C'est en sueur et en respirant avec rapidité que je termine de raconter mon étrange songe à Emilyah.

Non seulement il était plus précis que les autres qui m'ont visitée les nuits précédentes, mais il était d'une précision presque surréelle. J'ai ressenti les mêmes émotions que la moi du passé. La tristesse et la colère m'ont envahie, ont secoué mon corps.

Ce qui m'a convaincu assez facilement qu'il s'agit bel et bien d'un souvenir, d'un morceau de ma propre vie.

À moins qu'Aydan n'implanté de faux souvenirs dans mon cerveau...

Mais en a-t-il seulement le pouvoir ? Et d'où me vient une telle pensée ?

Je décide, pour une fois, de ne pas imaginer le pire de lui, et de plutôt donner mon attention à sa sœur, en qui j'ai une pleine confiance. Lorsque j'ai eu fini de lui raconter, Emilyah a tout d'abord été très contente pour moi. Parce qu'avoir un souvenir aussi détaillé est un énorme pas pour moi, que des pans encore plus gros de ma mémoire pourraient me revenir dans les prochains jours. Que les réponses viendront.

Elle me sourit encore, alors que je suis assise dans ses appariements. C'est la première fois que je constate à quel point ils sont différents des miens. Alors que le reste du manoir est sombre, à peine éclairé par quelques touches de lumière, l'antre d'Emilyah est une véritable ode à la vie. Elle a décoré les murs avec des couleurs pastel, placé des meubles clairs. J'ignore depuis quand elle vit ici, combien de temps elle a investi dans la décoration dans cet endroit, mais je me sens comme à la maison ici. Je ne crains pas l'ombre d'Aydan dans cette pièce, je n'ai pas de frissons comme lorsque j'évolue, seule, dans les couloirs sombres de la maison.

— C'est une bonne nouvelle, Eldéa, répète Emilyah pour la centième fois. Comment te sens-tu ?

Tout en me concentrant de nouveau sur elle, je lâche un soupir. À vrai dire, je n'ai pas pris le temps de me demander comment j'allais ; dès que je me suis réveillée, j'ai accouru vers elle, comme si c'était la chose à faire, comme si j'y étais obligée. Mais peut-être que ma conscience savait pertinemment que c'est auprès d'elle que je me sentirais bien. Que c'est elle qui s'inquiéterait de ma santé mentale avant toute chose. Comme si avec elle je pouvais me préparer avant d'affronter sa bête de frère.

Ça me prend quelques instants pour m'essuyer les mains moites sur mon pantalon, puis la fixer du regard. Si le rêve-souvenir m'a remplie d'effroi sur le moment, c'est une sorte d'excitation qui prend désormais le pas.

— Enfin, je me souviens d'une partie de qui je suis c'est tellement excitant ! ne puis-je m'empêcher de lâcher, totalement à l'aise avec elle.

La peur a disparu pour laisser place à une émotion que je ne suis pas sûre de bien comprendre, mais je la laisse me guider.

— J'ai un frère, Emilyah ! lâché-je, un grand sourire déformant mon visage.

Partageant mon enthousiasme, elle me prend les mains et les serre fort. Ses yeux plongent dans les miens, avec une lueur de joie.

— C'est merveilleux, Eldéa.

Je ne parle pas de l'éventualité qu'il soit peut-être mort aujourd'hui. Je ne veux pas y penser. Je m'accroche fermement à toute trace d'espoir, même mimine. Peut-être est-ce naïf, enfantin, de ma part, mais pour l'instant, je m'en moque.

— Je ne me souviens pas bien de la fin du rêve, continué-je en me reculant un peu sur ma chaise, mais j'ai l'impression que je ne voulais plus laisser nos employés sortir risquer leur vie pour la nôtre. Ça me laisse penser que je suis peut-être sortie à leur place et c'est pour cette raison que je me suis fait attaquer par des monstres et que je me suis retrouvée proche de votre manoir...

Les Spectres OubliésWhere stories live. Discover now