Lorsqu'on vient de nouveau cogner à ma porte, je manque de crier à Gilbet de fuir, de me laisser tranquille. Il ne m'a pas apporté de dessert, cette fameuse tarte aux fruits qu'il m'avait promis, et je lui en veux toujours.
Mais lorsque j'approuve avec un soupir – parce que je n'ai finalement pas le choix, c'est une toute nouvelle personne qui apparait dans le seuil. Une grande femme aux longs cheveux noirs, aux yeux verts soulignés d'un trait de crayon noir et un visage aux traits joyeux. Elle ressemble étrangement à Aydan mais alors que lui possède une aura froide, tout sauf sympathique, cette femme me semble avenante. Une moue déforme son visage quand ses yeux tombent sur ma personne, affalée sur le sol avec la grâce d'une poupée de chiffon.
— Mes dieux ! s'exclame-t-elle. Les garçons ne se sont vraiment pas occupés de toi, hein ? De vrais sauvages, ceux-là !
Il fronce les sourcils, ne comprenant pas qui elle est ni ce qu'elle fait ici, ni pourquoi elle parle des deux autres hommes du manoir avec une aussi grande familiarité. Aydan ne m'avait pas dit que son majordome et lui étaient les deux seuls habitants du manoir ?
Voyant que je ne bouge pas, elle s'approche de moi avec douceur. Elle me prend délicatement par le bras et me pousse à me relever. J'ignore pourquoi, mais je la suis, comme si je lui faisais confiance alors qu'elle n'est apparue que depuis deux minutes dans mon existence.
— Qui es-tu ? demandé-je une fois le choc passé
— Et ils ne m'ont pas présentée en plus ?
Elle lâche un petit rire, beaucoup trop léger pour la situation. Au milieu de ce manoir beaucoup trop obscur, ce son est un rayon de soleil. Et peut-être suis-je stupide, mais je tente de m'y raccrocher. Pour ne pas perdre la tête.
— Ça ne devrait pas me surprendre, mon frère est beaucoup trop obnubilé par sa propre personne pour faire attention à moi.
Son frère ?
Cette fois, ce n'est pas une surprise, c'est un coup au cœur. Malgré sa ressemblance physique avec mon bourreau, elle semble venir d'un autre monde. Et j'aurais préféré qu'elle ne soit pas reliée à ce monstre.
— Je m'appelle Emilya, se présente-t-elle lorsqu'elle remarque mon trouble, et tu as rencontré mon insupportable frère Aydan, j'imagine ?
Je hoche la tête sans dire un mot. Déglutis avec difficulté.
— Je suis désolée pour ces manières de brute. Il a dû te terroriser au lieu de t'expliquer la situation avec calme.
Un autre rire, cette fois sans joie. Puis elle me pousse gentiment vers la porte, qu'elle a laissé entre-ouverte.
— Je vais m'occuper de toi et, ensuite, nous parlerons de cet abruti d'Aydan. Il n'y a rien que je préfère davantage que d'insulter mon frère.
Elle me conduit jusqu'à la salle de bains que j'ai déjà visitée. Sauf que cette fois, elle prend soin de moi. Avec une brosse, elle brosse mes longs cheveux blonds, défait les nœuds, avant de les rendre brillants, nettoie mon visage, que j'avais grossièrement lavé, puis me montre quelques soins de beauté qu'elle a amenés avec elle. Ils me sont tous inconnus.
— Je suis désolée, il n'y a pas beaucoup de choix, mais la... situation, prononce-t-elle, ne sachant quel terme utilise, nous a privés de plusieurs produits de qualité.
D'ailleurs, j'aimerais la questionner sur ce qu'il se passe, quelle est cette situation dont Aydan et elle parlent, pourquoi ce manoir énorme est vide, pourquoi elle est apparue seulement aujourd'hui, pourquoi son frère agit comme il le fait. Mais je n'ai pas la force de le faire, encore ébranlée par les étranges visions et cauchemars que j'ai eu. Je reste silencieuse alors qu'elle s'occupe de moi avec douceur. Elle me nomme chaque produit qu'elle utilise, chaque effet qu'ils procurent, toutefois je l'écoute à peine, la laissant déblatérer.
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Les Spectres Oubliés
FantasyEldéa se réveille, sans souvenirs, dans un château vide... Enfin, presque vide. Le maitre des lieux, Aydan, un homme aussi mystérieux que détestable, y vit, seul. Il lui interdit de sortir du manoir, la condamnant à une existence morne. Mais c'est s...