour de nous et remarque mes collègues un peu plus loin, qui voient bien évidemment la superbe femme à mes côtés. Je vais en entendre parler dès demain.

Le spectacle prend enfin vie sous nos yeux. Le ciel se pare d'aurores vertes et peu à peu du rose s'y mêle. C'est magnifique. J'immortalise le spectacle avant de regarder Jamie qui est subjuguée. Je crois même voir des larmes rouler sur ses joues. Le spectacle dure de longues minutes et quand les couleurs s'estompent, c'est un grand vide qui s'installe. Le silence de la nuit, malgré le nombre de personne que nous sommes, est pesant. Je me retourne vers Jamie et souris en la regardant essuyer discrètement ses yeux.

— Vous avez aimé ?

— C'était... Je n'ai pas de mot. C'est sublime. Merci Andréa.

Je croise ses magnifiques yeux, mais avec l'obscurité de la nuit, je ne peux pas jouir de leur beauté. Mais elle me happe, comme rarement une femme l'a fait. En aussi peu de temps. Bordel. Elle fixe mes lèvres lorsque je lui réponds.