Le majordome est en effet revenu quelque temps plus tard pour me montrer le chemin vers la salle de bains. Cette fois, je n'ai pas rechigné, me sentant collante, sale. Je voulais en profiter pour en apercevoir plus sur l'endroit où je me trouve, mais la pièce étant à quelques mètres seulement de la chambre où l'on me détient, je n'ai rien vu d'autre qu'un couloir sombre. Même si j'avais voulu explorer davantage, ça aurait été impossible puisque l'homme s'est tenu devant la porte, à l'extérieur, tout le long, pour être certain que je ne prendrais pas la fuite. Ils doivent tenir à moi...
Le propriétaire des lieux a de l'argent, c'est évident. La salle de bains était si grande et si luxueuse que seule une fortune importante a pu la construire. Si je ne me souviens de presque rien, je suis pratiquement sûr que ce n'est pas tout le monde qui a de l'eau courante et chaude. Cet homme en a tellement que j'en ai abusé.
Aydan. Je roule ce nom sur ma langue, le répétant encore et encore, en espérant qu'un souvenir me revienne. Mais rien. Rien d'autre que ce goût amer de déception.
On m'a offert un pantalon et un haut tout ce qu'il y a de plus normal. Pas de robe, ce qui m'a surprise dans un premier temps. Mais je me suis tout de suite sentie bien dans ces vêtements, ce qui m'indique une nouvelle information : je n'aimais probablement pas les robes dans mon autre vie.
Après cette petite visite hors des lieux de mon emprisonnement, on m'a reconduite à ma chambre, comme un enfant que l'on a puni parce qu'il a brisé le vase préféré de ses parents. Au moins, le majordome a précisé que je prendrai le repas du soir avec Aydan. Je préfère de loin être accompagnée qu'être seule à regarder les murs de cet endroit aussi déprimant que morne, même si ma compagnie se résume à l'homme qui me tient enfermée ici. Le vide qui m'habite m'effraie. Rester seule avec mes pensées qui tourbillonnent, tourbillonnent est désagréable, inhumain.
Lorsque le majordome réapparait pour m'amener à son maitre, je suis prête. Je le suis, le cœur dans la gorge, ne sachant pas quoi attendre de la suite des événements. Lorsqu'on atteint le bout du couloir, après avoir dépassé la salle de bains, nous voilà sur une grande plateforme, d'où partent plusieurs escaliers. Je reste un instant immobile, la bouche grande ouverte, alors que je remarque d'autres paliers, en bas, en haut, partout. L'endroit est si grand que je ne sais plus où donner de la tête et que le tournis me prend. Mais ce qui me surprend avant tout, avant même de remarquer la décoration et la richesse des lieux, c'est le silence. Aucun bruit de pas, de voix. Rien. Comme si cet immense manoir était... vide ?
— Sommes-nous seuls ici ? demandé-je au majordome.
Cette fois, il ne prend même pas la peine de me répondre, comme si je n'avais pas ouvert la bouche. Avec un soupir de frustration, je le suis alors qu'il descend un escalier. Mes yeux admirent chaque moulure, chaque rampe en or, chaque grand tableau représentant des paysages, chaque lustre en diamants qui pendent au plafond, chaque mur étrangement très sombre.
Je ne sais pas si je trouve l'endroit beau, mais il est évident que la richesse est partout autour de nous. Et pourtant, peu importe comment le temps s'écoule, jamais je n'entends aucun autre son que celui de nos pas qui descendent les marches
Le regard ailleurs, je ne remarque pas que nous avons atteint le rez-de-chaussée et fonce dans l'homme qui me guide, qui tousse gravement. Lorsque je reporte mon attention sur lui, je m'excuse, pourtant il ne répond rien.
Cet homme est étrange.
Je le suis de nouveau alors qu'il s'avance sur l'étage. J'ignore où nous nous trouvons – il n'y a pas de porte d'entrée à l'horizon –, mais au bout de quelques coins tournés, nous arrivons dans la salle à manger, où trône une immense table en bois massif. À son extrémité est assis Aydan, ses yeux sombres guettant chacun de mes gestes. Au-dessus de nous se dresse un énorme lustre fait de diamants et d'or, qui projette une lumière claire dans l'endroit dépourvu de fenêtre
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Les Spectres Oubliés
FantasyEldéa se réveille, sans souvenirs, dans un château vide... Enfin, presque vide. Le maitre des lieux, Aydan, un homme aussi mystérieux que détestable, y vit, seul. Il lui interdit de sortir du manoir, la condamnant à une existence morne. Mais c'est s...