Dix jours sont passés depuis que mon père est venu me chercher dans cette petite clinique américaine. Et cette clinique ne m'a jamais autant manqué qu'aujourd'hui. Les gens s'articulent autour de moi comme un vulgaire pantin. L'infirmière pour mes pansements, l'aide-soignant pour m'aider à la douche, le kinésithérapeute pour me faire travailler et le médecin qui vient de m'enlever mon plâtre. Manque encore l'ergothérapeute qui m'aide à travailler ma mémoire et arrive dans une heure. Je suis tout simplement épuisé. D'autant plus que ma mémoire revient par flash depuis quelques jours et mon accident prédomine mes pensées. J'ai réussi à me rappeler une permission en Islande, et nous allons creuser cette période aujourd'hui. Mais pour l'instant, je savoure le fait d'avoir la jambe à l'air libre. Vu la perte de masse musculaire de celle-ci, je ne vais pas repartir de si tôt sur le terrain. Et mon père essaye de m'en dissuader. Alors pour le moment, je suis enfermé ici.
Karine, l'ergothérapeute, toque à la porte de ma chambre et je l'invite à entrer. Elle s'installe sur le fauteuil devant le mien et nous commençons les exercices de mémoire. Nous poursuivons ensuite sur l'Islande, mais des souvenirs de mon accident s'y mêlent et mon cerveau s'embrouille.
— Concentrez-vous.
— Je ne fais que ça ! Je me souviens être arrivé là-bas. Je me souviens d'avoir bu un whisky au bar et... je crois qu'après j'étais dehors dans la nuit.
— Étiez-vous seul ? Est-ce que vous avez visité un peu ?
— C'est flou... Je crois me souvenir d'une cascade.
— C'est bien.
Je soupire en m'appuyant en arrière. La migraine commence.
— On peut arrêter ?
— Il reste encore une demi-heure.
— J'ai mal à la tête. Je veux arrêter.
Je soupire en fermant les yeux. Elle attend un peu avant de soupirer et de se lever. Je garde les yeux fermés en l'entendant ranger ses affaires.
— À demain, me dit-elle.
— À demain.
La porte se referme et je soupire à nouveau avant de me lever prudemment et de me mettre au lit. Je fixe le plafond et mes souvenirs s'emmêlent.
***
Une bombe. Puis une deuxième. Mon dos qui s'écrase contre le mur. Mes os qui craquent. La fumée qui m'étouffe. Des yeux bleus qui me fixent...
Je me réveille en sursaut et en sueur. Le bruit de ma respiration remplit la pièce et j'ai du mal à calmer les battements de mon cœur. Je revis encore et encore la scène de mon accident. Mais à qui sont ces yeux bleus ? Je me redresse pour attraper le verre d'eau sur ma table de chevet et l'avale d'une traite. Je me rallonge et me concentre sur ces yeux. Ils me font penser à ceux de l'infirmière de la clinique. Jamie... Sûrement parce que je ne me souviens pas de grand chose entre mon accident et mon arrivée dans cette clinique. Mon père avait choisi de me cacher là-bas. Tout le monde savait parfaitement qui j'étais, il fallait juste le cacher. Et ils ont joué avec mon amnésie pour garder le secret plus longtemps. Avec mon père, tout est une question de façade... Et mon plus grand regret serait de ne plus pouvoir retourner sur le terrain et me résigner à lui succéder. Je n'ai aucune envie de devenir le Duc de Glenmorie et de participer à des évènements pompeux. Je suis parfaitement bien en tant que simple soldat. À quoi me sert ce titre si je ne peux pas disposer de ma vie comme je l'entends ? Mis à part être enfermé dans mon château, extrêmement seul. Et pourtant, seul, c'est ce que j'ai toujours voulu être, je crois.
Je ferme à nouveau les yeux et tente de ne pas penser aux bombes. Sans faire attention, je me concentre sur des yeux bleus. Je suis dans un bar et je remarque une chevelure brune assise. Je m'approche doucement et... Je sursaute à nouveau dans mon lit en entendant toquer à la porte. Merde.
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À l'ombre de ton cœur
RomanceJamie, jeune infirmière part s'isoler dans la nature islandaise suite à une rupture amoureuse douloureuse. Seule face à son chagrin, elle réalise à quel point sa vie s'est écroulé dans les derniers jours. C'était sans compter sur un militaire qui lu...