Chapitre 13

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Je reviens au travail après mon très long week-end de Thanksgiving. J'ai pu passer la soirée d'hier avec Amy ce qui m'a  fait beaucoup de bien, mais pour une fois j'avais hâte de retourner travailler. Je prends mes transmissions et il y a du changement pour Andréa au bout de deux semaines d'hospitalisation : il a commencé la rééducation, son épaule se remet plus vite que prévu, il refuse tout médicament et parle très peu depuis quarante-huit heures. Élément important également : ils ont retrouvé sa famille. Elle devrait arriver incessamment sous peu, mais nous n'avons pas plus d'indication mis à part de préparer son transfert. Andréa venait d'Écosse, donc ils vont le ramener en Europe. Je ne le reverrais donc plus, cette fois-ci. Je n'avais déjà aucun espoir de le revoir, et le destin en a voulu autrement.

Ce soir la nuit promet d'être difficile : nous avons deux patients en soins palliatifs alors Lina leur sera dédiée exclusivement et je dois m'occuper de tous les autres. J'aime m'en occuper habituellement, mais il y a beaucoup trop de soins infirmiers pour que je puisse me le permettre. Alors avant de me lancer dans la préparation des antalgiques du début de nuit, je passe voir nos deux patients pour passer quelques minutes avec. Je commence ensuite mes soins et je termine par Andréa, qui ne nécessite aucun traitement. Je toque à sa porte, et le trouve assis au fauteuil, son plâtre surélevé.

— Bonjour.

Il est perdu dans ses pensées, mais en m'entendant il tourne sa tête vers moi. Il a meilleure mine que la dernière nuit que j'ai fait. Il ne me répond pas vraiment, mais ses yeux parlent pour lui. Je prends sa tension en le regardant. Ses yeux bleus sont toujours ternis par l'angoisse et la tristesse. Ses cheveux en bataille ne ressemblent pas à grand chose, et j'ai du mal à le reconnaître avec sa barbe.

— À ce qui paraît vous avez perdu votre langue depuis quelques jours, dis-je en souriant.

Ma taquinerie ne trouve pas récepteur et il garde la tête tournée. Je m'assois sur le lit pour être dans son champs de vision.

— Et avec votre barbe qui pousse, vous serez bientôt prêt pour faire le Père Noël.

Ses lèvres étirent un semblant de sourire et je croise enfin son regard. Je ne reconnais plus l'homme de l'Islande. Ce n'est peut-être pas lui finalement ?

— Qu'est-ce qui vous arrive Andréa ? Je peux peut-être vous aider...

— Je me souviens... De toute ma vie. Mon enfance, mes études, mon comportement de petit con, mon entrée à l'armée, les missions, la mort de ma mère, qui je suis, la déception de mon père... Mais je n'arrive toujours pas à me rappeler de ces dernières semaines.

— C'est déjà bien Andréa ! Ça revient petit à petit, c'est super.

— Je me serais bien passé de me rappeler certains mauvais souvenirs. Il y a une semaine j'étais persuadé que ma mère était vivante, et finalement non... Je préférais oublier le chagrin.

— Je comprends totalement Andréa... C'est le choc qui parle. Mais une fois que tous les morceaux seront reliés, vous serez comme avant.

— Comme avant ? Vous en êtes sûre ? Je suis voué à... Non oubliez.

Je le regarde appuyer sa tête en arrière et fermer ses yeux, comme s'il se débattait contre quelque chose.

— Votre famille doit être en chemin pour venir vous chercher, c'est une bonne nouvelle.

— Mon père va me rapatrier chez nous. Je n'en ai pas envie, mais dans mon état, comment puis-je me battre ? Je n'y peux rien contre lui. Et je peux vous parier qu'il n'est pas venu lui-même et a envoyé son homme de main.

— Il veut vous enfermer ?

— C'est un peu ça.

Il soupire en se levant pour se mettre au lit. Je le laisse se débrouiller car il devra le faire seul désormais.

À l'ombre de ton cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant