Il ne rit pas, ne me dit pas qu'il plaisante. Il continue à me regarder avec cet air si sérieux que je finis par me convaincre que ça ne peut qu'être réel.
Il s'attendait peut-être à ce que je crie, à ce que je saute de ma chaise, à ce que je recule. Je ne fais rien de tout ça. Malgré mon cœur battant à un rythme effréné, j'affronte son regard, noir comme l'orage.
— Pardon ? est tout ce qui sort de ma bouche.
— Tu as bien compris.
Il n'en dit pas plus, comme si la situation n'avait rien d'anormal. Ou bien comme s'il essayait de me faire peur. Ça doit probablement être ça. Tout ce qu'il fait depuis le début de cette conversation, c'est essayer de me faire peur. Il veut me voir à sa merci, recroquevillée sur moi-même, prête à me soumettre à sa volonté. Je ne lui donnerai pas cette satisfaction.
Alors, je prends mon courage à deux mains, prête à tourner la discussion à mon avantage.
— Gilbet ?
Comme par magie, le majordome apparait dans mon champ de vision, comme si j'avais appuyé sur une sonnette. Cette vision me surprend quelques instants, mais je reprends vite contenance.
— Y a-t-il un dessert prévu au repas ?
— Oui, une tarte aux fruits, Lady Eldéa, répond-il, sans afficher la moindre expression faciale.
Lady Eldéa ? Pour le coup, j'adore ce nouveau titre. J'espère qu'Aydan m'appellera ainsi, lui aussi.
— Puis-je l'avoir dès maintenant ? J'aimerais ensuite me retirer dans ma chambre, dis-je, reportant mon attention sur le majordome.
— Bien sûr.
Et il disparait aussitôt, l'expression toujours aussi figée et froide. Cet homme n'est définitivement pas normal.
— Tu n'aimes pas ma compagnie ?
Je ne lui accorde pas un seul regard.
— Non. Je n'aime pas particulièrement les hommes qui s'amusent à faire peur aux femmes.
— Parfois, la peur est nécessaire.
Cette phrase m'arrache un éclat de rire sans joie.
— La peur n'est jamais nécessaire.
J'ai beau ne pas avoir de souvenirs, je suis convaincue en mon for intérieur qu'il ne s'agit pas d'une option valide pour protéger les gens. Surtout qu'il a beau me répéter qu'il me veut en sécurité, mais il ne me semble pas réellement le vouloir.
Et tout à coup, sans crier gare, le lustre s'éteint. Comme il n'y a pas de fenêtre, pas de lumière à l'extérieur, l'obscurité s'impose, maitresse. Et avant même qu'il ne revendique son geste, je sais qu'il s'agir de lui. De son pouvoir.
Mon cœur bat si fort la chamade qu'il pourrait sortir de ma poitrine. Mais je ne me laisse pas submerger par la panique. Hors de question de lui montrer que la noirceur me donne des sueurs froides. Je tente de me calmer via ma respiration. Je ne peux pas lui laisser voir qu'il m'affecte, que ses tentatives de m'effrayer me font peur.
Pourtant, cette noirceur ne me plait pas. Elle me rappelle ce réveil dans l'obscurité, enfermée dans une cellule avec de barreaux de fer. Une nausée me prend. Mes entrailles se soulèvent.
— La peur est nécessaire pour contrôler.
Sa voix s'élève, grave et pleine de sévérité.
— Tu as peur du noir, je l'ai tout de suite su. Avec elle, je peux te contrôler au gré de tes émotions.
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Les Spectres Oubliés
FantasyEldéa se réveille, sans souvenirs, dans un château vide... Enfin, presque vide. Le maitre des lieux, Aydan, un homme aussi mystérieux que détestable, y vit, seul. Il lui interdit de sortir du manoir, la condamnant à une existence morne. Mais c'est s...